publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Congrès et symposiums

Publié le 06 nov 2012Lecture 8 min

Du rêve à la réalité : l’assistance circulatoire

M. DEKER

Les Journées françaises de l'insuffisance cardiaque

Grâce aux progrès technologiques, l’assistance circulatoire mécanique est aujourd’hui devenue une option thérapeutique réaliste pour faire face à la défaillance cardiaque, qu’elle soit aiguë ou progressive. L’implantation de dispositifs d’assistance circulatoire mécanique (ACM) connaît une augmentation exponentielle. Le registre nord-américain Intermacs comptait plus de 4 500 malades implantés d’un système d’ACM monoventriculaire gauche en 2011. Cette progression qui ne concerne pas l’assistance biventriculaire, même à visée définitive, pose des questions relatives aux indications de la technique, à l’organisation des soins et à la gestion du suivi cardiologique de ces patients.

Assistance de courte durée : un pont vers la décision   Trois grands groupes de situations cliniques justifient la mise en place d’une assistance circulatoire mécanique (ACM) de courte durée : • le choc cardiogénique « médical », en particulier en post infarctus ou consécutifs à certaines cardiopathies dilatées réfractaires au traitement, qui nécessitent de mettre rapidement en place cette stratégie avant la survenue d’une défaillance multiviscérale ; • l’arrêt cardiaque ; • les complications de la chirurgie cardiaque.   La décision de mettre en place une ACM s’impose rapidement en présence de signes évocateurs d’une détérioration de la fonction cardiaque, cliniques (nausées, douleurs, altération de la conscience, tachycardie, troubles du rythme, perturbations ioniques, acidose, défaillance hépatique ou rénale) et échographiques.   Classiquement, on distingue quatre grandes indications de l’ACM : en « bridge » vers la récupération, vers un autre dispositif d’assistance, vers la transplantation ou vers une implantation définitive (destination therapy). Aujourd’hui, il semble raisonnable à la phase aiguë de considérer toutes ces éventualités, y compris pour une durée limitée qui permette la récupération en cas de défaillance multiviscérale.   Dans le contexte de la phase aiguë, on a recours principalement à l’ECMO (extracorporeal membrane oxygenation), qui associe une pompe centrifuge et un oxygénateur à membrane biocompatible, réalisant un système « cœur-poumons » artificiel durable. Outre la possibilité d’une implantation rapide, sans sterno-cardiotomie, ni anesthésie, réalisable en urgence, l’ECMO permet une assistance cardiopulmonaire pouvant durer plusieurs semaines en attendant la prise de décision.   Les résultats de l’ECMO varient selon l’étiologie de la défaillance cardiaque : aux alentours de 40 % de survie à court terme et 36 % à long terme dans les chocs cardiogéniques réfractaires dans la série de la Pitié, avec de meilleurs résultats dans les myocardites (Crit Care Med 2008 ; 36 : 1404-11), résultats confirmés par ceux de la société taïwanaise dans le choc cardiogénique postinfarctus avec une diminution de la mortalité de 72 % à 40 % après la mise en place d’un programme d’ECMO. Comparativement à l’assistance biventriculaire, l’ECMO permet une assistance de plus courte durée pour des résultats comparables en termes de mortalité, un moindre besoin de transfusions et moins d’impact sur la défaillance d’organe. La myocardite fulminante est probablement la meilleure indication de l’ECMO avec une survie de 68 % dans une série de 41 patients. Dans les suites d’une chirurgie cardiaque compliquée, la mortalité reste élevée à la phase initiale mais le pronostic à long terme est bon pour les survivants. L’ECMO permet aussi de secourir les patients en échec de transplantation cardiaque (15 à 20 % d’échecs).   L’évaluation de l’utilité de l’ECMO dans le prise en charge de l’arrêt cardiaque montre un bénéfice, mais aussi les limites de la procédure dont le résultat qui est particulièrement dépendant de la rapidité d’intervention : au-delà d’une heure de délai entre le début de la réanimation et la mise en place de l’assistance cardio-pulmonaire, le pronostic est très péjoratif.   Quant à la prise en charge de l’insuffisance cardiaque réfractaire, elle doit s’envisager dans le cadre d’un programme d’ECMO mobile au niveau régional ou interrégional, ce qui nécessite une organisation un peu lourde, en étroite collaboration entre les équipes de secours mobiles et le centre référent, avec une disponibilité permanente d’un chirurgien. L’expérience de l’Institut de cardiologie de la Pitié portant sur une centaine de patients ainsi pris en charge (dont 46 % en postinfarctus) montre que les résultats sur la mortalité sont équivalents à 1 an à ceux des patients hospitalisés dans l’Institut ayant bénéficié d’une ECMO.   L’ECMO est aujourd’hui le système d’assistance circulatoire de première ligne pour le choc cardiogénique réfractaire. Il importe d’identifier les patients qui risquent d’évoluer (ou ont déjà évolué) vers un état de défaillance multiviscérale pour mettre en place l’ECMO suffisamment tôt ; c’est particulièrement le cas dans l’infarctus myocardique, les myocardites et les intoxications par médicaments cardiotropes.   Assistance monoventriculaire gauche : vers un élargissement des indications à la classe NYHA III ?   La mise à disposition des pompes à débit continu, qui ont remplacé au début des années 2000 les pompes pulsatiles, a constitué une véritable révolution. Plus petites, ne générant pas de bruit, non mobiles dans l’organisme et dotées simplement d’un rotor, ces nouvelles pompes sont mieux tolérées par les patients et présentent un moindre risque de complications, en particulier thromboemboliques. Leurs performances justifient de poser la question de leur implantation chez certains patients en classe III de la NYHA.   Dans le registre Intermacs d’assistance ventriculaire nord-américain, le pourcentage de malades en classes 6 et 7 (tableau), qui correspondent à des patients en classe NYHA III, ayant bénéficié de l’implantation d’une pompe d’assistance monoventriculaire gauche est relativement faible : 1-2 %.     Les bénéfices de cette assistance cardio-circulatoire doivent être évalués à l’aune des essais cliniques. L’étude REMATCH avait déjà montré un bénéfice indiscutable des pompes pulsatiles : 52 % de survie à 1 an versus 25 % sous traitement médical chez des malades contre-indiqués pour la transplantation. Le groupe d’étude HeartMate II a comparé la nouvelle pompe à débit continu à une pompe pulsatile ancienne génération et montré une amélioration des résultats : 70 et 58 % de survie à 1 et 2 ans, versus 50 et 24 %, respectivement (Slaughter MS et al. NEJM 2009 ; 361 : 2241-51). Les malades en classe IIIb inclus dans cette étude tirent un bénéfice équivalent aux malades en classe IV. Par ailleurs, à mesure que l’expérience augmente et que la sélection des patients candidats à l’implantation s’affine, les résultats en survie s’améliorent, les études les plus récentes montrant une survie de 85 % à 1 an.   En outre, la survie est d’autant meilleure que les patients implantés sont moins graves, comme cela est bien montré par une étude regroupant 101 patients de 3 centres nord-américains : 28 en stade intermacs 1 ; 49 stades 2 et 3 ; 27 stades 4 à 7 (Boyle AJ et al. JHLT 2011 ; 30 : 402) : le pourcentage de survie intrahospitalière est équivalent dans les 2e et 3e groupes ; à 36 mois il est de 96 % dans le 3e groupe, comparativement à 69 % et 51 % dans les 2e et 1er groupes respectivement. Non seulement les malades moins sévères bénéficient de la meilleure survie mais la durée d’hospitalisation est plus courte (17 j versus 44 j).   La mise en place d’une pompe d’assistance monoventriculaire gauche s’accompagne d’une très nette amélioration fonctionnelle : 70 à 80 % des malades reviennent en classe I-II NYHA, quel que soit leur niveau de départ (J Am Coll Cardiol 2010 ; 55 : 1826) ; tous les tests fonctionnels sont améliorés ainsi que les indices de qualité de vie.   Sommes-nous pour autant prêts à élargir le recours à l’assistance cardio-circulatoire par pompe implantable ?   La technique connaît, certes, une croissance exponentielle mais le recul est encore limité. Il faut en outre tenir compte des événements indésirables qui demeurent, malgré les progrès réalisés depuis l’avènement des pompes à débit continu (accidents vasculaires cérébraux, infections de câble, remplacements de pompe) et des contraintes générées par le système pour le malade : autonomie des batteries, charge à porter en permanence, gestion du risque infectieux liée au câble, difficultés pour se doucher, etc., autant de freins à l’acceptation de la dépendance au matériel d’assistance.   Autre question qui détermine le choix d’implantation : quel est son but ? • En attente de transplantation, qui permet encore une meilleure qualité de vie pour le malade, la mise sous assistance monoventriculaire gauche permet d’aborder la greffe dans de meilleures conditions. • La décision d’une implantation définitive dépend de la demande du patient : on peut la proposer à un sujet en classe fonctionnelle III très gêné et il importe alors de ne pas attendre la défaillance ventriculaire droite. • Certains patients ayant une cardiopathie dilatée ont un potentiel de récupération, pouvant permettre le sevrage de la pompe, et bénéficient à son retrait d’une survie prolongée sans pompe ni transplantation.   Quoi qu’il en soit, le bénéfice du traitement par pompe implantable sera d’autant meilleur que la FEVG est moins basse et l’état général du patient mieux conservé. Des études en cours devraient donner des réponses quant au bénéfice de l’implantation chez les patients moins sévères en classe IIIb. Le niveau de preuves est encore relativement faible, même si l’expérience déjà acquise atteste de résultats satisfaisants sur la survie, les performances fonctionnelles et la qualité de vie.   Comment suivre et traiter les patients implantés ?   La question se pose de manière d’autant plus aiguë que le nombre de malades implantés progresse rapidement et que ces patients sont appelés à survivre longtemps, que l’implantation soit en « bridge » à la transplantation ou définitive (destination therapy). Des cardiologues et plus généralement des équipes soignantes devront être formés au soin spécifique de ces patients. Le traitement médical essentiel reste l’anticoagulation avec un INR cible de 1,5 à 2,5, toujours associé à un traitement antiplaquettaire, guidé par thromboélastographe initialement, pour éviter les complications thrombotiques, et en surveillant le risque hémorragique majoré par le débit continu de la pompe.   Le traitement médical de fond doit être poursuivi, d’autant que la pompe ne pallie que la défaillance ventriculaire gauche. S’y associent les traitements spécifiques liés au passage du câble. Un défibrillateur implantable est compatible avec l’implantation d’une pompe d’assistance circulatoire, le risque de récidive arythmique étant significatif chez ces patients ; une arythmie ventriculaire de novo chez un patient implanté doit faire poser l’indication du défibrillateur si le patient n’en avait pas et si l’assistance monogauche ne suffit pas.   Le rêve est devenu réalité   En France, plus de 100 pompes d’ACM ont été implantées en 2012, le nombre ayant été multiplié par deux en 2 ans. Considérant l’incidence de l’insuffisance cardiaque, 1,7 à 4,4/1 000, la demande de prise en charge par ACM peut être évaluée entre 600 et 1 800 cas/an. L’ECMO est un outil magnifique en pont vers la décision : la moitié des patients vont décéder dans les deux premières semaines ; les survivants vont soit bénéficier d’une récupération myocardique, soit d’une transplantation, cardiaque soit de l’implantation d’une pompe. Il importe d’implanter tôt pour que le patient ait les meilleures chances d’amélioration fonctionnelle et, si la mise sous assistance est en attente de transplantation, de réussite de cette dernière.   D’après un symposium, avec la participation de J.N. Trochu, A. Vincetelli, A. Combes, P. Leprince, F. Picard et L. Sebbag

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème