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Vasculaire

Publié le 12 avr 2011Lecture 9 min

L’accident ischémique transitoire : une urgence médicale

D. CALVET, Hôpital Sainte-Anne, Paris

L’accident ischémique transitoire (AIT) est le meilleur signe avant-coureur d’infarctus cérébral (IC).
Le risque d’IC au décours d’un AIT est environ de 5 % à 7 jours et de 9 % à 3 mois. Environ 15 à 20 % des IC sont précédés par un AIT. L’AIT doit donc être considéré comme une urgence médicale. Sa reconnaissance par le patient et par le médecin reste l’étape indispensable qui va permettre de mettre en œuvre les mesures suffisamment tôt pour éviter la survenue d’un infarctus cérébral.

Définition Classiquement, l’AIT est défini comme un déficit neurologique ou rétinien de survenue brutale, d’origine ischémique, correspondant à une systématisation vasculaire cérébrale ou oculaire, et dont les symptômes régressent totalement en moins de 24 heures. Une nouvelle définition a été proposée en 2002 par le TIA Working group. L’AIT y est défini comme « un épisode bref de dysfonction neurologique dû à une ischémie focale cérébrale ou rétinienne, dont les symptômes durent typiquement moins d’une heure, sans preuve d’infarctus aigu ». Cette définition a été reprise par l’ANAES en 2004. En remplaçant un critère temporel par un critère lésionnel, cette définition palie un certain nombre de désavantages de la définition classique. En pratique, au-delà des problèmes de définition, il est important de distinguer deux situations de patients vus précocement après un accident ischémique cérébral : – la première est celle du patient déficitaire au moment de l’examen, chez qui l’objectif est de limiter l’extension et de prévenir les complications de l’IC ; – la deuxième est celle du patient dont les symptômes ont régressé au moment de l’examen, chez qui l’urgence est d’éviter ainsi la survenue d’un IC. Figure 1. Troubles du langage régressifs en 3 heures. Diagnostic Le diagnostic d’AIT est difficile du fait de la diversité des symptômes, des nombreux diagnostics différentiels et de son caractère rétrospectif dans la grande majorité des cas. La qualité du diagnostic dépend donc de l’interrogatoire approfondi du patient et des témoins de l’épisode. La même attention devra être portée tant aux symptômes eux-mêmes qu’à leur chronologie et à leurs circonstances de survenue. Typiquement, il s’agit de l’installation rapide, habituellement en moins de 2 min, de symptômes neurologiques qu’il convient de classer en deux catégories : AIT probable et AIT possible (tableau 1). Les diagnostics différentiels sont nombreux à la fois neurologiques ou non neurologiques (tableau 2). Figure 2. Hémianopsie latérale homonyme droite régressive en 30 minutes. Risque d’infarctus cérébral Le risque à court terme d’IC a longtemps été sous-estimé car les études ne prenaient pas en compte les premiers jours ou semaines suivant l’AIT. Deux métaanalyses réalisées à partir des études récentes ont montré que le risque d’IC au décours d’un AIT est de 3,5 % à 2 jours, 5,2 % à 7 jours, 8 % à 1 mois et 9,2 % à 3 mois. Il existait dans ces études une hétérogénéité, en partie expliquée par le type de prise en charge dans des structures (par exemple, unité neurovasculaire, consultations spécialisées où les investigations et les traitements étaient mis en œuvre rapidement). Ce risque est en partie prédictible par des données cliniques simples. Patients à haut risque Données cliniques Plusieurs travaux ont montré que des données cliniques simples permettent d’identifier des groupes de patients à risque plus ou moins élevé d’IC au décours d’un AIT. Ainsi, dans une étude menée dans des services d’urgence de Californie du Nord, 5 facteurs étaient indépendamment associés à un risque élevé d’IC à 3 mois. Il s’agissait d’un âge > 60 ans, d’une durée des symptômes > 10 min, d’un déficit moteur, d’un trouble du langage et de l’existence d’un diabète. Des résultats similaires ont été obtenus en population générale dans le Compté d’Oxford ; les facteurs associés à la survenue d’un IC à 7 jours étaient l’âge ≥ 60 ans, une pression artérielle après l’AIT ≥ 140/90 mmHg), l’existence d’un déficit moteur et/ou d’un trouble de la parole et la durée des symptômes. À partir de ces facteurs de risque, un score a été proposé et validé spécifiquement pour le risque à très court terme, nommé ABCD. Dans cette étude tous les IC sont survenus chez des patients ayant un score ≥ 4 (66 % de la population initiale). Un score unifié nommé ABCD2 a été plus récemment proposé. Ce score, fondé sur 5 facteurs, permet une classification en patients à risque élevé d’IC, lorsque le score est de 6 ou 7 (risque d’IC à 2 jours de 8,1 %), en patients à risque modéré, lorsque le score est de 4 ou 5 (risque d’IC de 4,1 %) et en patients à risque faible, pour un score < 4 (risque d’IC de 1 %). Ce score a une excellente capacité de prédiction à court terme (validité à 2 jours, 7 jours et 3 mois). Autres facteurs de risque La présence de lésions ischémiques sur le scanner mais surtout en séquence de diffusion en IRM au décours d’un AIT semble être un facteur prédictif indépendant d’IC à court terme. Une étude a montré que le risque d’IC à 3 mois au décours d’un AIT est maximal lorsqu’une sténose athéroscléreuse était la cause d’un AIT (20 % à 3 mois), intermédiaire pour une origine cardioembolique (11,5 %), plus faible dans les autres cas. Prise en charge diagnostique et thérapeutique Compte tenu du risque élevé d’IC à court terme et de l’efficacité démontrée des traitements de prévention secondaire des AIT, les experts de l’ANAES ont recommandé de considérer l’AIT comme une urgence diagnostique et thérapeutique, et de réaliser un imagerie cérébrale et un bilan étiologique rapidement chez tout patient ayant présenté un AIT. Le bilan Imagerie L’imagerie par résonance magnétique (IRM) avec séquence de diffusion est l’examen recommandé. Si l’IRM n’est pas réalisable ou contre-indiquée, un scanner cérébral sans injection est recommandé. Bien que les lésions non vasculaires représentent moins de 1 % des cas se présentant comme un AIT, une imagerie cérébrale est indispensable, notamment une hémorragie cérébrale, une tumeur ou un hématome sous-dural. L’imagerie cérébrale peut montrer des lésions anciennes d’origine vasculaire et apporter ainsi des arguments indirects en faveur de la nature ischémique de l’épisode actuel. Enfin, elle peut montrer des signes d’ischémie récente dans le territoire approprié, transformant, selon la nouvelle définition récemment proposée, le diagnostic d’AIT en un diagnostic d’IC. Enfin, l’existence d’une ischémie récente en IRM est un facteur pronostique de risque d’IC. Bilan étiologique Le bilan étiologique de première ligne a pour objectifs d’identifier les causes justifiant d’un traitement spécifique, tels qu’une cardiopathie emboligène (en particulier d’une fibrillation auriculaire) ou une sténose carotide serrée. L’idéal est bien sûr de réaliser l’exploration du parenchyme cérébral et des artères au cours du même examen dès l’arrivée du patient. Le bilan initial, réalisé dans les meilleurs délais, comprend : – une exploration non invasive des artères cervico-encéphalique par écho-Doppler avec doppler transcrânien ou par angiographie par résonance magnétique ou angioscanner spiralé qui peuvent être couplés à m’imagerie du parenchyme cérébral ; – un ECG ; – un bilan biologique avec au minimum : hémogramme, VS, CRP, ionogramme sanguin, glycémie, créatininémie, temps de Quick, temps de céphaline activée (TCA). Dans un deuxième temps, d’autres examens permettant la recherche ou la documentation plus approfondie d’une cause pourront être réalisés : – échographie transthoracique ou transœsophagienne ; – explorations complémentaires des artères cervico-encéphaliques, pouvant aller jusqu’à une angiographie par cathétérisme si nécessaire ; – bilan glycémique et lipidique ; en fonction du contexte : autoanticorps antiphospholipidiques, Holter rythmique, examen du LCR, etc. Chez les patients ayant un AIT et des localisations d’athérosclérose ou des facteurs de risque d’athérosclérose, d’autres localisations asymptomatiques de la maladie athéroscléreuse, notamment coronaires, sont fréquentes. Il n’y a pas de données à l’heure actuelle prouvant que le dépistage et le traitement des ces lésions permettent d’éviter des évènements cliniques. Faut-il hospitaliser les patients ? La prise en charge du patient est réalisée au mieux dans un centre spécialisé en pathologie neurovasculaire, réunissant les compétences cliniques et le plateau technique nécessaires pour affirmer le diagnostic parfois difficile, réaliser en urgence les explorations nécessaires et mettre en œuvre sans délai les traitements appropriés. Une évaluation en urgence des patients ayant une symptomatologie évocatrice d’AIT est importante aussi pour s’assurer que les symptômes ont réellement disparu. Si tel n’est pas le cas, le patient pourra bénéficier d’un traitement thrombolytique, s’il remplit les critères pour ce type de traitement. Une surveillance étroite des patients ayant présenté un AIT peut aussi permettre un traitement thrombolytique très précoce, au cas où l’AIT serait suivi à brève échéance d’un IC. Il n’y pas d’essai randomisé ayant étudié l’impact, en termes d’IC évité, d’une prise en charge en urgence des patients suspects d’avoir présenté un AIT. Néanmoins, plusieurs études réalisées dans des unités neurovasculaires ou des consultations spécialisées, où le bilan étiologique et les traitements étaient réalisés en urgence, ont rapporté des risques d’IC à court terme particulièrement faible autour de 1 % à J7. Ce risque, beaucoup plus faible que celui observé dans les études de populations ou réalisés dans des services non spécialisés, est probablement en grande partie attribuable aux traitements adaptés instaurés en urgence. La réduction relative du risque d’IC observé dans ces études est d’environ 80 %. Les récentes recommandations anglaises, nord-américaines et australiennes proposent l’utilisation du score ABCD2. Les recommandations anglaises (National Institute for Clinical Excellence guidelines) proposent d’hospitaliser dans une unité neurovasculaire les patients qui ont présenté dans les 7 jours précédents un AIT avec un score ABCD2 ≥ 4 ou un AIT répétitif. Pour les autres, il est proposé que le bilan soit réalisé dans la semaine, basé sur le fait que les patients ayant un score < 4 ont un risque d’IC à 3 mois < 3 %. Cependant, l’urgence est au bilan étiologique qui permettra de mettre en place au plus vite un traitement adapté mais une hospitalisation de courte durée a aussi l’intérêt de pouvoir traiter par fibrinolyse dans les plus brefs délais les patients qui présenteront un IC dans les heures suivant l’AIT. Traitements Après un AIT, il est recommandé de débuter au plus vite un traitement par aspirine, à la dose de 160 à 300 mg/j, en l’absence de contre-indication et dans l’attente des résultats du bilan étiologique (ANAES). Les autres antiplaquettaires n’ont pas été testés dans cette indication. En cas d’AIT lié à une sténose athéroscléreuse serrée de la bifurcation carotide, l’endartérectomie est indiquée et devra réalisée au plus vite, au mieux, dans les 15 jours suivant l’AIT. Le délai optimal pour débuter le traitement anticoagulant après un AIT dû à une fibrillation auriculaire n’est pas connu. L’instauration des anticoagulants à la phase aiguë d’un IC est limitée par le fait que le bénéfice est contrebalancé par le risque de transformation hémorragique. Ce risque étant particulièrement faible au décours d’un AIT, il est probable que les anticoagulants puissent être débutés immédiatement. En pratique L’AIT doit être considéré comme une urgence médicale et comme une importante opportunité d’éviter la survenue d’un IC, souvent invalidant, grâce à des mesures de prévention secondaire dont l’efficacité est établie. La courte durée des symptômes et leur caractère volontiers discret n’alarment pas toujours le patient, si bien qu’assez souvent le patient ne sollicite l’avis médical que devant la récidive des symptômes. À côté des campagnes d’information du grand public, il est nécessaire que les médecins soient convaincus que l’AIT est une urgence, informent et éduquent leurs malades hypertendus, diabétiques, coronariens, etc. sur les symptômes des AIT et leur conseillent de consulter en urgence en cas de survenue de tels symptômes.

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