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Histoires légales

Publié le 20 déc 2019Lecture 4 min

Les infections nosocomiales - Épisode 2

Laurent CASBAS, Expert près le Cour d'Appel de Toulouse – Chirurgien vasculaire, Centre de chirurgie thoracique, vasculaire et endocrinien, Clinique Rive Gauche, Toulouse

Dans le numéro 5 de L’Interventionnel (octobre 2019), nous avons présenté les complications des infections nosocomiales et les recours judiciaires qu’elles entraînent. À présent, voici des cas concrets pour illustrer cette thématique d’infections liées aux soins.

Même si la prise en charge des infections liées aux soins est du ressort des établissements, des éléments fautifs ou des états antérieurs peuvent interférer. Cas 1 M. X, 57 ans, patient polyvasculaire, ayant bénéficié de multiples interventions. Il a des pontages fémoropoplités bilatéraux, anciens, avec des épisodes de thrombose et de reprise pour thrombectomie et aussi pour hémostase. Il a subi plusieurs revascularisations coronaires endovasculaires. Un tabagisme actif est poursuivi. Le patient se présente en situation d’ischémie critique à droite. Il bénéficie d’explorations radiologiques, qui mettent en évidence la thrombose ancienne des pontages, une progression athéromateuse diffuse, en particulier au niveau des axes iliaques, avec l’occlusion chronique totale de l’axe droit et une sténose significative de l’iliaque primitive gauche. Il existe aussi, des lésions coronaires, mises en évidence par les explorations, qui nécessiteront une prise en charge ultérieure. Il est décidé de la réalisation d’un geste hybride, endovasculaire et chirurgical à ciel ouvert, d’angioplastie avec stent de l’iliaque primitive gauche, associée à un pontage interfémoral gauche/droit prothétique avec thrombo-endartériectomie fémorale droite, pour revasculariser l’artère fémorale profonde droite. Cette option est choisie en raison du terrain fragile n’autorisant pas une revascularisation directe par pontage aortobifémoral, les options endovasculaires pures n’étant pas possibles non plus au niveau de l’axe iliaque droit. L’intervention est laborieuse, au niveau de la dissection, en raison des abords itératifs précédents des triangles fémoraux. L’intervention planifiée est réalisée, le syndrome ischémique est levé. Les suites sont marquées par un retard de cicatrisation de l’abord du triangle fémoral droit. Une surinfection locale survient, des prélèvements sont réalisés, de même que des soins locaux. La bactériologie est peu contributive (polymicrobienne). L’infection progresse, avec des signes généraux. Il est décidé de faire une nouvelle reprise chirurgicale, avec dépose de la prothèse interfémorale et son remplacement par une bioprothèse en collagène ovin. Un avis auprès d’un infectiologue a été demandé, de nombreux prélèvements peropératoires ont été effectués, et le matériel déposé a été envoyé en bactériologie. Les suites de l’intervention sont satisfaisantes tant sur le plan infectieux – avec une cicatrisation complète – que sur le plan vasculaire – avec la présence d’une limitation du périmètre de marche, pour une distance large. Après quelques mois postopératoires, le patient saisi la Chambre de Conciliation et d’Indemnisation, au titre d’un préjudice en rapport avec une infection liée aux soins. La conclusion est l’absence de faute dans cette prise en charge, qui est tout à fait conforme, et l’absence de responsabilité dans la survenue d’infection liée aux soins, puisqu’elle est surtout la conséquence d’un état antérieur : le terrain vasculaire et les nombreuses interventions précédentes sur ce site opératoire. Cas 2 M. Y, 52 ans, présente des antécédents de chirurgie rachidienne (canal lombaire étroit), avec persistance d’une séquelle au niveau moteur du releveur du pied gauche. Il existe un tabagisme actif. La gêne fonctionnelle liée au steppage étant importante, il est proposé une arthrodèse de cheville gauche. L’intervention est réalisée par un chirurgien orthopédiste, avec mise en place de vis. Les suites immédiates sont sans particularités. À la cinquième semaine postopératoire, le patient est fébrile, la cheville gauche est rouge, gonflée, douloureuse. Le matériel est déposé, des prélèvements sont réalisés, l’ensemble des prélèvements est perdu… Une antibiothérapie probabiliste est instaurée par le chirurgien. Les suites seront marquées par un retard de cicatrisation, une persistance du sepsis, une dégradation trophique avec l’évolution de plus en plus défavorable. Il existait en fait une artériopathie oblitérante sous-jacente, qui n’avait jamais été recherchée, puis, qui a été longtemps négligée. Des tentatives de revascularisation endovasculaires sont réalisées, recanalisation de l’artère fémorale superficielle avec stent et angioplastie distale. La revascularisation ne permet pas la cicatrisation, étant donné le délabrement des parties molles et l’ostéite. Une amputation transtibiale est finalement faite, avec une bonne cicatrisation du moignon. Un recours devant le Tribunal de Grande Instance est enclenché par le patient. Certaines pathologies infectieuses ne sont pas évitables, le praticien doit s’imposer des règles de bonnes pratiques et éviter des comportements qui pourraient être considérés comme fautifs. Il faut connaître les protocoles du CLIN de son établissement, ce sont les règles en vigueur qui doivent être impérativement respectées. Devant, la survenue d’un sepsis, en particulier une infection du site opératoire, il faut réaliser des prélèvements, surtout profonds, ne pas instaurer une antiothérapie à l’aveugle, et surtout avoir recours dès que possible à un avis spécialisé d’un confrère infectiologue.

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