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Insuffisance cardiaque

Publié le 22 mai 2007Lecture 6 min

Insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée : le même pronostic que l'insuffisance cardiaque systolique ?

C. TRIBOUILLOY et D. RUSINARU, CHU d’Amiens

L’insuffisance cardiaque est un triple problème de santé publique de par sa fréquence, son coût et ses conséquences en termes de morbi-mortalité. Chez le sujet âgé, l’insuffisance cardiaque représente la première cause d’hospitalisation. Les données pronostiques sur l’insuffisance cardiaque systolique sont nombreuses et ont été largement décrites. En revanche, le concept d’insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée (ICFSC) est plus récent et les données concernant son pronostic sont plus rares et surtout peu homogènes.

Première cause d'hospitalisation chez le sujet âgé Le pronostic de l’insuffisance cardiaque est grave : dans l’étude de Framingham, la médiane de survie est de 1,66 ans chez l’homme et de 3,2 ans chez la femme. • Aux États-Unis, elle affecte environ 1 % de la population et son incidence est de 400 000 nouveaux cas par an. • En France, on estime à 120 000 le nombre de cas incidents chaque année et à 500 000 au mieux le nombre des cas prévalents avec un coût approchant le milliard d’euros, ce qui représente 1 % de la consommation des biens médicaux.   Épidémiologie   Une prévalence élevée La prévalence de l’insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée parmi les patients insuffisants cardiaques est très variable (entre 13 et 74 %) selon les différentes séries de la littérature (figure 1). Cet écart s’explique par une hétérogénéité des études en termes de méthodologie, de critères de sélection des patients, de critères diagnostiques et de méthodes d’évaluation de la fonction ventriculaire gauche. Néanmoins, la majorité des études rapporte une prévalence aux alentours de 40-45 % (tableau 1). Cette fréquence augmente avec l’âge. Après 80 ans, elle dépasse celle des insuffisances cardiaques par dysfonction systolique, ce qui explique aussi la relative prépondérance féminine de l’ICFSC (figure 2). La maladie coronaire, l’hypertension artérielle et les cardiomyopathies figurent parmi les causes les plus fréquentes de l’ICFSC (tableau 2). Figure 1. Répartition des fractions d’éjection dans l’étude ETICS (Epidémiologie et Thérapeutique de l’Insuffisance Cardiaque dans la Somme) : le pourcentage d’insuffisances cardiaques à fonction systolique conservée atteint 56 % dans ce registre français qui a inclus l’ensemble des patients hospitalisés pour une première poussée d’insuffisance cardiaque dans le département de la Somme pendant l’année 2000. D’après Béguin, et al. Arch Mal Coeur Vaiss, 2004. Figure 2. Répartition des insuffisances cardiaques selon la fraction d’éjection VG pour chacune des tranches d’âge dans l’étude ETICS. L’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée devient prépondérante à partir de 70 ans. D’après Béguin, et al. Arch Mal Coeur Vaiss, 2004. Critères diagnostiques En 2000, Vasan et Levy ont proposé des critères diagnostiques simples, en établissant une échelle de probabilité du diagnostic de cette insuffisance cardiaque, à partir de trois éléments : - présence d’un tableau évident d’insuffisance cardiaque ; - fraction d’éjection gauche > 50 % dans les 72 heures qui suivent l’événement ; - dysfonction diastolique ventriculaire gauche sur le cathétérisme cardiaque. En fonction de ces trois critères, on parle d’ICFSC : - certaine : si les trois critères sont présents, - probable : si seuls les deux premiers critères sont présents, - possible : si seul le premier critère est présent et la seconde condition est partiellement remplie (fraction d’éjection > 50 % à plus de 72 h). L’ensemble des études épidémiologiques publiées ont utilisé des critères de ce type. Dans l’avenir, le dosage des peptides natriurétiques sera certainement inclus dans les critères diagnostiques des travaux sur l’ICFSC.   Pronostic   Une cause fréquente d’hospitalisation Malgré sa prévalence élevée, le pronostic de l’ICFSC est encore controversé dans la littérature. Sa morbidité est importante comme en témoigne la fréquence annuelle des réhospitalisations pour poussée d’insuffisance cardiaque qui atteint 50 % dans certains travaux (Redfield, M.M. et al., JAMA, 2003). Dans l’étude CHARM-Preserved, portant sur 3 025 patients avec une fraction d’éjection > 40 %, 18 % des patients du groupe placebo ont été rehospitalisés pour une aggravation de l’insuffisance cardiaque sur un suivi moyen de 3,5 ans. Dans la Cardiovascular Health Study, incluant des sujets > 65 ans, les patients avec insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée (FE > 55 %) ont eu un risque significatif d’infarctus non fatal et d’accident vasculaire cérébral comparativement aux patients avec insuffisance cardiaque systolique. Dans un travail de Brogan et al. (Am J Med, 1992), une augmentation de la morbidité est notée chez des sujets plus jeunes, d’âge moyen 55 ans, asymptomatiques, présentant une dysfonction diastolique et une fraction d’éjection conservée : 45 %, soit 6,9 % par an de ces patients ont développé des symptômes d’insuffisance cardiaque sur un suivi moyen de 5 ans et 25 % (3,8 % par an) ont nécessité une hospitalisation pour ces symptômes. Cette pathologie est aussi source de nombreuses consultations chez le médecin traitant ou le cardiologue. Le coût de l’assistance médicale de l’ICFSC est donc très élevé et comparable à celui de l’insuffisance cardiaque systolique.   Une mortalité variable selon les études Dans les différentes séries de la littérature, la mortalité annuelle moyenne chez les patients avec ICFSC varie de 1,3 à 17,5 % (tableau 3). Cette variabilité du pronostic s’explique de nouveau par la non-homogénéité des critères de sélection des patients, de l’incidence de la maladie coronaire, de l’ampleur des symptômes congestifs, de l’âge des différentes populations et de la valeur seuil du niveau de FE retenu pour parler d’ICFSC. Les études des années 80 et du début des années 90 rapportent globalement une évolution de l’ICFSC plus favorable que celle de l’insuffisance cardiaque systolique. Une analyse de 31 travaux sur l’ICFSC publiés entre 1970 et 1995 rapporte un taux de mortalité annuel entre 55 ans et 71 ans de 3 à 9 %, plus faible que celui trouvé dans l’insuffisance cardiaque par dysfonction systolique (15 à 20 %). Dans l’étude de Framingham, (Vasan R. et al., J Am Coll Cardiol, 1999) portant seulement sur 73 patients, sur un suivi moyen de 6,2 ans, la mortalité ajustée à l’âge est plus basse chez les patients avec fonction systolique conservée (8,7 vs 18,9 % - figure 3). Figure 3. Mortalité de l’insuffisance cardiaque selon la fraction d’éjection VG dans l’étude de Framingham (Vasan, R., et al., J Am Coll Cardiol, 1999). Le pronostic de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection VG conservée apparaît meilleur dans ce travail. Le pronostic reste controversé : s’il peut apparaître moins sévère que celui de l’IC à fonction systolique altérée, c’est une maladie grave. Néanmoins, d’autres travaux rapportent un pronostic comparable entre les deux entités, qui persiste après ajustement de la survie sur l’âge et le sexe. Ainsi, dans l’étude rétrospective de la Mayo Clinic (Senni M. et al., Circulation, 1998) réalisée chez 216 patients insuffisants cardiaques, la survie est identique chez les patients avec fonction systolique conservée et ceux avec dysfonction systolique (figure 4). Après ajustement sur l’âge, le sexe, la classe NYHA et la présence d’une coronaropathie, la survie demeure comparable dans les deux groupes de pa-tients. Le travail de Varela-Roman et al. (Heart, 2005), incluant 1 252 insuffisants cardiaques abonde dans le même sens : la mortalité à 5 ans est comparable dans le groupe avec fonction systolique conservée et celui avec dysfonction systolique, après ajustement sur l’âge (figure 5). Dans l’étude ETICS (Epidémiologie et Thérapeutique de l’Insuffisance Cardiaque dans la Somme) qui porte sur 662 patients, dont 55 % avec fonction systolique conservée, la survie est globalement comparable à 1 an entre les deux groupes de patients, mais après ajustement sur l’âge et le sexe, la mortalité totale devient significativement moins élevée chez les patients avec insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée (p = 0,02). Il est probable que les survies comparables observées dans certaines études entre l’insuffisance cardiaque systolique et l’ICFSC s’expliquent par un âge moyen plus élevé dans le groupe ICFSC et par des caractéristiques différentes des patients comparés en termes de comorbidités et d’étiologie. Ainsi, le pronostic de l’insuffisance cardiaque diastolique serait moins sévère que celui de la dysfonction systolique, mais cela n’est pas définitivement prouvé. Des études prospectives sont encore nécessaires pour confirmer cette notion. Figure 4. Mortalité de l’insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée et à fonction systolique altérée dans l’étude de la Mayo Clinic (Senni, M., et al., Circulation, 1998). Il n’y a pas de différence significative entre la survie des 2 groupes après ajustement à l’age, au sexe, à la classe NYHA et à la présence d’une coronaropathie. Figure 5. Mortalité de l’insuffisance cardiaque selon la fraction d’éjection VG dans l’étude espagnole de Varela-Roman et al. (Heart, 2005) Les 2 courbes sont superposables.  

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