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Cardiologie interventionnelle

Publié le 14 sep 2010Lecture 10 min

Angioplastie des branches artérielles pulmonaires : jusqu'à quel point doit-on être agressif ?

A. FRAISSE, I. KAMMACHE, S. CAMILLERI, B. KREITMANN, Marseille

L’angioplastie par cathétérisme des branches artérielles pulmonaires est pratiquée depuis 1985, en substitut ou en complément de la chirurgie. Environ 60 % des angioplasties pulmonaires aboutissent à un succès. Néanmoins ces dernières années, plusieurs techniques ont permis d’optimiser les résultats jusqu’à rendre le taux de succès proche de 100 % : utilisation de ballons à hautes pressions voire à très hautes pressions, utilisation de cutting balloons, implantation d’endoprothèses. Elles permettent de dilater des sténoses très compliquées, autrefois impossibles à traiter. Il convient cependant de bien clarifier les indications, les risques et surtout les diverses stratégies à employer avec l’apport de ces techniques dans l’angioplastie des artères pulmonaires.

Les indications de l’angioplastie artérielle pulmonaire sont l’existence d’un retentissement clinique, d’une hypertension (> 60 % de la pression systémique) et/ou d’une dysfonction ventriculaires droites, d’une hypoperfusion franche (< 30 %) du poumon concerné en cas de sténose unilatérale ou d’un rétrécissement angiographique (> 50 %) avec ou sans gradient. Pour être efficace, l’angioplastie doit entraîner une rupture non seulement de l’intima mais d’une partie de la média des artères pulmonaires. Son succès se définit par une augmentation de plus de 50 % du diamètre du vaisseau, de plus de 20 % de la perfusion pulmonaire ou une diminution de plus de 20 % du rapport pression ventriculaire droite/pression systémique en cas de sténoses pulmonaires multiples. Une technique interventionnelle pas particulièrement risquée Très peu d’information existe sur le risque de l’angioplastie des artères pulmonaires avec les techniques couramment utilisées de nos jours. Une seule étude, au Children’s Hospital de Boston, l‘a évaluée de façon rétrospective(1). Sur 1 286 angioplasties pulmonaires chez 782 patients, Baker et coll. ont rapporté 29 traumatismes des artères pulmonaires, responsables de 6 décès. On distingue les plaies circonscrites, en général sans conséquences, et les plaies étendues qui s’accompagnent volontiers d’hémorragies non contrôlées, menaçant le pronostic vital. L’occlusion par cathétérisme de l’artère pulmonaire concernée peut être nécessaire. On peut avantageusement y substituer aujourd’hui l’implantation d’un stent couvert en regard de la plaie. Même si l’étude de Baker et coll. n’en fait pas mention, il faut souligner le risque de rupture en péricarde « libre » en cas de plaie sur des sténoses artérielles pulmonaires natives proximales. Au-delà des premiers millimètres des branches artérielles pulmonaires, ce risque d’hémopéricarde devient très faible. En cas de sténoses proximales sur des artères pulmonaires précédemment opérées, le risque d’hémopéricarde est également très faible en raison d’une zone de fibrose « protectrice » qui se constitue autour de l’artère pulmonaire. On peut néanmoins conclure à partir de cette étude que la morbimortalité de l’angioplastie des artères pulmonaires est faible, probablement inférieure à celle de la plupart des autres actes de cardiologie interventionnelle. Parmi les études plus récentes démontrant la faisabilité des angioplasties avec notamment l’utilisation des cutting balloons, aucune n’a montré un risque de morbi-mortalité supérieur à celui de l’étude bostonienne(2). Optimisation des résultats grâce aux ballons à très hautes pressions Depuis quelques années sont disponibles des ballons à très hautes pressions d’inflation, de 20 à plus de 30 atmosphères (exemple : ballons Conquest, Boston Scientific). Une étude récente a montré leur intérêt ; leur utilisation peut être recommandée sans réserve pour toutes les angioplasties pulmonaires proximales ou distales, là où des ballons à hautes pressions ne suffisent pas ou bien en cas de resténose intrastent. Alors que pour l’angioplastie avec des ballons à haute pression des diamètres en général 2 à 4 fois plus larges que celui de la sténose à dilater sont utilisés, il est recommandé de surdimensionner un peu moins avec les ballons à très hautes pressions. Ils peuvent également aider à fracturer longitudinalement des endoprothèses précédemment implantées lorsque leur expansion maximale ne suffit pas à traiter une sténose(3). L’une des seules limites à l’utilisation de ces ballons à très hautes pressions est leurs moindres profil et souplesse comparativement aux autres ballons d’angioplastie. Cela rend parfois difficile leur acheminement sur des sténoses pulmonaires distales, en particulier chez des enfants de petit poids. Apport des cutting balloons L’utilisation appropriée des cutting balloons permet de dilater certaines sténoses après échec de l’angioplastie au ballonnet à haute ou très haute pression. Quelques études ont montré leur intérêt dans les lésions très serrées et calcifiées, principalement au niveau des artères pulmonaires distales(2). Ils sont disponibles jusqu’à des diamètres de 8 mm. Ils doivent être utilisés avec une certaine prudence car ils sont plus traumatiques que les autres ballons d’angioplastie. Ils peuvent plus volontiers entraîner des plaies des artères pulmonaires, rarement dangereuses en distalité du lit artériel pulmonaire. Au niveau des artères pulmonaires proximales l’utilisation de ces cutting balloons est en théorie déconseillée. Il s’agit cependant d’une contre-indication toute relative dans le cas des angioplasties sur des sténoses postchirurgicales. En effet, toute chirurgie au niveau des artères pulmonaires crée une zone de fibrose autour. L’expérience montre que, lorsqu’une plaie de l’artère pulmonaire se produit dans ces conditions, elle reste en général circonscrite, n’entraînant pas de rupture ni de saignement important. L’âge, le poids ou la taille du patient ne contre-indiquent pas l’implantation d’endoprothèses Contrairement à certaines croyances, il n’y a pas vraiment de limite inférieure de poids et de taille. Depuis de nombreuses années, les endoprothèses implantées lors des angioplasties pulmonaires sont redilatables, et des études ont montré la faisabilité de cette redilatation, plusieurs années après l’implantation initiale(3). Si l’endoprothèse est correctement choisie, elle est parfaitement redilatable avec la croissance du vaisseau dans lequel elle a été implantée. La principale règle à observer avant l’implantation d’une endoprothèse dans les artères pulmonaires, quel que soit le poids du patient, est de toujours pratiquer d’abord une angioplastie au ballon à haute voire à très haute pression afin de s’assurer que la lésion est dilatable. En cas d’échec de l’angioplastie malgré la disparition de l’incisure lors de l’inflation du ballonnet, il ne faut pas hésiter à implanter une endoprothèse quel que soit le poids de l’enfant, le plus souvent non prémontée, sous réserve de choisir le stent adéquatement redilatable. Par contre, en cas d’obtention d’un succès angiographique partiel chez un enfant de petit poids, il faut parfois savoir s’en contenter et ne pas implanter systématiquement une endoprothèse si cette angioplastie « simple » permet une amélioration significative de la perfusion pulmonaire (figure 1). Enfin, la croissance d’une sténose pulmonaire dilatée est en général très faible voire nulle, d’autant plus qu’il s’agit le plus souvent d’une sténose postchirurgicale, donc en partie reconstruite avec du matériel étranger. Ainsi, la plupart des sténoses pulmonaires dilatées dans l’enfance devront être redilatées et éventuellement stentées. Figure 1. Angiographie pulmonaire en oblique antérieure gauche montrant une sténose congénitale de l’origine de l’artère pulmonaire gauche (APG) chez un garçonnet de 2 ans (13 kg), avant (A) et après (B) une angioplastie avec un ballon à haute pression (10 x 20 mm). L’amélioration angiographique post-dilatation est nette et il n’est pas nécessaire d’implanter une endoprothèse. La perfusion pulmonaire gauche augmentera de 29 % à 42 % sur une scintigraphie pulmonaire réalisée au décours de cette angioplastie. Le chevauchement d’une branche artérielle pulmonaire par une endoprothèse ne compromet généralement pas sa perfusion Il faut distinguer le cas des branches artérielles pulmonaires proximales et distales. Pour des branches proximales, il n’y a quasiment jamais de gêne à la perfusion, même lorsque l’origine de la branche est entièrement chevauchée par une endoprothèse implantée pour traiter une sténose de la bifurcation et de l’origine de la branche controlatérale. L’endoprothèse implantée occupe moins de 10 % de la surface de l’origine de l’artère pulmonaire chevauchée. Par contre, l’artère pulmonaire ainsi « grillagée » devient difficilement accessible à une angioplastie. Même si on peut passer facilement un ballon à travers les mailles du stent, il y a un risque traumatique voire de mobilisation du stent lorsqu’il faut retirer le ballon à travers ces mêmes mailles. Le cas des artères pulmonaires distales est différent. Une branche périphérique devant l’origine de laquelle est implantée un stent peut se sténoser voire s’occlure, surtout en cas de surdilatation. Mais il est tout à fait possible de glisser un ballon à travers les mailles qui peuvent elles-mêmes être dilatées voire fracturées par le ballon. Ces branches distales sont donc en général assez facilement dilatables à travers les mailles d’un stent. Une artère pulmonaire occluse peut être recanalisée L’emploi de la radiofréquence a permis dans quelques cas la recanalisation d’artères pulmonaires interrompues(4). Cette technique ne permet cependant pas de perforer des tissus synthétiques, ce qui pose problème pour certaines artères pulmonaires reconstruites chirurgicalement. Par contre, l’existence de fibrose autour la zone traitée chirurgicalement, associée à la petite taille des guides de radiofréquence minimise le risque de complication hémorragique dans ce type d’intervention. Une fois l’artère pulmonaire recanalisée, il est tout à fait possible et même nécessaire d’implanter une endoprothèse dans la zone recanalisée pour l’ajuster au calibre de l’artère pulmonaire en amont et en aval (figure 2). Figure 2. Angiographie de profil montrant une occlusion de l’artère pulmonaire gauche (APG) (A) chez une patiente avec un coeur univentriculaire. L’APG distale est reperfusée par une anastomose de Blalock, responsable d’une circulation mixte avec asymétrie de perfusion délétère. Cette APG est recanalisée avec succès par radiofréquence (B) puis dilatée avec un stent couvert qui permet également d’occlure l’anastomose de Blalock (C). Dans le cas des interruptions congénitales, l’emploi de la radiofréquence est probablement dangereux en raison de l’absence de fibrose. Il vaut donc mieux faire une reconstruction chirurgicale de cette artère pulmonaire qui sera le plus souvent associée à une angioplastie par cathétérisme quelques mois après(5). L’angioplastie pulmonaire au ballonnet, avec mise en place d’endoprothèses, utile en peropératoire Depuis plusieurs années, des études sur l’implantation d’endoprothèses au bloc opératoire en ont démontré la faisabilité, le plus souvent durant une chirurgie de réparation complexe d’obstruction de la voie de sortie ventriculaire droite, non limitée au tronc de l’artère pulmonaire sténose(6). Il s’agit surtout de maintenir largement ouverte l’origine d’une des deux branches, le plus souvent élargie par un patch. En effet, en cas de différence notable de taille et de compliance entre les deux branches, celle qui fait l’objet d’un élargissement chirurgical est très souvent sujette à une resténose précoce par flux préférentiel controlatéral, ce qui est évitable par l’implantation d’une endoprothése (B. Kreitmann, communication personnelle, congrès de la Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-vasculaire, Lille, juin 2009). L’implantation peropératoire d’endoprothèses nécessite souvent une redilatation lors d’un cathétérisme ultérieur, d’autant plus qu’elles sont souvent utilisées chez des enfants de petits poids. La réussite d’une angioplastie pulmonaire dépend également du suivi ultérieur Si l’angioplastie des artères pulmonaires doit être agressive avec l’emploi de toutes les techniques modernes, son suivi doit également être particulièrement régulier et rigoureux. Plutôt que d’employer des moyens indirects (pression systolique ventriculaire droite en écho-Doppler), imprécis (gradient à travers une branche pulmonaire dilatée en écho-Doppler utilisant une application imparfaite de l’équation de Bernoulli) ou invasifs (cathétérisme cardiaque de contrôle), il faut utiliser le seul examen permettant de quantifier véritablement le résultat d’une angioplastie pulmonaire : la scintigraphie pulmonaire de perfusion (technétium 99m), associée si possible à la ventilation avec le Krypton 81m(6). Cet examen permet une quantification de la perfusion pulmonaire au prix d’une irradiation très faible (figure 3). Un contrôle scintigraphique tous les 1 à 3 ans peut être recommandé, en particulier pour les sténoses pulmonaires distales qui peuvent être difficilement vues en échographie. L’autre alternative est l’utilisation de l’angioscanner. Il permet une visualisation anatomique du résultat de l’angioplastie mais il est plus irradiant et ne permet pas de quantification précise. L’IRM cardiaque est une voie d’avenir dans la mesure où plusieurs études ont déjà montré qu’elle permet une quantification précise et fiable de la perfusion pulmonaire. Figure 3. Réhabilitation de l’artère pulmonaire droite chez un patient de 14 ans atteint d’une atrésie pulmonaire avec communication interventriculaire corrigée chirurgicalement. L’angiographie en incidence oblique antérieure droite montre des sténoses périphériques multiples de l’artère pulmonaire droite (A) qui seront dilatées et stentées (B). Malgré la persistance sur l’angiographie post-dilatation de tortuosités et de sténoses résiduelles, la scintigraphie de perfusion avant (C) et après (D) les angioplastiesmontre la nette amélioration de la perfusion pulmonaire de 20 % à 50 %. En pratique L’angioplastie des branches artérielles pulmonaires s’accompagne d’un succès dans la majorité des cas grâce aux techniques et stratégies développées ces dernières années. Compte tenu du faible risque et du bénéfice souvent important, il faut être agressif, même si certains de ces outils paraissent traumatiques. Il faut être également persévérant car ces cathétérismes interventionnels sont parfois techniquement très difficiles et peuvent durer plusieurs heures. Enfin, il est indispensable que l’angioplastie pulmonaire soit réalisée dans un environnement médico-chirurgical. Certaines techniques comme l’utilisation d’endoprothèses activées, de ballons actifs permettront peut-être encore d’optimiser ces bons résultats dans l’avenir.

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