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Carte postale

Publié le 30 nov 2008Lecture 5 min

L’unité de cathétérisme de l’Hôpital Mont Liban

A. AOUN, Beyrouth

« Alea jacta est » ma décision est prise ! Au bout de 18 années passées dans mon pays d’adoption, la France, je rentre à Beyrouth au Liban pour m’installer en tant que cardiologue interventionnel. 

  Après les études médicales, l’internat des hôpitaux de Paris, 2 années de clinicat à l’hôpital Broussais et 1 année à Toulouse dans le service du Pr Marco, je me décide enfin à couper le cordon ombilical avec l’Assistance publique et à sortir du cocon parisien, pour me lancer dans les sables mouvants de la cardiologie privée avec un grand P, au pays natal.  Le plaisir de rentrer au bercail a été rapidement effacé par la crainte et les soucis de mon installation. Le temps d’investir dans un appareil ECG portable (indispensable outil !), d’imprimer les cartes de visite, de trouver une polyclinique pour les consultations, me voilà, CV en main, faisant la tournée des hôpitaux pour un éventuel poste à temps plein.  Monter la cardiologie interventionnelle…  Heureusement, j’ai eu la chance de commencer dans un nouvel hôpital flambant neuf – l’hôpital Mont Liban, à la périphérie de Beyrouth – qui plus est très bien équipé avec une rutilante salle de cathétérisme Siemens. Animé d’une énergie et d’un enthousiasme inégalés, je commence à mettre en place en mars 1999 le programme de cardiologie interventionnelle dans les règles de l’art, avec une équipe de collègues pour la plupart formés en France. Notre mission consiste à former le personnel au cathétérisme, à écrire les protocoles de prise en charge des malades (des urgences aux soins intensifs ou au laboratoire d’hémodynamique) et à commander le matériel de cathétérisme (sondes diagnostiques, pacemaker temporaire, ballon de contre-pulsion intra-aortique, produits de contraste, etc).  Après des coronarographies réalisées sans problèmes notables, la mission la plus difficile est de convaincre la direction de pratiquer l’angioplastie coronaire élective notamment dans les syndromes coronaires aigus à la phase aiguë d’infarctus, et cela sans le fameux « back up » chirurgical.  Après une longue série de conférences vantant les stents comme le moyen le plus sûr et le plus efficace, preuves scientifiques à l’appui, de la reperfusion coronaire, j’obtiens gain de cause mais sans droit à l’erreur. Je réalise la première angioplastie (à haut risque je dois dire) sur le segment II d’une coronaire droite de 4 mm avec une crosse de berger au segment I et… un seul guide coronaire disponible au laboratoire (il avait intérêt à franchir !) et un seul porteur JR4 ! Hardi mais non téméraire ! Ouf, le résultat est bon. J’ai omis de dire que la droite en question reprenait une IVA occluse, que le territoire antérieur était non viable et que la FE globale était estimée à l’échographie à 30 % seulement…  Je sens la présence de mes anges gardiens français et de tous ceux qui ont participé de près ou de loin à ma formation ; la liste est longue. Je leur dois beaucoup. Ils me manquent.    D’innombrables difficultés  C’est avec ahurissement que j’ai découvert la difficulté de s’approvisionner en matériel auprès des fournisseurs (notamment pour la voie radiale), la complexité des accords préalables des tiers payants pour obtenir le feu vert pour commencer les procédures, la responsabilité de réaliser un geste vital en urgence, la nuit, sans savoir s’il allait être pris en charge le lendemain, etc. Sans parler de la paperasserie administrative handicapante et les mauvaises conditions socioéconomiques d’une population sortie d’une longue guerre civile rendant quelquefois douloureux le règlement de la facture d’une technique si coûteuse…    Aujourd’hui, un peu plus de 10 ans après mon retour, le paysage de la cardiologie interventionnelle a sensiblement évolué dans le secteur public, mais aussi et surtout dans le secteur privé.  Cela reste encore insuffisant pour la prise en charge de cette pathologie coronaire, qui est aussi devenue chez nous la première cause de mortalité (30 %). Il faudra bien sûr poursuivre la formation des angioplasticiens afin de renforcer les équipes existantes, multiplier les centres d’exploration à travers le territoire, améliorer la prise en charge de l’urgence coronaire (l’angioplastie primaire étant peu développée) ceci en plus, évidemment, des actions menées en amont, dans le domaine de la prévention.  Une équipe 24h/24  Progressivement, et cela grâce au dévouement d’une équipe d’infirmières fabuleuses, à la disponibilité des techniciens radio exceptionnels, au soutien d’une administration compréhensive et entreprenante et au travail d’équipe consciencieux des collègues rendant possible la prise en charge 24 h sur 24 de l’angioplastie directe dans l’infarctus aigu (et dans des délais, by the book !), nous avons réussi au fil des années à nous faire une place.  Malgré pas moins de huit salles de cathétérisme dans un rayon de 2 km, notre activité a augmenté en volume et qualité, grâce à la chirurgie cardiaque, l’électrophysiologie, la médecine nucléaire, et un plateau technique complet mis à notre disposition. L’apparition des prothèses actives, malgré leur coût rédhibitoire, a modifié quelque peu nos indications même si la chirurgie reste d’actualité dans les cas complexes.    Notre évolution grandissante a été tout de même émaillée par des manifestations énormes en 2005 paralysant tout déplacement dans le pays, la guerre de 2006, les bombardements, et récemment, un début de guerre civile dont nous n’avons pas encore fini de colmater les conséquences.   Inutile de vous rappeler la légende de ce phénix qui renaît de ses cendres, mais tel est notre destin. Les défis nous font avancer dans la vie et notre quotidien est loin d’être un long fleuve tranquille. Je ne vous cache pas que de temps à autre ma douce France me manque…  Comme disait Baudelaire « Bien qu’on ait du cœur à l’ouvrage, l’art est long et le temps est court ».

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