Publié le 31 mar 2008Lecture 6 min
Angioplastie primaire en deux temps : désobstruction mécanique à minima en urgence et stenting différé - Une nouvelle approche interventionnelle de l’infarctus au stade aigu
K. ISAAZ, C. ROBIN, A. CERISIER, M. LAMAUD, L. RICHARD, Hôpital Nord, CHU de Saint-Étienne
L'angioplastie primaire est devenue le traitement de choix de l'infarctus du myocarde (IDM) au stade aigu avec des résultats supérieurs au traitement thrombolytique en termes de morbi-mortalité(1-3). Cependant, l’inflation d’un ballon de diamètre correspondant au diamètre de référence de l’artère, qui représente la technique de base de l’angioplastie, entraîne des ruptures de plaques et des dissections pouvant compromettre les résultats immédiats de l’intervention et nécessiter l’implantation d’un stent.
Plusieurs études ont démontré l’efficacité du stenting par rapport à l’angioplastie classique au ballon seul pour réduire les récidives ischémiques, les réocclusions aiguës et les resténoses(4-7). D’un autre côté, la pratique courante montre qu’il est assez fréquent d’observer dans les procédures d’angioplastie primaire, la récupération d’un flux TIMI 3 dès le simple passage du guide ou d’un ballon encore non inflaté avec normalisation immédiate du segment ST et disparition de la douleur ; cette séquence est souvent suivie d’une nouvelle dégradation du flux avec réapparition de la douleur et réascension du segment ST après inflation d’un ballon de taille appropriée à l’artère, surtout après stenting.
PAMI STENT, essai randomisé très important, a confirmé le même scénario : la dégradation du flux après stenting ; le taux de TIMI 3 s’est avéré plus faible dans le groupe stenting (89 %) que dans le groupe ballon (93 %) avec une tendance à la surmortalité à long terme dans le premier groupe(8,9). Des phénomènes de microembolisations distales peuvent être un des mécanismes expliquant la dégradation du flux lors du déploiement du stent en phase aiguë.
À partir de ces données de la littérature et de l’expérience quotidienne, nous avons émis l’hypothèse qu’il était peut-être possible d’arrêter la procédure d’angioplastie primaire à partir du moment où un flux TIMI 3 est obtenu avec le simple guide ou un ballon de très petite taille et d’envisager le stenting de manière différée « à froid » dans de meilleures conditions.
L’idée à la base de ce concept de désosbtruction mécanique en urgence minimaliste (DEMI) était qu’il devait être possible de laisser quelques jours une sténose résiduelle, même serrée, après obtention mécanique d’un flux TIMI 3 sous réserve qu’il n’y ait pas eu de traumatisme excessif de l’artère (rupture de plaque, dissection) grâce à l’utilisation d’un matériel de très petite taille (guide ou ballon de petit diamètre) et sous couvert d’un traitement antithrombotique associant héparine et un traitement antiagrégant puissant combinant aspirine, clopidogrel et anti-GPIIb/IIIa dont l’efficacité pour améliorer les résultats des angioplasties au ballon à risque a été prouvée(10-12).
Figure 1. Exemple de dégradation du résultat immédiat d’une angioplastie primaire après stenting direct chez un patient admis pour infarctus inférieur à H2. Occlusion complète de CDS3 sur la coronarographie réalisée à l’arrivée (A) ; ECG à l’arrivée (B) ; après passage du guide, reperméabilisation de l’artère avec TIMI 3 (C) et franche amélioration du sus-décalage de ST (D) ; persistance d’une double sténose serrée sur CDS3 ; no flow majeur après stenting immédiat (E) avec réapparition de la douleur et réascension du segment ST (F).
De la théorie à la pratique
De mai 2001 à novembre 2002, 93 patients présentant un IDM avec une douleur de moins de 12 heures dont 80 à moins de 6 heures (86 % des cas) et un TIMI 0 sur la coronarographie réalisée en urgence ont été traités par DEMI.
La recanalisation était tentée avec le guide seul, puis successivement avec des ballons de diamètre croissant (en commençant par un ballon de 1,5 mm non inflaté) et avec pour chacun une élévation par palier des pressions d'inflation jusqu'à l'obtention d'un flux TIMI 3.
Le stenting était réalisé uniquement en cas d'échec de DEMI. Tous les patients recevaient immédiatement en salle de cathétérisme un bolus d’abciximab (0,25 mg/kg) suivi d’une perfusion de 12 heures (0,125 µ/kg/min), 300 mg de clopidogrel, 250 mg d’aspirine IV et un bolus de 70 U/kg d’héparine non fractionnée suivi d’une perfusion de 7 U/kg/h pendant la durée du traitement par abciximab.
Le traitement par aspirine, clopidogrel 75 m/j et héparine IV pour maintenir un TCA 2 à 3 fois celui de la valeur témoin était poursuivi jusqu'à la réalisation du stenting différé.
Un contrôle coronarographique était réalisé le lendemain pour évaluer la sténose résiduelle, le grade TIMI et l’importance du thrombus. En cas de sténose résiduelle si-gnificative, sans présence de thrombus important sur le contrôle coronarographique à H24, un stenting était réalisé. En cas de thrombus résiduel significatif, un nouveau contrôle coronarographique était répété 6 ± 3 jours plus tard.
Figure 2. Intervention en deux temps chez un patient avec des antécédents d’angioplastie de la coronaire droite (CD) et présentant un infarctus inférieur aigu. Occlusion complète de la fin du segment 2 de la CD (A). L’ECG à l’admission montre un sus-décalage dans les dérivations inférieures (B). Après passage du guide (C), reperméabilisation immédiate de l’artère avec TIMI 3, normalisation du segment ST (D) et thrombus résiduel associé à une sténose très serrée au site de l’obstruction. Protocole clopidogrel, aspirine, abciximab pendant 12 h, héparine à dose anticoagulante. Contrôle à J5 (E) : CD perméable avec disparition de l’image de thrombus et persistance d’une sténose serrée ; stenting de l’artère (F) sans aucun ralentissement circulatoire d’aval et ECG totalement inchangé après implantation du stent (G).
Résultats
Les résultats publiés en 2006(13) ont montré que la DEMI a permis l'obtention d'un flux TIMI 3 chez 77 des 93 patients (83 %).
Le flux TIMI 3 a été obtenu avec le guide seul chez 14 des 77 patients (18 %), avec un ballon de 1,5 mm de diamètre chez 47 patients (61 %), un ballon de 2 mm chez 14 patients et un ballon de 2,5 mm dans 2 cas. Chez les 16 patients qui n'étaient pas TIMI 3 après DEMI, un stenting immédiat a été réalisé permettant l'obtention d'un flux TIMI 3 chez seulement 9 (56 %) d'entre eux.
Le pourcentage de sténose angiographique résiduelle après DEMI était de 80 ± 10 %. Le stenting a été réalisé secondairement chez 52 des 77 patients avec un TIMI 3 poststenting dans 98 % des cas. Aucune réocclusion de l’artère n'est survenue entre la DEMI et le stenting malgré le caractère en général serré de la sténose résiduelle laissée après DEMI.
Le stenting a été réalisé le lendemain de la DEMI chez 35 de ces 77 patients (maintien d’un TIMI 3 poststenting dans 94 % des cas) et 6 ± 3 jours après DEMI (4 à 15 jours, médiane 5 jours ; le délai de 15 jours chez un patient étant dû à la réalisation d’un bilan de viabilité myocardique avant décision de stenting) chez les 17 autres patients (TIMI 3 poststenting dans 100 % des cas). Parmi les 25 patients chez lesquels aucun stent n’a été implanté, 6 (4 au contrôle à H24 et 2 au contrôle plus tardif) avaient une sténose modérée (réduction moyenne du diamètre de 36 %) relevant d’un traitement médical alors que 19 étaient pluritronculaires avec des lésions relevant d’une chirurgie de revascularisation myocardique.
Conclusion
Une désobstruction mécanique à minima permet d’obtenir en urgence, chez la majorité des patients présentant un infarctus au stade aigu, la recanalisation de l’artère responsable et le maintien de cette reperméabilisation pendant plusieurs jours sous couvert d’un traitement antithrombotique associé optimal.
Cette approche permet d’envisager un stenting différé les jours suivants dans de meilleures conditions ou bien d’orienter si nécessaire le traitement vers une alternative médicale ou chirurgicale plus appropriée. Récemment une étude(14) a encore montré que l’implantation d’un stent en phase aiguë d’infarctus pouvait avoir des conséquences délétères immédiates et à long terme en cas de thrombus important une fois le flux rétabli confirmant ainsi l’hypothèse de notre travail(13).
Une étude randomisée est souhaitable pour confirmer les résultats de notre travail préliminaire qui suggère une révision de l’approche interventionnelle habituellement agressive de l’infarctus aigu(15).
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