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Valvulopathies

Publié le 01 mai 2019Lecture 7 min

Les valvulopathies dans la vraie vie

Bernard IUNG, département de cardiologie, Hôpital Bichat, Université Paris-Diderot, Paris

La présentation des valvulopathies s’est profondément modifiée dans les pays occidentaux depuis la seconde moitié du XXe siècle en raison de la quasi-disparition du rhumatisme articulaire aigu. Les valvulopathies sont toutefois demeurées fréquentes, avec une prévalence de valvulopathies modérées ou sévères estimée entre 2 et 3 %, car les valvulopathies rhumatismales ont été remplacées par les étiologies dégénératives, dont la prévalence augmente avec l’âge (figure 1).

Figure 1. Prévalence des valvulopathies modérées ou sévères en population générale aux États-Unis (d’après(1)). Répartition des valvulopathies Les registres basés sur les codes diagnostiques permettent d’étudier les patients hospitalisés, donc les formes les plus sévères de valvulopathie. Dans le registre suédois, le rétrécissement aortique représente près de la moitié des valvulopathies, suivi par l’insuffisance mitrale puis l’insuffisance aortique et les polyvalvulopathies (figure 2). L’incidence de toutes les valvulopathies augmentait avec l’âge, surtout pour le rétrécissement aortique. Dans l’Euro Heart Survey, conduit en 2001 dans 25 pays européens parmi des patients référés en milieu hospitalier, le rétrécissement aortique était également la valvulopathie la plus fréquente, suivi par l’insuffisance mitrale. Le registre européen VHD II conduit en 2017 a mis en évidence une augmentation de la part du rétrécissement aortique parmi les valvulopathies natives de 34 % en 2001 à 41 % de 2017. L’insuffisance mitrale et les valvulopathies multiples représentaient 20 à 25 % des cas, les autres valvulopathies étant inférieures à 10 %. Figure 2. Répartition des valvulopathies parmi les patients hospitalisés en Suède entre 2003 et 2010 (d’après(2)). Application des recommandations d’intervention L’Euro Heart Survey avait été conçu prospectivement dans le but d’évaluer la concordance entre les indications opératoires et les recommandations. Un tiers des patients âgés de 75 ans ou plus ayant une indication formelle de remplacement valvulaire aortique n’étaient pas opérés. Les caractéristiques liées à l’absence d’intervention étaient l’âge et la dysfonction ventriculaire gauche, avec une tendance non significative pour les comorbidités. Ces données ont été confirmées par d’autres études conduites lorsque la chirurgie était le seul traitement du rétrécissement aortique (figure 3). Figure 3. Pourcentages de patients présentant un rétrécissement aortique opérés et non opérés dans plusieurs études observationnelles. Au moins un tiers des patients présentant un rétrécissement aortique serré n’étaient pas référés en chirurgie. En ce qui concerne l’insuffisance mitrale sévère et symptomatique, la proportion de patients non référés en chirurgie dans l’Euro Heart Survey était encore plus élevée et atteignait 49 %. Une étude américaine conduite à la même période aboutissait à des conclusions voisines et une étude plus récente a montré un recours insuffisant à la chirurgie encore plus marqué lorsque l’on considère une population générale au lieu de patients référés en milieu hospitalier. La concordance avec les recommandations dans le registre VHD II conduit en 2017 était meilleure qu’en 2001, en particulier pour le rétrécissement aortique où une décision d’intervention était retenue chez près de 80 % des patients ayant une recommandation d’intervention de classe I. La concordance était plus faible pour l’insuffisance mitrale primaire, de l’ordre de 70 %, mais aussi en amélioration par rapport à 2001. Dans le registre VHD II, les patients étaient référés à un stade évolué de leur cardiopathie, avec plus d’un tiers des patients en classe III ou IV de la NYHA parmi les valvulopathies natives (à l’exception de l’insuffisance aortique). En ce qui concerne la phase initiale de la prise en charge des patients présentant une valvulopathie, l’auscultation demeure essentielle pour le dépistage. Toutefois, des enquêtes de pratique effectuées auprès des patients ou des médecins montrent un recours insuffisant à l’auscultation cardiaque systématique. Traitements des valvulopathies par cathéter Lors de la dernière décennie, la prise en charge des valvulopathies a été révolutionnée par le développement des techniques d’intervention par cathéter, en particulier en ce qui concerne l’implantation de prothèses aortiques (TAVI). Le TAVI n’est pas seulement un remarquable succès technique, mais aussi une réelle avancée méthodologique avec le recours à des essais cliniques randomisés pour évaluer les résultats des interventions sur les valvulopathies. En complément des essais randomisés, des registres nationaux ont permis d’évaluer les résultats dans des populations non sélectionnées, reflétant ainsi l’expérience dans la vraie vie, avec en particulier les registres France, France 2 puis France-TAVI. L’obtention de données de qualité a conduit à une validation rapide des indications du TAVI dans les recommandations, puis à leur extension en 2017 en tant qu’alternative à la chirurgie chez tous les patients à risque opératoire accru, la chirurgie demeurant la référence chez les patients à faible risque. Des essais cliniques en cours conduiront probablement à de nouvelles extensions d’indication du TAVI vers des patients à plus faible risque chirurgical ou asymptomatiques. Outre les résultats à moyen terme des essais cliniques en cours, l’extension des indications du TAVI nécessitera aussi l’évaluation des résultats tardifs, en particulier en ce qui concerne la durabilité du substitut valvulaire, qui repose actuellement sur les grands registres constitués au début de l’expérience du TAVI. Dans le registre France 2, les événements cliniques étaient rares après la phase hospitalière et il n’existait pas de signal suggérant un risque élevé de détérioration des prothèses après 5 ans de suivi. Compte tenu de l’importance des données de suivi à long terme, le suivi du registre France 2 a été prolongé au-delà des 5 ans initialement prévus dans le cadre du projet RHU STOP-AS (H. Eltchaninoff, CHU de Rouen). Dans le registre France TAVI, l’EuroSCORE moyen a diminué de 19 % à 16 % entre 2013 et 2018, alors que l’âge moyen est resté stable à 82 ans. Malgré son développement, le recours au TAVI demeure toutefois très hétérogène en Europe (figure 4). Ces disparités apparaissent surtout imputables aux différences de modalités de remboursement des procédures ainsi qu’aux différences de dépenses de santé dans les différents pays. Outre l’extension vers des patients à faible risque, les indications du TAVI posent également problème chez les patients à haut risque chirurgical, pour lesquels il a initialement été développé. Dans les grands registres nationaux, la mortalité élevée (20 à 25 %) lors de la première année suivant la procédure pose le problème de la réalisation de procédures dites futiles. Figure 4. Nombre de procédures de TAVI par million d’habitants et par an (données 2016-2017) (D’après Pilgrim and Windecker. Eur Heart J 2018 ; 39 : 2643-5). L’identification des patients à risque de procédure futile est toutefois très difficile et le recours à des scores de risque est actuellement peu convaincant. L’évaluation de la fragilité est potentiellement intéressante chez ces patients à haut risque et représente un facteur prédictif de mortalité ou d’incapacité précoce. Toutefois, son application est difficile en pratique clinique en l’absence de consensus sur les méthodes d’évaluation, la prévalence de la fragilité étant très variable selon les méthodes utilisées. Cette question des indications du TAVI chez les patients âgés à haut risque revêt une importance particulière car leur nombre va croître en raison de l’évolution de la démographie et de l’absence de traitement préventif des valvulopathies dégénératives. D’après les perspectives démographiques, le nombre de patients âgés atteints d’un rétrécissement aortique sera multiplié par 2 à 3 dans les 50 prochaines années dans les pays occidentaux. Valvulopathies dans les pays en voie de développement Les valvulopathies sont particulièrement fréquentes et ont une présentation très différente dans les pays en voie de développement dans lesquels l’endémie rhumatismale persiste (figure 5). Environ 1 % des enfants en âge scolaire sont atteints d’une valvulopathie rhumatismale clinique et 33 millions de cas étaient estimés en 2015 dans le monde. Contrairement aux valvulopathies dégénératives dans les pays occidentaux, les valvulopathies rhumatismales prédominent chez l’adulte jeune, entre 20 et 40 ans (figure 6) et sont responsables d’une surmortalité non seulement importante mais précoce. Figure 5. Prévalence des valvulopathies rhumatismales (D’après Carapetis et al. Lancet Inf Dis 2005 ; 5 : 685-94). Figure 6. Âge moyen des patients hospitalisés pour valvulopathie rhumatismale. A : registre REMEDY (Zühlke et al. Eur Heart J 2015 ; 36 : 1115-22). B : registre VALVAFRIC (Kingué et al. Arch Cardiovasc Dis 2016 ; 109 : 321-9). La lutte contre les valvulopathies rhumatismales comporte plusieurs défis. La prévention du rhumatisme articulaire aigu puis des valvulopathies rhumatismales ne fait pas appel qu’à la pénicilline mais aussi à l’amélioration des conditions d’hygiène et du niveau socio-économique. Avec le recours à un dépistage échocardiographique systématique, la prévalence des valvulopathies rhumatismales est multipliée par 10. L’intérêt d’un dépistage précoce n’est pas prouvé à ce jour mais son utilisation se heurterait à des difficultés de faisabilité à grande échelle. Enfin, les ressources pour la prise en charge interventionnelle des formes les plus sévères demeurent insuffisantes, qu’il s’agisse de la chirurgie ou des interventions percutanées, qui doivent avoir leur place chez ces patients. Ainsi, la commissurotomie mitrale percutanée par ballonnet est devenue le traitement de référence du rétrécissement mitral. Elle serait particulièrement indiquée dans les pays d’endémie rhumatismale car les conditions anatomiques sont souvent favorables et aussi car elle permet d’éviter des chirurgies itératives. Malheureusement, elle demeure sous-utilisée pour des raisons économiques. En pratique Des progrès sont nécessaires dans le diagnostic et la prise en charge des valvulopathies, même si des données récentes suggèrent que les recommandations d’intervention sont mieux appliquées, notamment en raison de la diffusion des recommandations et du développement des techniques percutanées. Les patients sont toutefois encore souvent référés à un stade évolué de leur maladie. De nombreux défis restent à relever : – l’évaluation rigoureuse des interventions ; – développer la recherche de stratégies de prévention des valvulopathies dégénératives ; – accroître la vigilance vis-à-vis des valvulopathies, tant de la part despatients que des médecins traitants ; – diffuser les recommandations, ce qui est indissociable de l’évaluation leur application ; – sans oublier les conséquences de l’endémie rhumatismale dans les pays en voie de développement.

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