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Valvulopathies

Publié le 31 mar 2016Lecture 8 min

Quel est le meilleur paramètre d’appréciation de la sévérité d’une sténose aortique ? Le gradient, le Vmax ou la surface valvulaire ?

B. CORMIER, Institut Jacques Cartier, Massy

Les recommandations actuelles sont basées sur des critères composites obtenus par l’échographie Doppler, à savoir la mesure de surface aortique (< 1 cm2, ou indexée 0,6 cm2/m2 de surface corporelle) et le calcul du gradient moyen (≥ 40 mmHg). Les indications thérapeutiques sont faciles à poser chez les patients symptomatiques avec des paramètres de quantification concordants, mais plusieurs travaux ont souligné la fréquence des discordances.

Minners, dans une étude rétrospective de plus de 3 000 examens, a pu observer une concordance dans environ 70 % des cas (surface large et gradient bas en faveur d’une sténose modérée, ou surface basse et gradient élevé en faveur d’une sténose serrée), mais près de 1/3 des patients avaient des critères discordants, le plus souvent un gradient < 40 mmHg et une surface brute < 1 cm2, beaucoup plus rarement un gradient > 40 mmHg et une surface > 1 cm2. Le paramètre le plus ancien et le mieux validé est le calcul du gradient de pression à partir de l’accélération du flux au travers de l’orifice sténosé, selon l’équation de Bernoulli simplifiée : D P = 4v2. Les corrélations avec le cathétérisme invasif sont excellentes lorsque les mesures sont faites de façon simultanée.   Le pic de vitesse transaortique   La principale cause d’erreur du Doppler est la sous-estimation du gradient en rapport avec un mauvais alignement du faisceau Doppler avec le flux sanguin, ce qui nécessite la recherche des plus hautes vitesses à partir de plusieurs incidences complémentaires, en particulier la voie parasternale droite. De nombreuses études cliniques ont montré l’impact pronostique majeur du pic de vitesse transvalvulaire, qui constitue un critère dur par opposition au calcul de la surface aortique. Dans un travail prospectif effectué chez des patients asymptomatiques, C. Otto avait montré la valeur pronostique d’un pic de vitesse > 4 m/s en termes de mortalité ou de survenue de symptômes nécessitant un remplacement valvulaire. R. Rosenhek a confirmé l’impact de la Vmax sur le pronostic avec des sous-groupes de sévérité croissante (Vmax ≥ 5,5 m/s versus 5 à 5,5 m/s ou 4 à 5 m/s). Dans ce même travail, une surface aortique de 0,6 cm2 ne permettait pas de stratifier le risque évolutif. Enfin, J. Bermejo a également montré qu’une Vmax > 4 m/s avait une valeur pronostique péjorative, alors qu’il existait un chevauchement des courbes de survie en fonction de la surface aortique (< 0,75 cm2 ou comprise entre 0,75 et 1 cm2). Les guidelines les plus récentes intègrent ces constatations et proposent un arbre décisionnel se limitant à la Vmax ≥ 4 m/s et au gradient moyen ≥ 40 mmHg chez les patients ayant une valve aortique calcifiée.   L’importance du débit   La principale limite des paramètres Doppler est leur dépendance vis-à-vis du débit transvalvulaire notamment pour les sténoses aortiques serrées où de faibles variations de débit entraînent des variations importantes du gradient. D’un point de vue théorique, l’évaluation de la surface aortique par l’équation de continuité qui prend en compte le débit transvalvulaire représente la méthode idéale de quantification de la sténose, validée par des corrélations avec les données invasives malgré les causes d’erreur aux 3 étapes du recueil de ses déterminants : le gradient transaortique au Doppler continu comme nous l’avons déjà vu mais également le recueil du flux sous-aortique au Doppler pulsé et surtout la mesure du diamètre sous-aortique qui est la principale source d’erreur, chaque millimètre de sous-estimation du diamètre entraînant une sous-estimation de 0,1 cm2 de la surface. Ces réserves sont rappelées dans les différentes guidelines qui précisent que les mesures de surface aortique sont dépendantes de l’opérateur et moins robustes que le calcul du gradient ; par conséquent, la mesure isolée de la surface ne doit pas être utilisée pour poser les indications thérapeutiques. Ces mêmes recommandations rappellent que l’indexation de la surface brute à la surface corporelle est utile dans certaines circonstances (taille < 1 m 35, surface corporelle < 1,5 m2), mais ne peut en aucun cas être utilisée de manière systématique. En dehors de ces problèmes techniques, une des limites de la mesure de la surface est sa dépendance vis-à-vis du débit cardiaque bien que dans une moindre mesure que le gradient, problème identifié de longue date dans le contexte des dysfonctions ventriculaires gauches sévères (fraction d’éjection < 35 %) avec bas débit et bas gradient.   Le test à la dobutamine   Pour différencier les sténoses aortiques serrées avec dysfonction ventriculaire gauche secondaire, des dysfonctions ventriculaires gauches primitives avec sclérose aortique peu serrée, De Filippi a proposé en 1995 le test à la dobutamine à faible dose : les sténoses aortiques serrées sont caractérisées lors de l’augmentation du volume d’éjection systolique par une augmentation du gradient sans modification de la surface alors que les sténoses aortiques pseudo-serrées sont caractérisées par une augmentation de surface sans variation du gradient. Le problème des patients non répondeurs à la dobutamine avec une augmentation du volume d’éjection systolique restant < 20 % n’est pas résolu. Les dernières recommandations proposent comme critères de sténose serrée une Vmax ≥ 4 m, un gradient > 40 avec une surface < 1 cm2 quelle que soit la dose de dobutamine. Plus récemment a été proposé le concept de bas débit/bas gradient paradoxal défini par une surface < 1 cm2, un gradient de pression < 40 mmHg, avec un volume d’éjection systolique indexé à ≤ 35 ml/m2 malgré une fraction d’éjection > 50 %. Il s’agit plus souvent de femmes ayant de petits volumes ventriculaires gauches et une impédance valvulaire valvulo-artérielle (indice de postcharge globale) élevée. La même équipe, quelques années plus tard, a proposé une nouvelle classification chez ces patients en fonction du gradient et du volume d’éjection systolique indexé. Les sous-groupes définis par un gradient élevé, quel que soit le volume d’éjection systolique, correspondent à des sténoses aortiques indiscutablement serrées. Plus délicats sont les sous-groupes définis par un bas gradient soit avec un volume d’éjection systolique abaissé (authentique bas débit paradoxal), soit avec un volume d’éjection systolique préservé, soulevant la question du caractère réellement serré de ces sténoses. Ceci ramène aux erreurs de calcul du diamètre de la chambre de chasse : les études par scanner ont montré que contrairement à ce qui est supposé dans le calcul de l’équation de continuité, la géométrie de la chambre de chasse n’est pas circulaire mais plutôt elliptique, la mesure échographique correspondant au petit diamètre de l’ellipse. L’apport du scanner   Pour surmonter cet écueil, des travaux récents ont proposé une équation de continuité combinant la mesure de la surface de la chambre de chasse par scanner avec les paramètres Doppler : en appliquant cette équation de continuité obtenue par fusion entre les deux méthodes, les auteurs ont pu reclasser des patients étiquetés rétrécissement aortique serré avec bas gradient et volume d’éjection systolique conservé, en rétrécissement aortique modéré. Cela dit, ces erreurs de mesure n’expliquent pas toutes les divergences, et des études par cathétérisme invasif ont pu observer qu’environ 50 % des patients avaient des critères de quantification dissociés alors que le volume d’éjection systolique était conservé, ce qui pose le problème de la pertinence des critères de quantification actuels : lorsque l’on considère l’équation de Gorlin, un gradient de 40 mmHg correspond en fait à une surface de 0,8 cm2, alors qu’une surface de 1 cm2 correspond à un gradient moyen de 26 mmHg. Il est probable qu’en reconsidérant ces seuils de sévérité, il soit possible de diminuer la fréquence de ces discordances. La détermination de la surface aortique par planimétrie a pu être proposée en échographie transthoracique puis en échographie transœsophagienne avec l’espoir initial que ce paramètre serait moins dépendant des conditions de flux. Les corrélations avec l’évaluation de la surface par la méthode de Gorlin ou l’équation de continuité sont bonnes pour les orifices peu calcifiés mais très aléatoires dans les autres cas. Le scanner cardiaque qui profite d’une excellente résolution spatiale est probablement plus adapté dans ces formes très calcifiées, mais il est actuellement bien établi que la surface anatomique est également dépendante du flux transvalvulaire, et cela est particulièrement marqué pour les orifices dégénératifs, sans fusion commissurale.   Prendre en compte l’anatomie valvulaire   À ce stade, force est de constater que toutes les méthodes d’évaluation de la sévérité de la sténose aortique ont des limites essentiellement constituées par leur dépendance vis-à-vis du flux transvalvulaire. Il est donc primordial de prendre en compte l’anatomie valvulaire, compte tenu du parallélisme grossier entre les perturbations hémodynamiques et l’importance des calcifications. Ceci a été évalué par un certain nombre de travaux, notamment en utilisant le score de calcifications d’Agatston avec un seuil de 1 651 unités pour discriminer les sténoses serrées des sténoses modérées. En pratique, ce score n’est applicable qu’aux rétrécissements aortiques dégénératifs et il est maintenant bien établi que les valeurs discriminantes sont différentes pour les hommes et pour les femmes qui ont des valves de plus petit poids et moins calcifiées. Enfin, pour terminer il faut rappeler que le pronostic du rétrécissement aortique dépend davantage des symptômes que des paramètres hémodynamiques, et ceci a été montré dans des populations de rétrécissement aortique moyennement serré, défini par des pics de vitesse compris entre 2,5 et 3,9 m/s : le pronostic de ces patients lorsqu’ils sont symptomatiques se rapproche de celui ayant une sténose serrée et les dernières recommandations proposent d’envisager une cure de l’obstacle valvulaire y compris chez les patients ayant une fraction d’éjection conservée à partir du moment où les symptômes peuvent être attribués à la sténose aortique, ce qui peut être délicat chez les patients très âgés avec des comorbidités.   En pratique    Dans le contexte d’un débit transvalvulaire normal, les paramètres obtenus par le Doppler continu (gradient et vitesse maximum du jet), sont plus robustes que le calcul de la surface qui est dépendant de l’opérateur. Le diagnostic de sténose aortique serrée peut être difficile dans le contexte de bas débit/bas gradient : la dobutamine à faible dose est utile pour différencier les sténoses aortiques authentiquement serrées des sténoses aortiques pseudo-serrées chez les patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche systolique. Le scanner est particulièrement utile chez les patients sans réserve de flux sous dobutamine ou chez ceux ayant un bas débit paradoxal avec fraction d’éjection conservée. La discordance des paramètres de quantification chez les patients ayant un volume d’éjection systolique normal pose le problème de l’inconsistance actuelle des critères de quantification, une surface de 0,8 cm2 étant plus adaptée à un gradient de 40 mmHg. Il faut enfin rappeler que les décisions thérapeutiques sont davantage basées sur les symptômes que sur les seuls paramètres hémodynamiques.

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