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Fibrillation atriale

Publié le 06 sep 2022Lecture 5 min

Gestion des anticoagulants avant ablation de FA

Charlène COQUARD, Jérôme LACOTTE, Institut Cardiovasculaire, Paris Sud, Massy

À l’heure où l’ablation de fibrillation atriale (FA) tend vers la simplification et la standardisation de la déconnexion des veines pulmonaires, avec l’ambulatoire en point de mire, les habitudes en termes de gestion du traitement anticoagulant restent hétérogènes et parfois discordantes avec les certitudes apportées par de nombreuses études cliniques, sinon avec les recommandations.

Revoyons ces éléments factuels et les raisons des réticences qu’ils peuvent induire. • Les enjeux d’une bonne anticoagulation péri-opératoire La période péri-opératoire et les 2 mois suivant l’ablation de FA représentent une période à haut risque d’événement embolique. L’utilisation de gaines et cathéters dans l’oreillette gauche et les lésions tissulaires résultantes de l’ablation sont à l’origine d’un état pro-thrombotique, avec une incidence d’événements emboliques silencieux de 8,0 à 9,6 %(1), le risque d’événements ischémiques cérébraux cliniques étant beaucoup plus faible : 0,3 % dans une méta-analyse récente(2). La prévention de ces événements passe par une attention toute particulière à la gestion de l’anticoagulation avant, pendant et après l’ablation, par la réalisation d’une imagerie cardiaque avant l’ablation, ainsi que par une vigilance accrue quant à l’absence de bulles dans les purges. La stratégie anticoagulante doit donc répondre à deux exigences : limiter la survenue d’événements ischémiques et celle de complications hémorragiques. Un consensus de l’EHRA a établi en 2017 des recommandations sur la gestion de l’anticoagulation par les AVK et les anticoagulants oraux directs (AOD)(3) (tableau). • Sous AVK, le relais par héparine est très démodé Nombreux sont les essais qui ont montré la supériorité d’un maintien des AVK (INR cible : 2 à 3) par rapport à un relais par héparine qui est associé à un surrisque d’événements emboliques cliniques (OR = 13 ; IC95 % : 3,1-55,6 ; p < 0,001) et d’hémorragies mineures(4). Ainsi, le maintien des AVK a été largement adopté, avant que ce traitement ne devienne très minoritaire au profit des AOD(5). • Sous AOD, l’ablation sous traitement maintenu reste très minoritaire Comme pour les AVK, il a été largement démontré qu’un maintien des AOD sans interruption réduit à la fois le risque d’événements ischémiques mais aussi de complications hémorragiques. L’essai (contrôlé, randomisé, multicentrique) RE-CIRCUIT, a montré l’efficacité et la sécurité du dabigatran ininterrompu avec une différence absolue d’hémorragies majeures de -5,3 % par rapport aux AVK(6). La sécurité et l’efficacité de l’apixaban(7) et du rivaroxaban(8) ininterrompus ont également été démontrées avec des taux de complications hémorragiques faibles. En conséquence, l’EHRA recommande une ininterruption des AOD mais tolère cependant une interruption partielle (saut d’une ou deux prises), en particulier lorsque la ponction transseptale est réalisée sans repérage échographique (figure)(3). Malgré ces recommandations, une enquête récente menée dans 35 centres allemands à haut volume d’activité, a montré que seules 8,3 % des ablations étaient réalisées sous AOD ininterrompus alors que la majorité (54,3 %) se faisaient avec une interruption partielle. Les centres qui réalisaient une mini-interruption des AOD justifiaient leur pratique par l’absence de guidage échographique lors de la ponction transseptale, par la peur de complications hémorragiques et ou par l’absence d’antidote(5). • Alors, AOD mini-interrompus ou totalement maintenus ? Une méta-analyse récente de 8 études (six randomisées et deux interventionnelles, 2 168 patients) montre qu’il n’existe aucune différence significative entre une stratégie de mini-interruption des AOD (saut d’une prise sans relais par héparine) et un maintien total des AOD, sur un critère composite d’événements ischémiques et hémorragiques majeurs : 1,1 % versus 0,8 % respectivement (OR : 1,20 ; IC 95 % : 0,49-2,92 ; p = 0,64)(2). • Gestion de l’héparinothérapie per-opératoire Parce qu’il existe un risque de tamponnade, notamment lors du transseptal, l’administration d’héparine a longtemps été reportée après cette ponction. Il a cependant été montré qu’une administration précoce, immédiatement après la ponction fémorale diminue par 3 le risque de thrombus intracardiaque(9). L’administration d’héparine est donc recommandée avant ou immédiatement après la ponction transseptale (classe I, A)(3). Il reste cependant une question non réglée, relative à la grande variabilité inter-individuelle à l’héparine et aux interactions avec les AOD. La règle reste de monitorer le temps de céphaline activée (TCA) toutes les 10-15 minutes jusqu’à obtention d’une valeur comprise entre 300 et 350 puis de le contrôler toutes les 30 minutes(3). Une méta-analyse sur plus de 7 000 patients a montré qu’un TCA > 300 secondes réduit le risque de complication thromboembolique sans augmenter le risque hémorragique, y compris sous AOD(10). Plusieurs études semblent indiquer qu’une dose supérieure d’héparine est nécessaire pour obtenir un TCA > 300 s sous AOD(8,10) et que le TCA est imparfaitement corrélé au niveau d’anticoagulation produit par l’héparine. Premièrement, le TCA n’est pas allongé par les AOD et ne reflète donc pas le niveau d’anticoagulation précédent l’intervention sous AOD maintenus. Deuxièmement, il semble que son augmentation après héparine ne suive pas une courbe linéaire dose-dépendante comme observé sous AVK, avec des profils qui diffèrent selon les AOD(11). L’une des solutions pour monitorer de façon plus fiable l’anticoagulation per-opératoire pourrait être de monitorer l’activité anti-Xa spécifique sous dabigatran(12) et le temps de thrombine sous rivaroxaban et apixaban. Mais les délais d’analyse de ces paramètres ne les rendent pas utilisables en pratique et le TCA reste le seul paramètre disponible malgré les limites qu’il comporte. En fin de procédure, une antagonisation de l’héparine par protamine est réalisable (classe II, A), sans surrisque embolique(3). • Anticoagulation postablation et gestion d’une complication hémorragique sous AOD Après ablation, l’AOD sera repris dès l’hémostase établie, dans les 3 à 5 heures suivant l’intervention(3). Les complications hémorragiques graves sont heureusement rares mais leur prise en charge diffère selon les anticoagulants. Sous dabigatran, l’administration de l’idarucizumab (5 g IV), agent antagoniste, est recommandée pour toute complication hémorragique grave(13). L’andexanet alfa, agent antagoniste du rivaroxaban et de l’apixaban (non disponible en France à ce jour) semble montrer une efficacité dans la prise en charge des hémorragies majeures(14). En cas de non-disponibilité de l’antidote ou chez les patients traités par rivaroxaban ou apixaban, trois agents hémostatiques non spécifiques peuvent être utilisés(13) : – les concentrés de complexe prothrombinique non activés (25 U/g) ou activés (50 UI/kg ; max 200 UI par jour) ; – le facteur VII activé recombinant (rFVIIa; 90 μg/kg). Publié dans RythmologieS

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