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Cardio-oncologie

Publié le 14 mai 2024Lecture 6 min

L’essentiel de 2023 en cardio-oncologie

Stéphane EDERHY, service de cardiologie, hôpital Saint-Antoine pour le groupe de cardio-oncologie de la SFC

L’année 2023 aura été une année de transition dans le domaine de la cardio-oncologie, et ce, près d’une année après la publication des premières recommandations de l’ESC en août 2022(1). Ces recommandations avaient mis en lumière plusieurs stratégies innovantes notamment en proposant l’utilisation du score HFA-ICOS pour évaluer le risque de toxicité cardiaque associé à la prescription d’une chimiothérapie, un recours large aux biomarqueurs cardiaques (troponine et peptides natriurétiques) pour le dépistage précoce de la toxicité cardiaque liée aux anthracyclines et avaient encouragé l’utilisation des statines et IEC pour la prévention de la toxicité cardiaque des chimiothérapies(1). Cependant, ces recommandations étaient associées à un faible niveau de preuve, ne dépassant pas un niveau II a pour l’ensemble de ces propositions(1).

Stratification du risque de toxicité cardiaque des chimiothérapies par le score HFA-ICOS   Les recommandations de cardio-oncologie de l’ESC proposent d’utiliser et de calculer pour les patients exposés à une chimiothérapie potentiellement cardiotoxique le score HFA-ICOS qui permettrait en théorie d’évaluer le risque de développer une toxicité cardiaque (Insuffisance cardiaque et/ou dysfonction systolique du VG) pour un patient exposé à une classe donnée d’anticancéreux (anthracyclines, anti-HER 2, inhibiteur du protéasome, inhibiteur du mek, inhibiteur du VEGF). Cette échelle de risque prend en compte l’existence de symptômes, les antécédents cardio-vasculaires, notamment de cardiopathie ischémique, le niveau de FEVG, des biomarqueurs cardiaques, les FDR CV et la complexité du projet de prise en charge oncologique (association chimiothérapie, radiothérapie). Ce score permettrait ainsi de différencier 4 niveaux de risques depuis les patients à faible risque pour lequel un suivi pourrait être simplement assuré par l’oncologue jusqu’aux patients à haut risque pour lesquels un suivi en cardiologie serait nécessaire. En outre, cette évaluation permettrait de définir le rythme de suivi et de dépistage de la toxicité cardiaque en imagerie. Ce score de risque n’a cependant jamais été évalué de manière prospective et à large échelle ce que reconnaissent les recommandations en n’attribuant au score HFA-ICOS qu’un niveau de recommandation de niveau IIa. Au cours de l’année 2023 ont été publiées 3 études démontrant cependant que ce score comportait certaines limites. Ainsi, Suntheralingam, dans une étude rétrospective de patientes traitées par anthracyclines pour un cancer du sein, montre que le score HFA-ICOS classe une majorité des patientes dans les catégories à faible risque et risque intermédiaire et ne permet pas d’identifier avec précision la population à haut risque de toxicité au cours de l’administration d’une combinaison anthracyclines + trastuzumab(2). Glen dans une population de patients pris en charge pour un mélanome et traités par une thérapie ciblée per os (inhibiteur de MEK) montre que le score HFA-ICOS ne permet pas d’identifier la population à haut risque de développer une dysfonction systolique du ventricule gauche(3). Courand PY et coll. dans une cohorte de patients similaires à ceux étudiés par Glen, retrouve là aussi des résultats comparables à l’étude de Glen(4).     Cardio-détection de la toxicité cardiaque des chimiothérapies par le dosage de la troponine   Le dépistage de la toxicité cardiaque dans la population de patients traités par anthracyclines pour un cancer du sein ou un lymphome reste un enjeu majeur. Il était jusqu’ici admis sur la base de travaux anciens, essentiellement issus des études menées par Cardinale que l’incidence de dysfonction systolique de dysfonction VG définie par une FEVG < 50 % associée à une baisse de la FEVG de plus de 10 unités de FEVG, était de 9 % dans la première année et que ce risque pouvait être approché par l’élévation de la troponine, les modifications du strain longitudinal global et prévenu par une prescription précoce d’un IEC et/ou d’un bêta-bloquant. Une telle stratégie de cardio-détection par un biomarqueur et/ou par l’imagerie et de cardio-protection avait recueilli un niveau de recommandation de niveau IIa témoignant de l’intérêt d’une telle stratégie, mais admettant aussi le faible niveau de preuve et de validation(1). L’étude Henriksen publiée en 2023 vient quelque peu mitiger cette proposition. Dans une étude prospective, 175 patients ont été randomisés entre une intervention pharmacologique par ARAII et Beta-bloquants dans la population présentant une élévation de la troponine au décours de l’administration d’une anthracyclines ou un placebo(5). Au terme d’un suivi de 12 mois, le nombre d’épisodes d’insuffisance cardiaque n’est statistiquement pas différent dans le groupe non randomisé (0 événement), dans le groupe cardio-détection/cardio-protection (0 événement) et dans le groupe prise en charge standard (1 événement soit 3,6 %). De manière similaire l’incidence de la dysfonction systolique du ventricule gauche est comparable dans les 3 groupes (0 événement dans les 3 groupes)(5). Le faible niveau d’événements (dysfonction systolique du VG et/ou insuffisance cardiaque) mais surtout l’absence d’événements à 1 an observé dans une population exposée aux anthracyclines vient remettre en cause en combinaison avec les résultats déjà publiés et allant dans le même sens (étude CECCY, PRADA, SUCCOUR) l’intérêt de ces stratégies de cardio-détection et de cardio-protection.     Cardio-protection et intervention pharmacologique par statine pour réduire l’incidence de la toxicité cardiaque des anthracyclines   Les données initiales issues de l’analyse de registre avaient suggéré que la prescription d’une statine pourrait diminuer le risque de dysfonction systolique du ventricule gauche au sein des patientes traitées par anthracylines pour la prise en charge d’un cancer du sein. Trois études prospectives, en double aveugle avec un suivi longitudinal rigoureux en imagerie (IRM cardiaque et/ou échographie) ont été publiées en 2023 et viennent moduler quelque peu l’utilisation des statines chez les patients traités par anthracyclines. Hundley a comparé l’intérêt d’une prescription d’une statine contre placebo en amont et pendant l’administration d’anthracylines pour la prise en charge d’un cancer du sein ou d’un lymphome(6). Au terme d’un suivi 12 mois, la FEVG moyenne était comparable dans les 2 groupes, ainsi que la fréquence de la dysfonction systolique du ventricule gauche et des épisodes d’insuffisance cardiaque. Thavendiranathan dans une étude au design similaire a randomisé 112 patients traités par anthracyclines, suivi en IRM cardiaque entre une intervention pharmacologique par statine et un placebo. Au terme d’un suivi de 12 mois, la FEVG moyenne dans le groupe placebo était de 55,9 ± 7,9 % et de 57,3 ± 5,8 % dans le groupe statine (p = 0,03 %)(7). Neilan a randomisé 300 patients traités par anthracyclines entre une intervention par statine et un groupe placebo. Le suivi de la FEVG a été réalisé soit par ETT ou IRM cardiaque. Au terme d’un suivi de 24 mois, l’incidence des épisodes d’insuffisance cardiaque était comparable dans les 2 groupes et statistiquement non différente (6 % dans le groupe placebo et 3 % dans le groupe statine, p = 0,26), la FEVG moyenne était comparable dans les 2 groupes, seule l’incidence d’une baisse de la FEVG de plus de 10 % avec une FEVG < 55 % était significativement moins fréquente dans le groupe statine que dans le groupe placebo. Ces 3 études montrent de manière concordante que le risque d’insuffisance cardiaque clinique est faible dans la phase précoce de suivi, et n’est pas modulé par l’administration de statine. L’administration d’une statine pourrait réduire de manière modeste et non constante le risque d’altération d’une baisse de la FEVG de plus de 10 %.   Points forts Le score HFA-ICOS doit être utilisé avec prudence notamment dans la population traitée par thérapie ciblée pour la prise en charge d’un mélanome. La prescription d’une combinaison ARAII et bêta-bloquants dans la population ayant présenté une élévation de la troponine au décours de l’administration d’une anthracycline ne permet pas de réduire la fréquence d’épisodes d’insuffisance cardiaque et de dysfonction systolique du ventricule gauche. La prescription d’une statine ne permet pas de réduire l’incidence de survenue des épisodes d’insuffisance cardiaque clinique chez les patients traités par anthracyclines. Le risque de dysfonction VG et d’insuffisance cardiaque après administration d’anthracyclines est plus faible que celui décrit dans les études plus anciennes.   EN PRATIQUE La publication en 2023 d’études aux méthodologies robustes dans le domaine de la cardio-oncologie et plus particulièrement dans ceux de la stratification du risque de cardiotoxicité (score HFA-ICOS), de la détection de la toxicité cardiaque par le dosage de la troponine et la prévention de la toxicité cardiaque des anthracyclines basée sur une intervention pharmacologique par ARA2/bêta-bloquants ou statine va probablement aboutir à une modification des pratiques et de l’évaluation du risque de toxicité au sein des patients atteints de cancer et exposé à une chimiothérapie potentiellement cardiotoxique.

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