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Valvulopathies

Publié le 19 juin 2012Lecture 8 min

Bilan et perspectives du TAVI

Entretien avec Jean-Claude LABORDE (St George Hospital, Londres)

Le TAVI (transcatheter aortic valve implantation) vient de fêter son dixième anniversaire. Cette technique thérapeutique, inaugurée par Alain Cribier en 2002 avec une valve qu’il avait mise au point, a connu un essor exceptionnel comme en attestent les 50 000 valves aortiques implantées à ce jour dans le monde entier. Le développement de la CoreValve a suivi de près celui de la valve d’A. Cribier, ce dernier n’ayant effectué que 19 implantations avant que le premier patient soit implanté avec une CoreValve, deux ans plus tard en juillet 2004. Deux projets aboutis, nés d’un concept différent…

Un projet différent pour la CoreValve   Le principe de la première valve, imaginée et conçue par A. Cribier, s’inspirait des valves utilisées par les chirurgiens ; montée sur un ballonnet, c’est une valve de petite hauteur qui vient s’insérer dans l’anatomie de façon à préserver les ostia coronaires en s’appliquant au niveau de l’anneau, légèrement au-dessus, à l’instar des valves chirurgicales, de manière à obtenir le même résultat que ces dernières. Le concept de la CoreValve est très différent puisque la prothèse va s’étendre sur 5 cm au-dessus de l’anneau en passant en pont devant les ostia coronaires. La CoreValve est donc une structure relativement haute, la prothèse étant à l’image de la valve aortique native mais déplacée vers le haut.   Les deux projets, quoique éloignés dans leur principe, ont connu des résultats comparables en termes d’efficacité fonctionnelle, durant leur développement. Il en est de même des complications, à ceci près que la CoreValve, en raison de sa hauteur, autorise une plus large zone de bonne implantation mais expose davantage les patients à des troubles conductifs en cas d’implantation trop basse, nécessitant la mise en place de pacemakers, comparativement à la valve Edwards.   Historiquement, d’autres projets ont précédé la mise au point des deux valves déjà citées. H.R. Andersen, un cardiologue danois, avait développé un projet très proche de la valve Edwards (expandable sur un ballon) dans les années 1990, lequel est resté au stade expérimental, faute d’avoir trouvé la structure et les équipes pour le faire aboutir. Autre projet, celui du cardio-pédiatre P. Bonhoeffer, qui développa un projet de valve aortique très proche de la CoreValve (auto-expandable). Ce projet n’a cependant été ni développé ni breveté. P. Bohnhoeffer s’est toutefois illustré par le développement d’une valve pulmonaire pédiatrique et, en cela, c’est un véritable pionnier des valves de TAVI.   Juillet 2004 : première implantation d’une CoreValve   Le projet de la CoreValve remonte à 2001. Conçu et développé dans cette période de difficultés, de doute et de déni qui a marqué les premiers pas du TAVI, il a abouti en juillet 2004 avec l’implantation d’un premier malade. Il a fallu attendre 2007 pour que le corps médical, auparavant assez dubitatif à l’égard de cette technologie nouvelle, reconnaisse ses performances, aidé en cela par l’obtention du marquage CE des deux valves. Pour la petite histoire, le marquage CE a été obtenu par la prothèse CoreValve quelques mois avant la prothèse Edwards.   En 2009, la société CoreValve est entrée dans le giron de la société Medtronic, ce qui devait permettre de pénétrer un plus vaste marché où seule une société de grande envergure est capable de prendre en charge de lourds dossiers d’enregistrement comme pour la FDA (Food and Drug Administration) aux États-Unis. La valve Edwards a récemment obtenu l’accord de la FDA, après les résultats de l’étude Partner. L’étude réalisée par Medtronic avec la CoreValve devrait être terminée très prochainement, ce qui ouvrira une demande d’enregistrement auprès de la FDA, enregistrement que l’on peut espérer passé un délai d’une douzaine de mois après le traitement du dernier patient dans l’étude en cours. Cette étape s’inscrit dans un programme de développement encadré du TAVI puisqu’environ 1/3 des patients ayant reçu une valve CoreValve sont inclus dans un programme clinique.   Comment choisir la prothèse à implanter ?   En pratique, près de 80 % des patients peuvent être traités indifféremment en employant l’une ou l’autre valve, sans différence de résultats.   Il existe, en revanche, des conditions anatomiques qui favorisent le choix de la valve à implanter, d’où l’intérêt de bien maitriser la technique d’implantation des deux valves. Chez un patient dont la crosse aortique est très angulée, une petite prothèse s’adaptera mieux à l’anatomie qu’une prothèse longue. En présence d’une valve aortique peu calcifiée ou en cas de fuite aortique pure, une valve courte aura du mal à se fixer et à tenir en place, alors qu’une valve longue telle la CoreValve qui dispose de plusieurs points de fixation sera mieux adaptée.   Le choix de la prothèse est finalement du ressort de chaque praticien en fonction de son expérience et de son sens clinique. En termes de durabilité, il ne semble pas que les deux valves actuellement disponibles diffèrent. Comme avec les meilleures valves chirurgicales, les deux valves connaissent de rares cas d’échecs prématurés, ce qui ne semble pas entacher la durabilité à long terme de ces prothèses. Le plus long recul en pratique est enregistré chez un patient implanté d’une CoreValve, soit plus de 7 ans, un autre patient ayant dépassé 6 ans avec une valve Edwards. Mais, il faut tenir compte de l’âge des patients implantés qui conditionne la survie tout court et par là même, la durée enregistrable de la prothèse… et la moyenne d’âge des patients implantés est aujourd’hui de 80 ans.   Des indications actuelles aux futures…   L’âge moyen des patients proposés pour le TAVI a tendance à diminuer, ce qui relève de plusieurs facteurs. Manifestement, le TAVI a conquis aussi bien les cardiologues – c’est une technique très cardiologique pour l’approche fémorale – que les chirurgiens. Ces derniers sont aujourd’hui partie prenante de cette technique, soit qu’ils la réalisent eux-mêmes, soit qu’ils participent à l’extension de la technique et de ses indications. Libérés de la contrainte d’une discussion avec les cardiologues, certains d’entre eux sont en train de faire progresser les indications en incluant des patients un peu plus jeunes, ayant moins de comorbidités et des scores d’évaluation moins mauvais. En cela, ils ont sans doute devancé la tendance qui se dessine vers des indications chez des patients à moindre risque chirurgical, moins âgés, et qui auraient probablement toléré un traitement chirurgical. La validation des indications actuelles repose sur une seule étude randomisée, Partner, réalisée aux États-Unis chez des patients implantés avec l’ancien modèle de valve Edwards, lequel a été substitué depuis longtemps par un nouveau modèle plus performant. Or, les résultats du TAVI sont aujourd’hui sensiblement meilleurs en Europe qu’aux États-Unis, grâce aux nouvelles prothèses qui occasionnent notamment moins de complications vasculaires. Si les résultats du TAVI étaient déjà comparables à ceux de la chirurgie avec les premières valves, il y a tout lieu de croire qu’ils seront meilleurs avec les nouvelles valves.   Relèvent d’un traitement par TAVI non seulement les patients récusés par les chirurgiens, mais aussi les patients à risque, le risque étant défini par le chirurgien, tel qu’il l’appréhende en fonction de son expérience, et donc différent d’un chirurgien à l’autre. Concernant la chirurgie, l’essentiel ne tient pas à l’intervention elle-même mais aux suites opératoires, toujours lourdes, que certains patients auront du mal à supporter : risques de dépendance chez des patients déjà fragiles. Cette appréciation du risque s’additionne aux risques propres à la technique chirurgicale (par exemple, la présence d’une aorte porcelaine contre-indiquant ou rendant très difficile un remplacement valvulaire chirurgical).   Les résultats d’une étude européenne, SURTAVI, chez des patients à moindre risque, susceptibles de relever d’un traitement chirurgical, viendront probablement confirmer le bien-fondé de la tendance actuelle à l’élargissement des indications du TAVI.   Quels progrès attendre de la CoreValve ?   L’un des défis actuels est de réduire encore le risque de fuites paraprothétiques. La CoreValve est conçue pour faire un pont par dessus les ostia coronaires en s’éloignant de l’anatomie. Sa partie inférieure, la « chemise », sert à fixer la prothèse et à rendre l’attache hermétique afin d’éviter les fuites. C’est sur cette partie de la prothèse que travaillent actuellement les ingénieurs, afin de combler les interstices entre la structure métallique du stent et la structure calcaire de la valve native par l’intermédiaire d’une membrane expandable. Ce sont donc de nouvelles valves qui sont en développement qui n’auront ni le même design, ni parfois les mêmes matériaux. Une des faiblesses actuelles de la technique TAVI réside dans la relative imprécision de l’implantation, si bien qu’il est parfois nécessaire d’extirper une valve en place pour la remplacer. Les améliorations passeront par le progrès des techniques d’implantation et, surtout celui des cathéters d’implantation. Malgré ces « faiblesses », les résultats obtenus actuellement avec les premières générations de valves sont déjà étonnants.   Les techniques d’implantation ont évolué, avec de nouveaux cathéters et un positionnement plus précis des valves. Par exemple, il est apparu avec l’expérience que l’on peut obtenir de bons résultats avec des implantations hautes ou basses selon l’anatomie des patients. Les enjeux des années à venir seront de parvenir à encore plus de précision dans l’implantation et ce, quelle que soit la valve, actuelle ou future. Quant à la technique elle-même, elle s’oriente vers une mise en place de la prothèse par étapes afin de s’assurer que le positionnement final est conforme à l’idéal.   Quelle voie d’abord ?   Le choix s’oriente aujourd’hui prioritairement vers la voie d’abord fémorale, qui semble la moins agressive, alors que les voies nécessitant un abord chirurgical sont vécues en général comme une agression par les patients. Pour l’abord fémoral, le médecin dispose de dispositifs insérés en début de procédure, permettant la fermeture du vaisseau une fois la procédure terminée, sans avoir recours à une ouverture chirurgicale.   À l’opposé, la voie aortique, qui nécessite l’intervention d’un chirurgien pour réaliser une sternotomie, donc une structure plus lourde dans un environnement chirurgical et un suivi en hospitalisation plus long, est logiquement plus coûteuse que la voie fémorale percutanée.   Et le valve-in-valve ?   Ses indications ne peuvent que croître. Cette possibilité est en train de modifier l’approche des chirurgiens qui intègrent de plus en plus cette option thérapeutique dans le devenir de leurs patients. Si au début de l’expérience on a pu craindre que l’une des valves ne tienne pas sur la durée, l’expérience a montré qu’il n’en est rien. Aujourd’hui, le recul atteint 4 à 5 ans chez de plus en plus de patients et la notion de durabilité de la procédure commence à prendre sens.   Autres enjeux pour les années à venir   Outre les nouvelles valves aortiques, les perfectionnements de la procédure d’implantation, des projets solides sont déjà bien avancés concernant les autres valves cardiaques, en particulier pour traiter les pathologies de la valve mitrale, et notamment l’insuffisance mitrale. Cette pathologie plus complexe dans la mesure où elle procède d’un manque de coaptation des valvules, consécutive à une dilatation du muscle myocardique, posera d’autres défis.

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