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Paramédical

Publié le 25 mar 2024Lecture 9 min

Quelles clés pour valider un protocole de coopération ?

Jimmy GUIBERT, IDE, Centre hospitalier du Mans

Le 23 août dernier, quatre patients du Centre hospitalier du Mans ont pu bénéficier, sous anesthésie locale, d’une implantation d’un moniteur cardiaque (figure 1) réalisée pour la première fois en France par des infirmiers diplômés d’état (IDE, figure 2). En 2023, ce sont près de 30 patients qui seront pris en soins dans ce cadre. Aucun refus de la délégation ni recours à un médecin ne sont à dénombrer.

« Nous voyons l'abeille se poser sur toutes les plantes et tirer de chacune le meilleur. » Isocrate   Reveal (Medtronic) Confirm RX (Abbott) Biomonitor (Biotronik) Figure 1. Les différents moniteurs cardiaques implantables remboursés en France. Figure 2. L’équipe paramédicale intégrée dans le protocole local au centre hospitlier du Mans : Kévin Rousseau et Jimmy Guibert, infirmiers délégués.   Cette nouveauté est l’aboutissement et la mise en lumière d’un travail débuté en 2021 et ayant pris forme au sein d’un protocole local de coopération. Dans cet article, je vous propose de revenir sur les protocoles de coopération et l’application qui en est faite en Sarthe.   L'ORIGINE DES PROTOCOLES   Les premières expériences de délégation en France entre les professions médicales et paramédicales ont eu lieu en 2002. Différents textes ont consacré l’existence de ces protocoles et en ont encadré la pratique, notamment, la loi n° 2009- 879 du 21 juillet 2009(1) portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, le décret n°2019-1482 du 27 décembre 2019(2) définissant les exigences essentielles de qualité et de sécurité des protocoles de coopération entre professionnels de santé et le décret n°2021-804 du 24 juin 2021(3) relatif aux modalités de déclaration et de suivi des protocoles locaux. À ce jour, les protocoles peuvent être nationaux ou locaux. Ils sont valorisés par une prime brute mensuelle de 100 euros(4). Au niveau national, les protocoles de coopération sont validés par le ou la ministre des Solidarités et de la Santé et un ministre chargé des comptes publics après un avis de la Haute Autorité de Santé (HAS) et du Conseil national des coopérations interprofessionnelles (CNCI). Ils peuvent être consultés sur le site santé.gouv.fr. Ils sont autorisés par arrêté et listés sur le site legifrance. gouv.fr. À ce jour, trois protocoles nationaux sont admis en cardiologie(5) : • Télésurveillance, consultation de titration et consultation non programmée avec ou sans télémédecine, des patients traités pour insuffisance cardiaque, par un infirmier. • Contrôle des dispositifs implantables rythmologiques par un(e) infirmier(e) associant une prise en charge en présentiel et en télémédecine. • Réalisation d’échocardiographies par un professionnel non médecin : enregistrement et préinterprétation des paramètres échocardiographiques trans-thoraciques (ET T) par un infirmier(e) diplômé(e) d’état en lieu et place d’un médecin cardiologue avant contrôle et interprétation médicale définitive.   LES ÉTAPES DE LA DÉCLARATION   Pour appliquer et mettre en place un de ces protocoles nationaux dans son centre, il faut déclarer en ligne son équipe sur le site santé.gouv.fr, compléter les formulaires afférents et joindre les pièces administratives demandées. Une fois la déclaration effectuée, le protocole peut débuter. Un questionnaire en ligne relatif aux indicateurs de suivi du protocole de coopération est à renseigner une fois par an. Il s’avère parfois difficile d’adhérer et/ou de mettre en œuvre un protocole national compte tenu de l’exigence stricte des autorités compétentes. Il est en effet requis d’appliquer le protocole dans les mêmes conditions formelles que celles retenues lors de sa rédaction. Il existe également des Appels à manifestations d’intérêt (AMI) mis en ligne sur santé.gouv.fr, émis par le Comité national de coopération interprofessionnelle. Les équipes peuvent y répondre et être sélectionnées pour rédiger un protocole national, évaluer sa faisabilité sur le terrain. Ce protocole pourra être validé et ajouté à la liste des protocoles de coopération existants. Enfin, certains protocoles locaux pourront aboutir après validation en protocoles nationaux.   DES PROTOCOLES DE COOPÉRATION EXISTENT AUSSI AU NIVEAU LOCAL (figure 3)   Figure 3. Parcours d’un protocole local.   L’originalité de ces protocoles réside dans le fait qu’ils émanent du terrain. Ils sont pensés, rédigés par une équipe médicale et paramédicale au sein d’une structure publique ou privée. Ils peuvent répondre à des besoins ou des constats locaux et permettre l’avancée de pratiques visant l’amélioration de la prise en soin des patients. La direction de l’établissement peut valider le protocole et autoriser sa mise en place pour la seule structure ou le groupement hospitalier concerné. Un circuit de rédaction du protocole doit s’effectuer sur une trame existante en ligne et validée par une check-list. Le futur protocole doit ensuite être présenté à deux commissions obligatoires : la commission des soins et la commission médicale d’établissement. La direction doit aussi signaler à l’Agence régionale de santé (ARS), la mise en place du protocole. Des indicateurs de suivi doivent être transmis une fois par an à l’ARS, ainsi que tout événement grave indésirable. L’ARS a la possibilité de stopper le protocole de coopération local. Le comité de coopération interprofessionnelle a la possibilité de proposer à l’HAS et aux membres gouvernementaux décisionnaires précédemment cités la migration en protocole national.   Au Centre hospitalier du Mans La mise en place d’un protocole local de coopération au CH du Mans visait à réduire les délais d’attente à l’implantation de ces dispositifs implantables. Nous étions confrontés à trois constats. • Le premier, une démographie de cardiologues en Sarthe faible, environ 5,1 pour 100 000 habitants contre une moyenne nationale de 11,1 / 100 000(6). • Le deuxième, une hausse des demandes d’implantation de plus de 80 % notamment en lien avec la recherche de fibrillation atriale a posteriori d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Le but étant alors d’adapter un traitement anticoagulant efficace pour les patients et éviter une récidive. • Enfin, ce geste réalisé jusqu’alors par des cardiologues avait un taux de complication très faible (moins de 1 %)(7). Après des échanges en équipe en 2021 sur la délégation, nous avons trouvé des exemples d’implantation de moniteurs cardiaques implantables par des paramédicaux notamment au Royaume-Uni(8). Leurs études ont démontré que la branche des patients implantés par les paramédicaux était aussi sécuritaire que la branche médicale. De nombreux autres centres ont mis en place ces délégations, en Nouvelle-Zélande(9), en Italie, en Espagne, etc. En même temps, nous découvrions l’existence des protocoles locaux de coopération. Débutait alors la partie rédactionnelle du protocole et de ses nombreuses annexes. Avec le Dr Mathieu Amelot, rythmologue, nous avons rédigé le protocole en utilisant la grille d’élaboration proposée en ligne. Ensuite, nos hiérarchies paramédicales et notre direction des soins nous ont aidé à rendre conforme le protocole au moyen de la check-list de conformité des protocoles locaux(5). Un travail de refonte du futur circuit patient a été effectué. Aucune zone d’ombre n’a été laissée dans le cadre du protocole. Nous avons ensuite présenté le protocole aux commissions obligatoires et avons obtenu leur approbation. Enfin, après un passage par la direction financière et la direction des soins, le directeur général de l’établissement a validé fin avril le protocole et par sa signature a autorisé sa mise en place au sein de son établissement.   Une période de formation Entièrement pensée, rédigée et listée dans le protocole, cette formation a ensuite débuté. Tout d’abord une partie théorique délivrée par le Dr Amelot, comportant des rappels d’asepsie et d’hygiène, l’anesthésie locale avec de la pharmacologie et la méthode d’injection. Ont également été passés en revue les différents moniteurs cardiaques implantables (3 à l'heure actuelle sur le marché français) avec leur système d’insertion ainsi que les différentes méthodes de suture cutanée (fil, agrafes, strips, colle cutanée).   Une partie pratique Il s’agissait de décomposer et assimiler les mêmes étapes et de recevoir une formation complémentaire délivrée par trois sociétés (Abbott, Biotronik et Medtronic) afin de maîtriser le fonctionnement et réglages des prothèses. Nous avons observé cinq procédures effectuées par un rythmologue délégant et implanté chacun 10 patients en présence d’un médecin délégant qui pouvait intervenir à tout moment si besoin. Puis est arrivé le jour J tant attendu : implanter les patients en solo aux consultations de cardiologie (figure 4).   Figure 4. Photographie de la salle de consultation, lieu des implantations par les paramédicaux.   Un nouveau parcours patient Il nous a permis de créer un temps dédié à raison d’une demi-journée hebdomadaire. Les implantations ont lieu dans une salle de consultation de cardiologie. Nous implantons pour le moment 4 dispositifs par vacation. Auparavant, les prothèses étaient implantées par les rythmologues très souvent entre deux actes interventionnels. Aujourd’hui, leur journée au plateau technique est moins entrecoupée qu’auparavant. Pendant que nous implantons les dispositifs, le médecin délégant est présent dans une autre salle pour réaliser des consultations. Il peut ainsi à tout moment être présent en cas de recours définis dans le protocole.   LES POINTS CLÉS   L’application d’un protocole de coopération est avant tout une solide connaissance de la situation à déléguer, nécessitant un rapport de confiance entre les professionnels, une grande rigueur dans l’application des gestes mais aussi des conditions prévues dans le protocole, notamment les cas de recours au médecin délégant. En tant qu’infirmier de cardiologie interventionnelle, nous sommes heureux de permettre aux patients sarthois un meilleur accès aux soins. Nous sommes fiers de cette montée de compétences. Avec mon collègue Kévin, nous sommes heureux d'être pionniers dans l'implantation de moniteur cardiaque Implantable et d’avoir ouvert la voie à de nombreux autres centres.   CONCLUSION   D’autres actes de cardiologie interventionnelle, comme la ponction radiale et l'insertion de l'introducteur, pourraient être délégués dès lors qu’ils améliorent les parcours de soins des patients, et qu’ils garantissent aux patients un niveau d’exigence et de qualité suffisant. Les protocoles de coopération assurent l’exercice dans un cadre légal. Demeure la question d’une spécialisation reconnue et valorisée de notre pratique interventionnelle. Nous espérons que ce protocole essaimera ailleurs en France et que d’autres équipes l’adapteront à leur pratique future.   Validation du protocole de sertissage des valves lors d’un TAVI au CHU de Grenoble Nathalie LATTARICO, MERM, CHU de Grenoble   La naissance du TAVI a été un tournant capital dans l’histoire de la cardiologie interventionnelle avec un potentiel explosif qui est encore loin d’avoir atteint ses limites. Il s’agit d’une technique pouvant être appliquée largement, répondant à un besoin clinique réel dans un contexte de pathologie fréquente touchant une population le plus souvent âgée. La nécessité de deux cardiologues interventionnels présents lors de la procédure a suscité l’engagement des équipes paramédicales pour le sertissage des valves. Il s’agit d’un acte médical, et à ce titre l’ensemble de l’équipe médicale et paramédicale du CHU de Grenoble a décidé de monter un projet de protocole de coopération, entraînant une délégation de tâche qui consiste à la préparation de la bioprothèse valvulaire aortique appelée « sertissage » pour la réalisation du TAVI (photo).   Photo. Sertissage de la valve lors d’un TAVI.   Nous avons souhaité formaliser cette délégation de tâche par un protocole de coopération entre, d’une part, les cardiologues interventionnels et, d’autre part, les paramédicaux de l'unité de cardiologie interventionnelle, aussi bien les manipulateurs radio que les IDE, préparant ces dispositifs. Les objectifs et les bénéfices ont été démontrés pour le patient, avec une prise en charge plus rapide, pour les délégants, avec une libération de temps médical au profit de l’évaluation et de la mise en place du TAVI, et pour les délégués un développement de compétences et expertises ainsi qu'une valorisation de leur rôle de soignant. Ce protocole de coopération est local, approuvé par la direction générale du CHU de Grenoble et donc approuvé par l’ARS régionale en juin 2023 et en application le 1er juillet 2023. Quant à sa validation à un niveau national, ce qui impliquerai que l’ensemble des centres TAVI pourrait s’appuyer sur notre protocole, il est toujours en étude au sein de la Direction générale de l'offre de soins (DGOS). La validation de ce protocole par l’ARS RhôneAlpes est une première, et nous en sommes fiers. À ce jour, plusieurs centres TAVI nous ont contacté, démontrant l’intérêt des équipes pour faire valider leur protocole dans leur établissement.

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