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Thérapeutique

Publié le 23 jan 2007Lecture 6 min

Hypertrophie ventriculaire gauche : quelles conséquences thérapeutiques ?

D. LOGEART, hôpital Lariboisière, Paris

L’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) est un marqueur indépendant du risque cardiovasculaire (CV), bien établi au cours de l’hypertension artérielle (HTA). Son implication dans la dysfonction ventriculaire gauche et la survenue d’insuffisance cardiaque gauche repose sur de nombreux arguments physiopathologiques. Par contre, les conséquences thérapeutiques sont — hormis la nécessité d’un traitement antihypertenseur « agressif » — moins évidentes.

HVG maladaptative et pathologique   Une hypertrophie compensatrice L’HVG est une forme de remodelage qui se développe en réponse à une surcharge de travail, une élévation des contraintes exercées sur la paroi, de façon segmentaire (parois adjacentes à un infarctus) ou globale (HTA, sténose aortique, etc.). D’un point de vue « finaliste », l’objectif de cette hypertrophie est de réduire cet excès de contrainte selon la loi de Laplace : contrainte = pression x [épaisseur pariétale/volume ventriculaire]. On parle alors d’hypertrophie « compensatrice ». Nous nous limiterons au cas de l’HTA. L’HVH est présente dans l’HTA dans environ 5 % des cas. Selon son aspect géométrique, on distingue l’hypertrophie ventriculaire gauche concentrique (épaisseur/rayon > 0,45), excentrique (épaisseur/rayon < 0,45, c.a.d. dilatation et hypertrophie) et le simple remodelage concentrique (épaisseur/rayon > 0,45 sans augmentation de la masse). L’orientation particulière vers l’un ou l’autre de ces remodelages reste mal déterminée (facteurs génétiques plutôt qu’hémodynamiques), de même que le passage d’une forme à l’autre. Sur le plan pronostique, les formes concentriques apparaissent les plus péjoratives, ce qui pourrait d’ailleurs paraître curieux si l’on ne considérait que la seule loi de Laplace.   Un remodelage pathologique À côté de l’aspect compensateur précédemment évoqué, il est bien établi que cette hypertrophie comporte de nombreux aspects dits « maladaptatifs », par opposition à l’hypertrophie physiologique et « adaptative » observée au cours de la croissance et chez le sportif. Pour seuls exemples, citons la diminution du ratio capillaire/myocytes, la fibrose interstitielle résultant de cette ischémie, la dysfonction endothéliale coronaire, les anomalies moléculaires du couplage excitation-contraction perturbant les mécanismes de relaxation puis de contraction. Il s’agit donc bien d’une hypertrophie ventriculaire gauche pathologique et l’on peut comprendre qu’elle fasse le lit de l’insuffisance cardiaque, le plus souvent à FEVG conservée et ensuite, qu’elle puisse représenter une cible thérapeutique intéressante.   Efficacité des antihypertenseurs sur l’HVG Dans une métaanalyse publiée en 1996, M. Moser et coll. rapportaient que le traitement antihypertenseur diminue d’environ 35 % l’incidence de l’HVG. La réduction de masse ventriculaire gauche est de l’ordre de 10 %. Diverses études, telles LIFE (Losartan Intervention For Endpoints reduction in hypertension) dans l’HTA ou HOPE (Heart Outcomes Prevention Evaluation) chez le sujet à risque CV, ont montré que la régression ou la prévention de l’HVG par le traitement est associée à une réduction sensiblement plus importante des événements CV et à la survenue d’insuffisance cardiaque, mais sans que la causalité dans ce lien soit démontrée. Il faut noter que le lien entre régression de l’HVG et amélioration de la fonction VG n’est pas spectaculaire (certes peu étudié de façon spécifique). Dans une autre métaanalyse publiée en 2003, A.-U. Klingbeil et coll. montraient que les différentes familles d’antihypertenseurs ne sont pas équivalentes dans la régression/ prévention de l’HVG. Les bêtabloqueurs (ou du moins l’aténolol) font moins bien que les IEC/ARAII et les bloqueurs calciques, et les études récentes LIFE, REASON (pREterax in regression of Arterial Stiffness in a contrOlled. double bliNd study) et ASCOT (Anglo-Scandinavian Cardiac OuTcomes) ont largement renforcé ces conclusions.   L’HVG est-elle une cible thérapeutique pertinente ? L’idée de cibler spécifiquement l’HVG est née d’études expérimentales assez récentes. En effet, plusieurs études chez des souris génétiquement modifiées ont montré que la suppression du processus hypertrophique myocytaire, en réponse à une surcharge de pression par exemple, peut ne pas provoquer d’insuffisance cardiaque, ce qui remet clairement en cause la notion d’hypertrophie compensatrice, et par ailleurs peut être bénéfique. Le démantèlement en cours des voies de signalisation du processus hypertrophique met à jour diverses cibles moléculaires pour inhiber ce processus. Il faudra attendre le passage de la souris à de plus gros animaux sur des périodes de traitement plus longues pour se faire une idée plus précise. Il s’agit d’un processus particulièrement complexe au cours duquel signaux cellulaires de croissance et de mort se juxtaposent en permanence à des degrés variables dans le temps et selon le type de surcharge de travail initial. Il est encore difficile d’imaginer que l’inhibition d’un seul de ces signaux permette une réduction pertinente de l’hypertrophie et de ses conséquences cliniques néfastes. Par ailleurs, il est important de souligner le rôle du système artériel dans la genèse de l’HVG et de l’insuffisance cardiaque. À niveau de pression artérielle identique, la rigidité aortique majore nettement la postcharge s’exerçant sur le ventricule gauche. Divers auteurs, notamment l’équipe de D. Kass, ont démontré que l’insuffisance cardiaque à FEVG conservée est liée, certes, à une rigidité ventriculaire accrue mais aussi à la rigidité aortique et, in fine, à un couplage ventricule-aorte défectueux avec une majoration du travail ventriculaire, induisant une perte d’adaptabilité en cas de majoration supplémentaire des conditions de charge (effort, excès sodés…). On peut ensuite mieux comprendre que l’HVG, bien que délétère pour la fonction cardiaque, soit surtout un marqueur du risque artériel ; il existe, en effet, un lien de causalité entre la survenue d’AVC ou d’infarctus du myocarde et le niveau de pression/rigidité aortique, ce dernier étant reflété par l’existence ou non (et son importance) d’une HVG. Cette rigidité aortique n’est évidemment pas aisément mise en évidence en clinique ; l’augmentation de la pression pulsée en est néanmoins déjà un reflet. Il est ensuite possible de l’évaluer plus finement de façon non invasive (tonométrie par aplanation…). De façon très intéressante, dans les études LIFE (Losartan Intervention For Endpoints reduction in hypertension), REASON (pREterax in regression of Arterial Stiffness in a contrOlled. double bliNd study) et ASCOT (Anglo-Scandinavian Cardiac OuTcomes), la pression aortique centrale et la pression artérielle brachiale ont été ainsi mesurées de façon simultanée et non invasive chez les patients inclus. Ces études avaient donc montré une infériorité de l’aténolol sur la réduction des événements, alors que le niveau de réduction de pression brachiale était identique quel que soit le traitement antihypertenseur. L’infériorité de l’aténolol apparaît liée à une moindre réduction de la pression aortique centrale comparativement aux vasodilatateurs, en raison d’une moindre réduction ou d’une majoration de l’onde de réflexion dans le système artériel et ce, quel que soit le mécanisme (vasoconstriction artériolaire, distensibilité artérielle réduite ou non améliorée, majoration de la durée du cycle cardiaque). Finalement, la cible thérapeutique semble davantage le système artériel et sa « rigidité » que le ventricule gauche lui-même, et les études précédemment citées ont fortement suggéré que les traitements antihypertenseurs ne sont pas tous équivalents dans cet objectif. Une des leçons de l’étude CAFE (Conduit Artery Function Evaluation) pourrait être qu’à l’avenir, les essais thérapeutiques antihypertenseurs s’intéresseront autant (et même plus) à l’effet sur la pression aortique centrale qu’à celui obtenu sur la pression artérielle brachiale.   En pratique   En attendant d’éventuels traitements agissant spécifiquement sur la rigidité artérielle (et ventriculaire), on retiendra simplement que l’existence d’une HVG implique un traitement antihypertenseur « optimal ». On privilégiera ou insistera peut-être sur les antihypertenseurs vasodilatateurs, en sachant que ce traitement sera, de toute façon, une polythérapie antihypertensive et que notre surveillance restera basée en routine sur le contrôle des chiffres de pression artérielle… brachiale.

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