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Insuffisance cardiaque

Publié le 01 juin 2017Lecture 6 min

Insuffisance cardiaque, réadaptation et traitement médicamenteux : comment mieux utiliser nos ressources ?

Michèle DEKER, Paris


Forum européen Cœur, Exercie et Prévention
La prise en charge de l’insuffisance cardiaque devrait progresser grâce à l’avancée des connaissances de sa physiopathologie, à l’émergence de nouvelles thérapeutiques et dispositifs cardiaques implantables. La réadaptation cardiaque reste néanmoins sous-utilisée en pratique et les innovations médicamenteuses sont introduites encore trop tardivement. Les marges de progrès sont larges.

L’exercice physique a une place reconnue dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque, avec un niveau de recommandation IA dans les recommandations européennes(1), en concordance avec les recommandations des autres sociétés savantes. La réadaptation cardiaque permet d’améliorer les capacités fonctionnelles et la symptomatologie, de diminuer les hospitalisations et la mortalité liées à l’insuffisance cardiaque, et au final d’améliorer la qualité de vie. Malgré ces recommandations et l’accès au remboursement, le recours aux programmes de réadaptation cardiaque reste insuffisant : en 10 ans, il n’a progressé que de 5 % en chiffres absolus (+40 % d’augmentation relative). Ce défaut de prise en charge va de pair avec une sousoptimisation du traitement, qu’il s’agisse de médicaments ou de dispositifs implantables. Ce défaut de prescription traduit de la part des médecins une crainte des risques potentiels de l’exercice physique et une sous-estimation de ses bénéfices.   Amélioration du pronostic de l’insuffisance cardiaque par l’exercice physique   Le premier bénéfice de l’activité physique est de diminuer l’activation neuro-hormonale chronique qui exerce des effets délétères sur le remodelage ventriculaire dans l’insuffisance cardiaque. Ainsi, dans une étude contrôlée, C. Passino et coll. ont observé une diminution significative des valeurs plasmatiques de BNP, NT-proBNP et d’adrénaline associées à une amélioration de la capacité d’effort et de la fonction systolique chez des patients insuffisants cardiaques ayant bénéficié d’un programme de réadaptation cardiaque de 9 mois(2). Inversement, l’absence d’amélioration de la capacité d’effort (PVO2) possède une forte valeur prédictive de la détérioration de l’insuffisance cardiaque(3). Une métaanalyse des essais randomisés (ExTraMATCH) ayant évalué l’effet de programmes de réadaptation cardiaque d’au moins 8 semaines (395 patients versus 406 témoins) a montré une réduction significative de la mortalité de 35 % (0,46-0,92 ; p = 0,015) et du critère combiné mortalité ou réhospitalisation pour insuffisance cardiaque de 18 % (0,56-0,93 ; p = 0,011)(4). La sécurité d’emploi de la réadaptation cardiaque est par ailleurs bien démontrée(5). L’effet bénéfique de l’exercice physique sur la fonction cardiopulmonaire est largement démontré, avec une relation dose/ duréeeffet sur le risque d’événement cardiovasculaire, et la mortalité totale et cardiovasculaire. Ces bénéfices concernent aussi bien l’ensemble des individus en prévention primaire que les sujets souffrant d’insuffisance cardiaque en prévention secondaire. En outre, la qualité de vie est clairement améliorée.   La mission du réadaptateur   Une des missions principales du réadaptateur est de rendre notamment compatibles et complémentaires l’optimisation thérapeutique et l’exercice physique. La période de réadaptation est idéale pour conjuguer ces deux objectifs de la prise en charge car le patient est stable, accessible à une surveillance fréquente et prolongée, pendant laquelle il est possible d’évaluer l’impact du traitement sur les capacités fonctionnelles et la qualité de vie plus généralement. Jusqu’en 2016, l’algorithme thérapeutique proposé dans l’insuffisance cardiaque symptomatique à fraction d’éjection altérée stipulait d’introduire d’abord un IEC et un bêtabloquant en titrant jusqu’aux doses maximales tolérées, puis un antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes (ARM) si le patient restait symptomatique avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) ≤ 35 %. Deux thérapeutiques d’intérêt récentes ont été approuvées dans l’insuffisance cardiaque symptomatique avec FEVG ≤ 35 % : le sacubitril/ valsartan (LCZ 696), double inhibiteur des récepteurs de l’angiotensine et de la néprilysine, et l’ivabradine, inhibiteur spécifique des canaux If. Le sacubitril/ valsartan est indiqué chez les patients avec élévation des neuropeptides (BNP ≥ 150 pg/ml ou NT-proBNP ≥ 600 pg/ml), en remplacement des IEC (ou ARAII). L’ivabradine est indiqué chez les patients en rythme sinusal dont la fréquence cardiaque est ≥ 70 bpm (≥ 75 bpm en France), en association au traitement standard comprenant les bêtabloquants ou en cas de contre-indication ou d’intolérance aux bêtabloquants. Le bénéfice de ces deux nouveaux traitements en termes de mortalité cardiovasculaire ou hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque est du même ordre de grandeur : réduction de 18 % versus placebo sous ivabradine dans l’étude SHIFT(6) et de 24 % dans le sous-groupe de patients ayant une FC ≥ 75 bpm à l’inclusion ; réduction de 20 % sous sacubitril/valsartan versus enalapril dans l’étude PARADIGM-HF(7). À terme, la place des IEC dans la stratégie thérapeutique de l’insuffisance cardiaque pourrait être remise en cause par l’arrivée du sacubitril/ valsartan ; celle de la digoxine est déjà très compromise. Les dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie(8) proposent une révision de l’algorithme thérapeutique, soit en 3e intention chez les patients qui restent symptomatiques avec FEVG ≤ 35 % sous trithérapie IEC + bêtabloquant + ARM : - si IEC/ARAII bien toléré, remplacer par le sacubitril/valsartan ; - si rythme sinusal et FC ≥ 70 bpm, ajouter l’ivabradine. Ces deux traitements peuvent être prescrits conjointement. Une troisième option consiste à envisager un traitement de resynchronisation si le QRS est ≥ 130 ms. En dernière intention viennent la digoxine, ou l’hydralazine- isosorbide dinitrate, l’assistance ventriculaire gauche et la transplantation cardiaque.   Un retard à l’optimisation thérapeutique est une perte de chance   La stratégie d’optimisation thérapeutique prônée par l’ESC qui consiste à titrer chaque médicament et/ou ajouter de nouvelles molécules est un processus fastidieux qui n’est pas souvent abouti en pratique. Malheureusement, cette inertie thérapeutique tend à participer au phénomène de réhospitalisations précoces et itératives du patient IC altérant son pronostic, ses capacités fonctionnelles et sa qualité de vie, d’où une place de choix donnée à l’optimisation thérapeutique en réadaptation cardiaque. Ce moment privilégié du parcours de soins peut être le temps de la titration des médicaments et de l’instauration de nouveaux. Par exemple, l’étude CARVIVA-HF qui évaluait la capacité d’effort chez des patients en réadaptation recevant la dose maximale tolérée d’IEC, a montré une amélioration plus importante des performances (distance de marche, MVO2, PVO2) chez les patients recevant l’ivabradine seule (7,5 mg x 2/j) ou associée au carvédilol (12,5/7,5 mg x 2/j) comparativement au carvédilol seul (25 mg x 2/j), outre une meilleure tolérance de la dose maximale(10). Ces résultats pourraient s’expliquer par le mode d’action spécifique de l’ivabradine : grâce à une amélioration rapide du VES, la réduction de la FC obtenue sous ivabradine s’accompagne d’un maintien du débit cardiaque. De plus, l’ivabradine, n’exerçant aucun effet délétère sur les muscles, la fonction respiratoire ou la vascularisation, n’altère donc pas les bénéfices du reconditionnement à l’effort.   Au total   Les thérapeutiques efficaces dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée peuvent être classées en deux groupes selon leur action sur le système rénine-angiotensinealdostérone (IEC/ARAII/sacubitril/ARM) ou sur la fréquence cardiaque (bêtabloquants, ivabradine). La plupart d’entre elles nécessitent une titration pour atteindre la dose maximale tolérée garante des bénéfices thérapeutiques démontrés dans les essais cliniques. Faute d’y parvenir en vie réelle, les malades insuffisants cardiaques attendent trop longtemps avant que soient introduits le sacubitril/valsartan en substitution des IEC et l’ivabradine en top of du traitement standard, ce qui équivaut pour eux à une perte de chance. Il faudrait par conséquent envisager d’introduire ces thérapeutiques sans trop tarder chez les patients susceptibles d’en bénéficier. D’après un symposium au Forum européen Coeur, Exercice & Prévention avec la participation de M.-C. Iliou et P. Meurin

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