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Échocardiographie

Publié le 21 nov 2006Lecture 9 min

Épanchement péricardique abondant : l'échographie guide le traitement

P.-Y. PENNEC et J.-J. BLANC, CHU La Cavale Blanche, Brest

Le péricarde est une structure au sein de laquelle la constitution d’un épanchement peut rapidement dégrader l’hémodynamique cardiaque, et au maximum, aboutir au tableau de tamponnade et au décès du patient. Rendue longtemps difficile en raison d’une clinique relativement pauvre et surtout peu spécifique, l’approche de l’épanchement péricardique et de la tamponnade a été révolutionnée par l’arrivée de l’échocardiographie qui constitue, actuellement, l’examen clé de cette pathologie tant sur le plan diagnostique que grâce à sa capacité à guider la thérapeutique.

Distinction clinique Les péricardites, quelle que soit leur étiologie, peuvent se compliquer de tamponnade.   Les tamponnades « médicales » Elles se caractérisent par : • un épanchement abondant intéressant le plus souvent l’ensemble du péricarde, • la nature variable de l’épanchement (transsudat, exsudat, pus, séro-hématique), • une installation lente et progressive expliquant le caractère longtemps asymptomatique (en dehors de la péricardite suppurée), • un processus inflammatoire de faible intensité se développant sur plusieurs semaines, • la grande fréquence de l’étiologie néoplasique, loin devant les origines idiopathique, infectieuse et urémique.   Les tamponnades « chirurgicales » Celles-ci se caractérisent par : • un épanchement de volume modéré, le plus souvent localisé, se constituant sur une période de quelques minutes à quelques heures, expliquant l’installation rapide du tableau de tamponnade, • la grande fréquence d’un contexte post-chirurgie cardiaque, loin devant le contexte postinfarctus du myocarde et post-cathétérisme cardiaque (type transseptal), • la nature de l’épanchement : hémopéricarde (+++). Physiopathologie La faible distensibilité du péricarde normal fait que toute augmentation de volume (même faible de 100 à 150 ml) dans l’espace intrapéricardique est à l’origine d’une augmentation importante de la pression intrapéricardique. La tamponade survient lorsque l’accumulation de liquide dans l’espace intrapéricardique est suffisante pour élever la pression autour du cœur à un niveau qui gêne le remplissage cardiaque. Pour compenser ce défaut de remplissage, la pression veineuse en amont augmente, d’où l’apparition de signes droits et la disparition du collapsus inspiratoire de la veine cave inférieure. L’installation du tableau de tamponnade peut être retardée en cas d’épanchement d’origine néoplasique car le développement très progressif du liquide au sein du péricarde lui permet de se distendre progressivement et de maintenir une pression à peu près normale, malgré l’augmentation de volume. En raison de son régime à basse pression, le cœur droit est la structure la plus vulnérable à l’augmentation de pression dans le péricarde, ce qui se traduit sur le plan échographique par un collapsus de l’oreillette et du ventricule droits. Le tableau clinique s’établit initialement par le maintien : • du débit cardiaque grâce à la tachycardie compensatrice et à l’augmentation des pressions veineuse et auriculaire droite, • de la pression artérielle systémique grâce à la vasoconstriction périphérique. Puis, ultérieurement (mais cela peut constituer le mode d’entrée si l’installation est rapide), lorsque la pression intrapéricardique atteint un niveau critique, le débit cardiaque et la pression artérielle chutent malgré la tachycardie, en raison de l’effondrement du volume d’éjection systolique du ventricule gauche. Durant l’inspiration, la tamponnade entraîne une baisse du volume d’éjection ventriculaire gauche par un double mécanisme : • réduction de la précharge par stockage de sang veineux pulmonaire, • majoration du phénomène d’interdépendance VD-VG : toute augmentation du retour veineux entraîne une augmentation du volume du ventricule droit et une diminution du volume du ventricule gauche par le phénomène d’interdépendance ventriculaire, qui est majeur en cas de tamponnade en raison de la distensibilité maximale alors atteinte par le péricarde. Cela se traduit cliniquement par l’apparition d’un pouls « paradoxal » et, sur le plan échographique, par une variation importante des flux transvalvulaires.   Clinique On distingue schématiquement deux tableaux. Un tableau très bruyant de tamponnade dans un contexte de type « chirurgical » avec formation rapide de l’épanchement (hémopéricarde) aboutissant en quelques minutes à un tableau hémodynamique grave associant : - hypotension, - polypnée, - signes d’hyperpression veineuse périphérique, - signes périphériques de bas débit, - bruits du cœur assourdis. Un tableau plus progressif de tamponnade de type « médical » où l’installation progressive aboutit à un tableau clinique associant quasi systématiquement : - tachycardie, - signes droits (turgescence jugulaire, hépatomégalie, œdèmes périphériques). Mais également, peuvent être présents : • douleur pleuro-péricardique, • dyspnée, • pouls paradoxal. Ce dernier se caractérise par une baisse de la pression artérielle systolique (> 10 mmHg) lors de la phase d’inspiration d’un cycle respiratoire normal. Sa valeur doit être interprétée avec précaution s’il n’est perçu qu’en inspiration profonde. Il est difficile à percevoir en cas de situation hémodynamique précaire. C’est la traduction clinique de la majoration de l’interdépendance VD-VG, mais il peut être observé dans d’autres contextes cliniques (embolie pulmonaire, choc hypovolémique…).   Examens complémentaires   Radiographie pulmonaire Elle montre généralement une augmentation de la silhouette cardiaque et des poumons clairs (figure 1). Figure 1. Radiographie pulmonaire d’une tamponnade. L’électrocardiogramme Il objective habituellement un microvoltage des QRS, parfois des signes de péricardite (sus-décalage diffus, sous-décalage du PQ) et, plus rarement, une alternance électrique avec diminution cyclique de l’amplitude des QRS (figure 2). Figure 2. ECG d’une tamponnade avec microvoltage et alternance électrique surtout marquée en V2. Examen échocardiographique Il constitue l’examen clé et a deux buts. Affirmer l’existence d’un épanchement. C’est le rôle de l’examen 2D (figure 3) qui, par l’utilisation des différentes voies, permet : - de visualiser un espace vide d’échos autour du cœur ; - de préciser sa topographie, de définir la voie la plus adaptée pour la ponction péricardique et de préciser la distance entre la point de ponction et le sac péricardique ; - d’évaluer son abondance de façon semi-quantitative sans cependant laisser présager de son retentissement hémo-dynamique. Figure 3. Vue apicale d’un volumineux épanchement péricardique avec image « arrêtée » d’un swinging heart. Évaluer le retentissement hémodynamique de l’épanchement (examen 2D). Le collapsus télédiastolique de l’oreillette droite (OD) est un signe très sensible mais peu spécifique (figure 4). Le collapsus proto- et mésodiastolique du ventricule droit (VD) (figure 5) est un signe plus spécifique. La perte du collapsus inspiratoire de la veine cave inférieure témoigne de l’hyperpression veineuse. C’est une donnée très sensible mais peu spécifique en faveur d’une tamponnade. Autrement dit, l’absence de ce signe échocardiographique traduit la bonne tolérance d’un épanchement péricardique non cloisonné. Figure 4. Épanchement péricardique circonférentiel et collapsus de l’OD. Figure 5. Collapsus du VD. Examen doppler Le principe est d’analyser l’influence du cycle respiratoire sur les variations des flux Doppler transvalvulaires, témoin du degré d’interdépendance VD-VG, lui-même témoin du retentissement de l’épanchement péricardique sur l’hémodynamique cardiaque. Chez le sujet normal, ces variations sont en moyenne faibles respectivement de 5 % pour le flux aortique, 13 % pour le flux pulmonaire, 10 % pour le flux mitral et 25 % pour le flux tricuspide. En cas de tamponnade, les variations sont très importantes. Ainsi, entre les pics de vélocité en inspiration et en expiration, on observe, en moyenne, une variation de : - – 26 % pour le flux d’éjection aortique, - + 40 % pour le flux d’éjection pulmonaire, - – 40 % pour l’onde E mitrale (figure 7), - + 85 % pour l’onde E tricuspide (figure 6). Il convient de retenir que ces données ne constituent pas une réponse binaire à l’existence ou non d’une tamponnade mais il s’agit bien d’un continuum. Autrement dit, plus les variations sont importantes, plus le retentissement de l’épanchement sur l’hémodynamique cardiaque est important. On note classiquement une inversion inspiratoire du rapport E/A des flux mitral et tricuspide. Figure 6. Variation inspiratoire du flux tricuspidien. Figure 7. Variation inspiratoire du flux mitral. Les pièges à éviter • En cas d’HTAP sévère ou d’hyper-trophie pariétale, les collapsus de l’OD ou du VD peuvent manquer. En dehors de ces cas très particuliers, l’absence de collapsus de l’OD, de même que la persistance d’un collapsus inspiratoire de la VCI ont une bonne valeur pour exclure un épanchement hémodynamiquement mal toléré. • En cas d’hypovolémie sévère, on peut observer un collapsus de l’OD en l’absence de tamponnade. • La distinction entre épanchement péricardique et épanchement pleural gauche est généralement aisée en s’aidant de la coupe parasternale gauche grand axe (figure 8) et en augmentant la profondeur de champ. Le péricarde apparaît généralement comme une structure hyperéchogène. En cas d’épanchement péricardique, l’espace vide d’écho s’interpose entre le ventricule gauche (VG), s’interrompt en regard du sillon atrio-ventriculaire et se situe en position plutôt antérieure par rapport à l’aorte descendante alors que l’épanchement pleural se situe en position postérieure par rapport à l’aorte descendante et se poursuit en arrière de l’oreillette gauche. Figure 8. VG (1), épanchement péricardique (2), épanchement pleural (3), aorte descendante (4), péricarde (5). Indications thérapeutiques   En cas d’épanchement péricardique avec retentissement clinique et échographique, il existe une indication formelle à la réalisation d’un drainage péricardique (classe I). La péricardocentèse est privilégiée sauf dans certaines circonstances : - épanchement de faible abondance, cloisonné, de siège postérieur ; - contexte étiologique « chirurgical » (hémopéricarde) nécessitant en plus du drainage péricardique une exploration, voire un geste curatif (dissection aortique, rupture en paroi libre sur infarctus du myocarde, traumatisme thoracique, postopératoire immédiat après chirurgie cardiaque...). À noter que la perforation coronaire en cardiologie interventionnelle constitue une exception car il a été bien montré qu’un drainage péricardique échoguidé dans un premier temps permet de résoudre le problème dans plus de 80 % des cas ; - suspicion de tamponnade purulente. En cas d’épanchement péricardique sans retentissement clinique et échocardiographique, il n’y a pas d’indication à la réalisation d’un drainage péricardique (classe I) sauf : - si l’épanchement péricardique > 20 mm en diastole (classe II a). En effet, certains auteurs ont bien montré le caractère imprévisible et relativement fréquent (30 %) du développement d’une tamponnade chez les patients porteurs d’un volumineux épanchement péricardique idiopathique ; - si une biopsie péricardique est nécessaire pour progresser dans la démarche étiologique.   Méthodes de drainage En cas de décision de drainage et en attendant sa réalisation, il convient : • de réaliser un remplissage pour retarder le collapsus des cavités droites ; • d’éviter, dans la mesure du possible, la ventilation artificielle car la perte de la ventilation spontanée limite le retour veineux favorisé par l’inspiration profonde et peut être à l’origine d’un désamorçage du ventricule droit.   La péricardocentèse Elle consiste à réaliser un drainage percutané à l’aiguille chez un patient demi-assis (classiquement angle de 20-30° par rapport à la peau en direction de l’épaule gauche) sous couvert d’une anesthésie locale. Dans notre expérience, nous complétons volontiers la sédation par l’utilisation de protoxyde d’azote (type Kalinox®) ne nécessitant pas la présence d’un anesthésiste. Une approche échoguidée du geste est à privilégier car elle : • permet d’envisager le geste au lit du patient ; • permet de repérer la meilleure voie de ponction (sous-xyphoïdienne, apicale, parasternale gauche) en privilégiant la voie sous-xyphoïdienne qui se caractérise par un trajet extrapleural et l’absence de risque de lésion vasculaire (coronaire, mammaire interne) ; • améliore très significativement le pourcentage de succès par rapport à une ponction à l’aveugle et minimise les complications ; • permet un contrôle du bon positionnement de l’aiguille de ponction dans la cavité péricardique par une épreuve de contraste (figures 9 et 10). L’injection de produit iodé et la vérification du positionnement du guide sont une autre alternative à condition de réaliser le geste dans une pièce disposant d’un appareil de scopie ; • un prélèvement pour analyse en cytologie-bactériologie-chimie est à réaliser systématiquement ; • la réalisation d’un drainage prolongé (24-48 h) permet de minimiser les récidives. Figure 9. Vue apicale 2 cavités d’un volumineux épanchement péricardique avant ponction. Figure 10. Même image après injection du produit de contraste confirmant la ponction de la cavité péricardique. Péricardotomie La voie sous-xyphoïdienne présente l’avantage de pouvoir être réalisée sous anesthésie locale, évitant ainsi toutes les complications éventuelles d’une ventilation artificielle. Elle est donc particulièrement adaptée en cas de drainage urgent non accessible par péricardocentèse ou en cas de nécessité d’une biopsie du péricarde. En cas d’épanchement récidivant et d’indication d’une fenêtre pleuro-péricardique, on s’oriente vers une voie thoracique antéro-latérale ou une thoracovidéoscopie.   En pratique   En raison de sa disponibilité, sa richesse en données morphologiques et fonctionnelles, son extrême rapidité de mise en œuvre, l’échocardiogramme a fait passer la prise en charge de l’épanchement péricardique symptomatique d’une approche « en aveugle », à une approche maîtrisée, du diagnostic à la thérapeutique. Cela a permis de rendre autonome les unités de soins intensifs de cardiologie vis-à-vis de la gestion de la majorité des épanchements péricardiques et de leurs complications.

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