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Grand angle

Publié le 15 mar 2021Lecture 8 min

Traitement endovasculaire des resténoses fémoropoplitées

Caroline CARADU, Xavier BÉRARD, Eric DUCASSE, service de chirurgie vasculaire, hôpital Pellegrin, CHU de Bordeaux, Bordeaux

Le nombre de patients atteint d’artériopathie oblitérante de membres inférieurs ne cesse de croître compte tenu du vieillissement de la population et de l'augmentation de l'incidence du diabète. Le traitement endovasculaire est désormais la stratégie de première intention dans la majorité des cas. Les résultats de l'angioplastie fémoropoplitée étant fortement limités par les dissections, le rappel élastique de paroi (recoil) et la resténose, on observe une utilisation très importante de stents autoexpansibles, avec un avantage significatif en termes de perméabilité primaire (PP) face au ballon simple.

Cependant, les résultats à long terme sont grevés d’un taux de resténose intra-stent (RIS) de 20 à 40 % à 1 an. Plus les lésions sont longues et complexes, plus la PP et la survie sans réintervention sur la lésion cible diminuent(1). Plusieurs modalités de traitement sont disponibles pour poursuivre une approche endovasculaire mais les recommandations sur la stratégie optimale restent à établir(2). Mécanismes des RIS Les lésions de RIS diffèrent de l’athérosclérose (figure 1)(3). L’implantation de stents, susceptibles aux fractures et malappositions, endommage la limitante élastique interne et les cellules endothéliales entraînant une réponse inflammatoire par les macrophages (figure 2)(3). Les cellules musculaires lisses prolifèrent et migrent dans l’intima puis sécrètent les éléments d’une fine matrice extracellulaire hydrophile conduisant au processus d’hyperplasie néo-intimale. Ainsi, 80 % du volume resténotique est une MEC souple et aqueuse hautement conformable. Figure 1. Mécanismes de resténose et réocclusion après angioplastie. Figure 2. Mécanismes physiopathologiques des occlusions tardives de stent. Angioplastie Ballon simple A. Tosaka et al. ont publié une classification des profils angiographiques des RIS (figure 3), ainsi que les résultats d’une étude rétrospective sur 133 patients atteints de lésions de RIS fémoropoplitées traitées par angioplastie simple(4). Les taux de resténose et de réocclusion à 2 ans étaient extrêmement élevés, en particulier dans les lésions complexes Tosaka III (84,8 % et 64,6 % respectivement). Il semble que l’angioplastie élimine la teneur en eau de la matrice extracellulaire, qui lors de la déflation agit comme une éponge et se réhydrate en moins de 100 min, ce qui entraîne un recoil(5). Figure 3. Classification des resténoses intrastent fémoropoplitées selon Tosaka et al.(4). Classe I : lésion focale (< 50 mm) dans le stent et/ou ses berges. Classe II : lésions diffuses (> 50 mm) dans le stent et/ou ses berges. Classe III : occlusion totale du stent. Ballon actif La majorité des ballons actifs actuellement disponibles délivrent du paclitaxel localement pour inhiber la prolifération néo-intimale. Hormis la récente inquiétude sur un potentiel sur-risque de mortalité après l’utilisation de ces ballons(6) dont la réalité reste à confirmer(7), ils semblent efficaces sur les RIS avec des taux de réintervention sur la lésion cible significativement plus faibles, jusqu’à 1 et 2 ans. Cependant, cette différence disparaît à partir de 3 ans. De plus, cette approche souffre des mêmes limitations techniques que l’angioplastie simple sur le recoil élastique et les dissections(8-12). Stents Stent actif Récemment, T. Zeller et al. ont montré que le traitement des RIS fémoropoplitées par des stents actifs délivrant du paclitaxel (Zilver® PTX®, Cook Medical) donnait des résultats favorables sur 108 patients (longueur moyenne des lésions 13 ± 9 cm, 31 % classées Tosaka III)(13). À 12 mois, la PP était de 78,8 % et l’absence de réintervention sur la lésion cible était de 81 %, puis de 60,8 % à 24 mois. Stent couvert Les stents couverts, comme le Viabahn® (WL Gore), ont l’avantage potentiel d’exclure la néo-intima, minimisant ainsi la probabilité de nouvelle resténose dans la région stentée(14). L’essai randomisé contrôlé multicentrique RELINE a recruté 39 patients dans le groupe Viabahn® et 44 patients dans le groupe angioplastie simple(15). Le succès technique était de 100 % versus 81,8 % dans le groupe angioplastie en raison d’un taux de stenting secondaire de 20,5 % (p = 0,002). Les taux de PP à 12 mois étaient de 74,8 % versus 28,0 % (p < 0,001) et à 24 mois de 58,4 % versus 11,6 % (p < 0,001). Les taux de survie sans réintervention sur la lésion cible étaient de 66,3 % versus 23 % (p < 0,001) à 24 mois, démontrant qu’une barrière mécanique pourrait être un outil prometteur pour le traitement des RIS. Les résultats devront néanmoins être confirmés à plus long terme(16). Athérectomie Mécanique Les résultats de l’athérectomie mécanique semblent plus favorables dans les lésions primaires que dans les RIS en raison de la structure molle et aqueuse de ces dernières, d’une réponse inflammatoire entraînant des RIS récidivantes et d’un risque de piégeage du système dans les mailles du stent. De plus, selon une récente étude multicentrique française portant sur 128 patients et utilisant le Rotarex®S (Straub Medical AG), les taux de resténose étaient de 19,5 % à 12 mois mais les taux d’embolisation étaient élevés (5,5 %) avec des taux d’amputation majeure de 12,5 %(17). Son utilisation n’est donc pas recommandée actuellement. Laser Le laser excimer est la seule technologie d’athérectomie actuellement indiquée par la Food and Drug Administration (FDA) dans les RIS. Le laser le plus utilisé consiste en un mélange gazeux de xénon et chlorure d’hydrogène ; bombardé à haute tension, il génère des photons dans le spectre ultraviolet (longueur d’onde 308 nm) qui sont absorbés par le milieu aqueux de la matrice extracellulaire, les cellules musculaires lisses, le collagène et le thrombus. Ces éléments sont alors vaporisés sans action mécanique dans le but de réduire le risque emboligène. Ce laser entraîne également une sidération plaquettaire dose-dépendante qui améliore la dissolution du thrombus(18). Les deux cathéters laser les plus étudiés sont le Turbo-Elite™ et le Turbo-Tandem™ (Spectranetics). Une perfusion continue de solution saline est nécessaire afin de rincer le contraste et le sang et une technique à deux passages à une vitesse de 1 mm/s est recommandée. Ils permettent une réduction de diamètre de la lésion sténosante de plus de 40 %(19,20). L’essai randomisé contrôlé EXCITE ISR, comparant le laser excimer associé à l’angioplastie simple (n = 169) versus l’angioplastie seule (n = 81) dans plus de 30 % de lésions Tosaka III (longueur moyenne 19 ± 12 cm) a stoppé les inclusions à 6 mois en raison d’une efficacité précoce démontrée lors de l’analyse intermédiaire avec un taux de survie sans réintervention de 73,5 % versus 51,8 % (p < 0,005)(21). Une thérapie combinée, associant le laser excimer en outil de préparation de vaisseau et le ballon actif, a ensuite été proposée dans l’essai randomisé contrôlé PHOTOPAC incluant uniquement des patients en ischémie critique présentant des lésions Tosaka III (longueur moyenne 23 ± 9 cm)(22). Ce dernier retrouvait des taux de PP de 91,7 % et 66,7 % à 6 mois et 1 an versus 58,3 % et 37,5 % dans le groupe angioplastie seule, respectivement (n = 24/groupe ; p = 0,01), avec un taux de réintervention à 1 an de 16,7 % versus 50 % (p = 0,01). Les taux d’amputation majeure y étaient significativement inférieurs dans le groupe laser et ballon actif (8 % vs 46 % ; p = 0,003)(23). Par ailleurs, la comparaison entre le laser associé au ballon actif (n = 62) versus laser associé au ballon simple (n = 50) dans une étude rétrospective incluant 33 % de patients en ischémie critique et 74 % de lésions Tosaka III (longueur moyenne 25 ± 12 cm) retrouvait des taux de survie sans réintervention de 72,5 % à 1 an versus 50,5 %(24). La préparation du vaisseaux par laser excimer permettrait ainsi d’assurer une efficacité maximale du ballon actif, en particulier dans les lésions Tosaka III en raison de la grande quantité de matériel non cellulaire et de thrombus à traiter, afin de permettre à l’effet cytotoxique du paclitaxel d’atteindre le couche cellulaire. Cependant, avant de démocratiser l’utilisation de ces nouvelles thérapies plus coûteuses, des études randomisées contrôlées portant sur les différents types de lésions et une analyse médico-économique sont nécessaires afin de guider le choix de la modalité de traitement optimale pour chaque type de lésion. L’essai randomisé INTACT (16 centres) a inclus 125 patients (80,5 % d’hommes, 39,3 % de diabétiques, 16,4 % avec insuffisance rénale chronique) claudiquants (25,9 % Rutherford 2, 45,5 % Rutherford 3) ou en ischémie critique (13,4 % Rutherford 4 et 12,5 % Rutherford 5). La longueur moyenne des lésions était de 12,4 ± 11,8 cm, 30,3 % classées Tosaka III. Les patients étaient répartis en 3 bras : angioplastie simple (n = 37), angioplastie par ballon actif (n = 36) ou laser et ballon actif (n = 46). Un cas typique de laser et ballon actif est rapporté figure 4. Les taux de succès technique et de stenting secondaire étaient respectivement de 90,4 % et 35,4 % après angioplastie simple, 84,4 % et 17,8 % après ballon actif, et 79,7 % et 32,2 % après laser et ballon actif. Figure 4. Illustration d’un cas de RIS inclus dans le bras laser excimer et ballon actif de l’étude INTACT. Homme de 53 ans, hypertendu, sevré de son tabagisme depuis 3 ans (20 paquets/année). Symptomatologie de claudication récidivante avec un stenting long de l’AFS gauche en 2015, thrombosé une première fois en début 2016 (traitement par ballon actif), puis fin 2016 (traitement par ballon actif et stenting prolongé au niveau proximal et distal), puis début 2017 (traitement par ballon actif et stenting prolongé au niveau proximal), puis mi-2017. A : Stenting long de l’AFS gauche en radioscopie. B : Occlusion longue de l’AFS gauche intra-stent en artériographie avec persistance d’une perméabilité de l’AFS proximale et réinjection poplitée rétro-articulaire. C : Recanalisation du stenting long à l’aide d’un cathéter de support. D : Vérification du caractère intraluminal de la réentrée au niveau poplité avec injection de produit de contraste à travers le cathéter de support. E : Installation du patient au bloc opératoire en vue d’une procédure avec laser excimer. F : Passage d’une sonde laser excimer Turbo Elite (fluence 60/fréquence 80). G : Passage d’une sonde laser excimer Turbo Tandem  (fluence 60/fréquence 80). H : Résultat artériographique après passage de sonde laser. I : Angioplastie par ballon actif sur l’ensemble de la lésion. J : Contrôle artériographique final. Le suivi est actuellement en cours, mais selon les données intermédiaires, les taux de perméabilité et de réintervention à 12 mois étaient de 86,7 % et 12,8 % dans le groupe angioplastie simple, 92,9 % et 6,8 % après ballon actif, et 89 % et 6,1 % après laser et ballon actif. Les résultats finaux à 18 mois sont attendus (dernier suivi programmé pour mai 2021)(25). Par ailleurs, un laser à semi-conducteurs Nd:YAG (longueur d’onde 355 nm), le B-Laser™ (Eximo Medical), est actuellement à l’étude. Il ne nécessite aucun étalonnage et aucun temps de préchauffage et il est indifférent à la présence de produit de contraste. Il génère des impulsions courtes (~ 10 ns), et il a une capacité d’aspiration pour limiter les emboles. Une étude pilote incluant 147 patients ne retrouve aucune embolisation distale, et des taux de resténose à 12 mois de 4,3 %(26). Conclusion La prise en charge des RIS demeure difficile et aucune recommandation claire n’est disponible à l’heure actuelle : • Le ballon actif est un traitement efficace dans les lésions Tosaka I, mais peut manquer de durabilité dans les lésions plus complexes (perte de l’avantage à 3 ans). • Les stents actifs ou couverts semblent être une meilleure option dans les lésions Tosaka II et III. • Le laser excimer associé au ballon actif semble être une alternative prometteuse, cependant des essais randomisés contrôlés comparant ces différentes modalités de traitement dans les différents types de lésions avec des résultats à moyen et long terme sont en cours d’achèvement et restent nécessaires avant de pouvoir statuer sur la place de chacune d’elles. Références sur demande à biblio@axis-sante.com

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