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Thérapeutique

Publié le 08 déc 2013Lecture 7 min

Les phytostérols : bénéfices/risques dans le traitement des hypercholestérolémies ?

B. VERGÈS, Service endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques, CHU de Dijon

Au cours des dernières années, des aliments enrichis en phytostérols (stérols d’origine végétale) sont apparus sur le marché. Dans la mesure où leur consommation réduit l’absorption du cholestérol et ainsi le taux plasmatique du LDL-cholestérol, ils sont apparus, au premier abord, comme des produits intéressants, susceptibles de réduire le risque cardiovasculaire. Mais, en l’absence de preuves basées sur des études cliniques, quels sont les effets réels des phytostérols sur le métabolisme lipidique et la prévention du risque cardiovasculaire ? Ont-ils une place dans le traitement des hypercholestérolémies ? 

Phytostérols : présentation et rôle dans l’absorption des lipides   Les phytostérols ou stérols végétaux sont des produits naturels, présents dans les huiles végétales, les graines (sésame, par ex.), les fruits oléagineux (noix, par ex.) et les légumineuses, dont la structure est très proche de celle du cholestérol. Les principaux phytostérols sont le β-sitostérol, le campestérol et le stigmastérol. Dans le tube digestif, les phytostérols entrent en compétition avec le cholestérol lors de la formation des micelles, mais avec une affinité supérieure. Cela a pour conséquence le déplacement du cholestérol des micelles vers la lumière intestinale. Le cholestérol libre non incorporé au sein des micelles est éliminé par voie fécale. Cette diminution du cholestérol libre au sein des micelles se traduit par une réduction de l’absorption du cholestérol au niveau des entérocytes entraînant une réduction du pool de cholestérol libre au sein des hépatocytes, avec pour conséquence une levée d’inhibition du cholestérol sur l’expression des récepteurs LDL et, de ce fait, une augmentation de la captation du LDL-cholestérol responsable d’une réduction du LDL-cholestérol plasmatique. Par ailleurs, il faut savoir que les phytostérols sont aussi absorbés dans l’entérocyte grâce au transporteur NPC1L1 (Niemann-Pick C1-Like 1), qui est aussi responsable de l’absorption du cholestérol libre. Cependant, les phytostérols sont très rapidement redirigés vers la lumière intestinale grâce à l’action des transporteurs ABCG5 et ABCG8. Ainsi, leur absorption totale est extrêmement faible.   La sitostérolémie ou phytostérolémie, exemple d’une pathologie impliquant les phytostérols La sitostérolémie (ou phytostérolémie) est une pathologie rare caractérisée par une absorption accrue des phytostérols, liée à une mutation des transporteurs ABCG5/ABCG8. Dans cette situation, les phytostérols présents dans l’entérocyte ne sont plus redirigés vers la lumière intestinale et, donc, absorbés. Les patients qui en sont atteints présentent des valeurs élevées de phytostérols (en particulier sitostérol et campestérol). Cela a pour conséquences de nombreux dépôts lipidiques vasculaires et extravasculaires (xanthomes en particulier). Ils présentent un risque cardiovasculaire très augmenté, lié au développement rapide, sur les parois artérielles, de plaques lipidiques riches en phytostérols.   Utilisation des phytostérols dans le traitement des hypercholestérolémies   Comme les phytostérols réduisent l’absorption du cholestérol et le taux plasmatique de LDL-cholestérol, des aliments enrichis en phytostérols (margarine, produits laitiers) à visée « thérapeutique » ont été développés. Quels en sont les bénéfices attendus et les risques potentiels ?   Bénéfices attendus des phytostérols La consommation régulière de produits enrichis en phytostérols, à une dose quotidienne comprise entre 1,5 et 3 g/jour, permet une réduction du LDL-cholestérol plasmatique de 10 à 15 %. En revanche, ces produits n’ont d’effet ni sur les triglycérides ni sur le HDL-cholestérol. Il faut, cependant, savoir qu’il existe, dans la population, une variabilité de réponse à la consommation de produits enrichis en phytostérols, liée principalement à des différences génotypiques.   Risques potentiels de la consommation de produits enrichis en phytostérols • Effets des phytostérols sur l’absorption des vitamines L’absorption des vitamines liposolubles A, D et K n’apparaît pas modifiée par la consommation de produits riches en phytostérols. Cependant, une diminution de l’absorption de bêtacarotène est observée sous phytostérols. Par ailleurs, une réduction des taux plasmatiques d’autres caroténoïdes – lycopène (de 14,6 %), lutéine (de 16,3 %) – est retrouvée après consommation régulière de produits enrichis en phytostérols. Les conséquences vasculaires à long terme de ces modifications demeurent totalement inconnues.   Augmentation des taux plasmatiques de phytostérols Normalement, comme nous l’avons vu, les phytostérols sont très peu absorbés et leur concentration plasmatique est extrêmement faible. En revanche, les produits enrichis en phytostérols facilitent leur absorption et entraînent une augmentation franche de leurs taux plasmatiques (en moyenne : + 22 % pour le sitostérol ; + 103 % pour le campestérol). On ne peut pas totalement exclure que cette augmentation des taux plasmatiques de phytostérols et phytostanols n’ait pas, à long terme, des conséquences défavorables, en particulier sur le risque cardiovasculaire, puisque les situations cliniques caractérisées par des taux augmentés de phytostérols plasmatiques, comme la sitostérolémie, sont associées à une incidence accrue d’événements cardiovasculaires. Phytostérols : athérome et risque cardiovasculaire Des travaux in vitro font état d’une stimulation de la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires (TNFα, IL6, IL1β) par les macrophages par le sitostérol. Plusieurs travaux réalisés chez l’homme ont montré un effet défavorable des phytostérols sur la fonction endothéliale (vasodilatation endothélium-dépendante). Plusieurs études ont recherché une éventuelle association entre les taux plasmatiques de phytostérols et le risque cardiovasculaire avec des résultats qui ne sont pas tous concordants. En effet, si une majorité d’études ont mis en évidence une association positive significative entre les taux plasmatiques de phytostérols et le risque cardiovasculaire, d’autres n’ont pas objectivé une telle association, voire ont montré une association négative entre les taux plasmatiques de phytostérols/stanols et le risque cardiovasculaire. Dans la littérature, une majorité d’études ont objectivé une association positive entre les taux de phytostérols plasmatiques et le risque cardiovasculaire (6 études cas-témoins, 3 études de cohorte, 3 études anatomo-biologiques). Parmi les études cas-témoins, citons : • la Dallas Heart Study, dans laquelle il est observé, parmi les 595 sujets ayant une hypercholestérolémie, une augmentation significative du risque cardiovasculaire, chez les personnes présentant des taux augmentés de stigmastérol et de campestérol, indépendamment du taux de cholestérol plasmatique ; • l’étude PROCAM, rapportant un risque accru d’accidents cardiovasculaires (odds ratio = 1 ; p = 0,014l) chez les sujets du quartile supérieur de sitostérolémie. Par ailleurs, une large analyse génomique a clairement identifié des variants génétiques associés à une augmentation des taux plasmatiques de phytostérols et de façon concordante à une augmentation significative du risque d’événements cardiovasculaires.   Parmi les études de cohorte : • l’étude MONICA/KORA a objectivé un risque de survenue d’accidents cardiovasculaires 3 fois plus élevé chez les sujets du quartile supérieur de campestérol comparativement à ceux du quartile inférieur ; • l’étude LURIC montre une augmentation de la mortalité globale et cardiovasculaire, après ajustement sur les autres facteurs de risque, chez les sujets situés dans le tertile supérieur du ratio campestérol/cholestérol. Enfin, signalons une large étude anatomoclinique, réalisée chez 2 440 patients, dans laquelle une corrélation positive entre le ratio campestérol/cholestérol et la sévérité de l’atteinte coronaire a été mise en évidence. À l’inverse, d’autres études (4 études cas-témoins) n’ont pas retrouvé d’association entre les taux plasmatiques de phytostérols et le risque cardiovasculaire. Parmi celles-ci, citons, l’étude EPIC-Norfolk et l’étude CORA. Enfin, 3 études (2 études cas-témoins, 1 étude de cohorte) ont rapporté une association négative entre les taux plasmatiques de phytostérols et le risque cardiovasculaire : • les 2 études cas-témoins sont la branche espagnole de l’étude EPIC et l’étude LASA, dans lesquelles le risque de maladies cardiovasculaires est significativement plus faible chez les sujets ayant les valeurs les plus élevées de sitostérol plasmatique ; • par ailleurs, une étude de cohorte finlandaise ayant suivi 232 hommes à haut risque cardiovasculaire pendant 22 années a objectivé, en analyse multivariée, après ajustement sur les autres facteurs de risque cardiovasculaire, que le rapport sitostérol/cholestérol est associé à une réduction de la mortalité globale. Il faut cependant noter que le nombre de patients est ici faible pour une étude de cohorte. D’une façon générale, les données sur la relation entre taux plasmatiques de phytostérols et risque cardiovasculaire ne sont pas claires, avec des résultats divergents des différentes études cas-témoins et de cohorte. Il faut cependant noter que les données des études les plus puissantes par leur nombre de sujets (telles les études de cohorte LURIC, MONICA ou l’étude génomique) sont en faveur d’un risque cardiovasculaire accru associé à des valeurs augmentées de phytostérols plasmatiques.   En conclusion   Si les aliments enrichis en phytostérols sont, en théorie, susceptibles de réduire le risque cardiovasculaire en raison de leur effet hypocholestérolémiant, ils sont aussi responsables d’une augmentation très significative des taux plasmatiques de phytostérols, potentiellement délétère. En effet, plusieurs études in vitro, animales et anatomobiologiques humaines apportent des arguments en faveur d’un effet athérogène des phytostérols. Les données des études humaines sur le risque athérogène de taux plasmatiques augmentés de phytostérols sont divergentes, mais les études de cohorte les plus puissantes objectivent une association positive entre phytostérols et risque d’événements cardiovasculaires. D’une façon générale, si les données à notre disposition ne permettent pas de confirmer formellement un risque cardiovasculaire lié aux phytostérols, elles permettent de le supposer et en aucun cas de l’exclure. Ainsi, dans l’état actuel des connaissances et en l’absence d’une étude prospective démontrant un effet significatif des produits enrichis en phytostérols sur la réduction des accidents cardiovasculaires, leur consommation n’apparaît pas conseillée dans le cadre du traitement des hypercholestérolémies. "Publié dans Diabétologie Pratique"

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