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Training

Publié le 15 juin 2017Lecture 8 min

Double ulnaire pour double mammaire !

Alexandre GAUTIER, Elodie BLICQ, Jean-Louis GEORGES, Bernard LIVAREK, service de cardiologie, Centre Hospitalier de Versailles ; Hôpital André Mignot, Le Chesnay

Le choix de la voie d’abord optimale pour le contrôle angiographique des pontages aortocoronariens (PAC) et des coronaires natives n’est pas toujours simple, surtout si les deux artères mammaires internes ont été utilisées, si le compte rendu opératoire n’est pas immédiatement disponible, et a fortiori si certains abords artériels sont impossibles. Le cas clinique suivant illustre cette situation mixte, finalement assez fréquente, et nous permet de discuter quelles sont la ou les voies d’abord optimales, et les techniques qui permettent un examen complet des deux greffons mammaires et du réseau coronaire natif en limitant au maximum le nombre d’abords artériels,le temps d’examen et d’exposition aux rayons X.

Cas clinique Madame X, âgée de 63 ans, diabétique de type 2, traitée par antidiabétiques oraux, hypertendue et obèse (IMC à 33), nous est adressée pour une nouvelle coronarographie en raison d’une récidive d’angor d’effort typique persistant sous traitement médical. Une scintigraphie d’effort est non contributive, négative mais sous-maximale à 60 % de la fréquence maximale théorique. La patiente a déjà eu 3 coronarographies au cours des 2 années précédentes, les deux premières suivies d’angioplasties avec stents actifs sur l’interventriculaire antérieure moyenne (IVA2) puis la coronaire droite moyenne (CD2), la troisième conduisant à proposer un double PAC mammaire interne gauche-IVA (resténose diffuse intrastent actif) et mammaire interne droite-marginale gauche (progression de lésion). Rapidement, la question de la voie d’abord optimale se pose pour ce nouveau contrôle angiographique des coronaires natives et des deux pontages. Si les deux premières coronarographies et angioplasties ont été réalisées par voie radiale droite puis gauche (échec à droite), la troisième coronarographie qui a conduit au pontage a dû être réalisée par voie fémorale en raison d’un échec des deux voies radiales lié à un vasospasme bilatéral important. De plus, cette 3e coronarographie s’est compliquée d’un hématome important du scarpa responsable d’un choc hémorragique et a nécessité une compression prolongée (Fémostop®), ainsi qu’une transfusion, sans chirurgie d’hémostase. L’évaluation par coroscanner des PAC s’avère impossible en raison d’une attaque de panique de la patiente au moment de l’examen et d’une tachycardie rédhibitoire. Après prise en compte des dif férentes voies d’abord utilisées lors des précédents examens et en l’absence du compte rendu opératoire précisant le montage des greffons mammaires, nous optons pour un contrôle du réseau natif et des deux greffons par voie ulnaire bilatérale. L’examen est débuté par voie ulnaire droite, qui permet le contrôle du réseau natif (figure 1, A et B) ainsi que du greffon mammaire droit, occlus à son tiers supérieur (figure 1 C). Il ne s’avère pas possible de cathétériser la mammaire gauche par voie ulnaire droite en raison de boucles du tronc artériel brachiocéphalique (TABC ; figure 2). L’abord complémentaire ulnaire gauche (figure 3) permet d’opacifier le greffon mammaire interne gauche pédiculé (figure 4), qui est normal. L’IVA d’aval est pathologique avec des sténoses étagées peu accessibles à une angioplastie. L’opacification de la mammaire gauche montre qu’il existait un montage en Y de la mammaire droite en greffon libre vers le réseau marginal, qui a involué (figure 4, flèche). Ceci explique a posteriori l’aspect de la mammaire interne droite, en fait ligaturée par le chirurgien à son segment moyen. Figure 1. Opacification par voie ulnaire droite. A : mammaire droite occluse ; B : coronaire gauche native : sténose serrée de la bifurcation IVA-diagonale ; C : coronaire droite irrégulière sans sténose. Figure 2. Échec d’opacification de la mammaire gauche par voie ulnaire droite : en raison de boucles du TABC, seule la carotide gauche est opacifiée. Figure 3. Accès ulnaire gauche. Figure 4. Opacification du greffon mammaire interne gauche par voie ulnaire gauche. Greffon mammaire interne gauche perméable, aval IVA pathologique. Involution du jambage mammaire droite en greffon libre à destinée marginale gauche (flèche). Ce montage est confirmé par le compte rendu opératoire récupéré ultérieurement… La connaissance du montage aurait permis de tout opacifier avec un seul abord ulnaire gauche. Au final, la lésion considérée comme responsable de l’angor est la sténose significative proximale de la seconde diagonale, qui est dilatée (figure 5) avec succès avec un stent actif XIENCE Alpine® (Abbott Vascular). L’angor ne récidive pas. Figure 5. Succès d’angioplastie de la première diagonale avec stent actif. Discussion Malgré le développement de la cardiologie interventionnelle, le recours à la revascularisation myocardique chirurgicale reste fréquent, avec un chiffre stable de 20 000 interventions de PAC par an en France (données OCDE 2011-2015). L’espérance de vie des coronariens pontés augmente, ainsi que leur risque d’événements ischémiques. Les coronarographistes sont donc régulièrement confrontés à des demandes de coronarographies chez des patients pontés, souvent âgés ou polyvasculaires, ayant eu souvent plusieurs coronarographies ou angioplasties coronaires. Ces coronarographies avec contrôle de PAC sont plus complexes, plus longues avec un temps de scopie souvent doublé(1). Le nombre et la nature des pontages ne sont pas toujours connus, ni le montage de certains pontages « tout artériel ». Aussi, le choix de la voie d’abord artérielle optimale est parfois difficile mais déterminant pour réaliser avec succès une opacification complète en minimisant le nombre d’abords artériels, le temps de scopie et le volume de contraste. La méthode simple est d’utiliser la voie fémorale La ponction est le plus souvent facile, cette voie permet un accès direct sans angulation aux ostia coronaires, à l’ensemble des greffons et aux deux artères mammaires, mais elle expose le patient à un risque de complications hémorragiques au point de ponction, qui sont loin d’être négligeables. Elles augmentent la durée d’hospitalisation, le nombre de transfusion et surtout la mortalité à 30 jours après angioplastie (OR : 14,2 ; IC 95 % : 9,95-20,3 ; p < 0,01) selon une revue de la Mayo Clinic de 1994 à 2005 sur 17 901 patients(2). L’amélioration de la sécurité des traitements antithrombotiques et du matériel (taille des introducteurs, ponction guidée par échographie, dispositifs de fermeture) font partie des stratégies de réduction du risque hémorragique, mais les données de la littérature concernant les dispositifs de fermeture artériels restent discordantes(3). Par ailleurs, dans cette population de coronariens pontés, il n’est pas rare d’avoir un antécédent de chirurgie vasculaire contre-indiquant ou compliquant sérieusement la voie artérielle fémorale. La voie radiale C’est la plus sûre en termes de réduction des complications vasculaires, de coût, de confort, de durée d’hospitalisation et de diminution de la mortalité dans le syndrome coronaire aigu (SCA)(4). Cette voie est aussi fiable que la voie fémorale pour l’étude du pontage mammaire homolatéral. Une méta-analyse de 2016(5) comparant les approches radiale et fémorale pour l’étude des PAC par coronarographie chez 2 763 patients, a montré un taux réduit de complications au point de ponction avec la voie radiale (OR : 0,46 ; IC95 % : 0,26-0,80 ; p = 0,006) mais une fréquence plus élevée de changement de voie d’abord per-procédure (OR : 7,0 ; IC95 % : 2,74-17,87 ; p = 0,0001). Aucune différence n’a été trouvée pour le taux d’échec, le temps de procédure, le temps de scopie et le volume de produit de contraste. Cependant, certaines données de la littérature rapportent une exposition aux rayons et une utilisation plus importante de produit de contraste iodé lors d’une évaluation angiographique de PAC par voie radiale, ce qui se concoit volontiers dans les cas où l’anatomie des pontages n’est pas connue. Chez ces patients, nous avons montré l’intérêt de réaliser un scanner coronaire systématique de première intention, qui permet de réduire très significativement l’exposition aux rayons et la quantité de produit de contraste utilisé durant la coronarographie, lorsque celle-ci s’avère nécessaire en seconde intention, sans augmenter en moyenne la dose cumulée de rayons au patient(6). Cas des doubles pontages mammaires pédiculés Opacifier un greffon mammaire interne pédiculé par voie homolatérale est en général facile, avec une sonde dédiée (IM ou IM modifiée). Lorsqu’il faut opacifier les deux pédicules mammaires internes, trois solutions sont possibles : la voie fémorale dont nous avons vu les limites, le double abord radial (ou ulnaire comme dans notre observation), mais aussi un abord radial droit unique. L’opacification sélective d’un pontage de la mammaire interne gauche (MIG) en utilisant la voie radiale droite est techniquement faisable avec un taux de succès proche de 90 %(7) mais souvent difficile à cause de tortuosités et de calcifications du TABC ou de l’artère sous-clavière gauche ; ce qui a été le cas de notre observation. La technique de cannulation de l’artère mammaire interne gauche (AMIG) à partir de la voie radiale droite est relativement simple et utilise une sonde à forte courbure, par exemple extra backup (EBU 4 ou 3,5) positionnée dans l’aorte horizontale en regard du départ de la sous-clavière gauche, un guide 0,035’’ de 300 cm inséré le plus loin possible dans la sous-clavière puis l’artère brachiale gauche, sur lequel est montée une sonde pour mammaire interne (figure 6). Cette technique a également été décrite en utilisant une sonde Optitorque® TIG (Terumo) ou Simmons Sidewilder-1 et un guide hydrophile avancé par l’artère sous-clavière gauche jusque dans l’artère ulnaire gauche(6). Figure 6. Opacification sélective d’un greffon mammaire interne gauche par voie radiale droite, avec utilisation d’une sonde diagnostique 5 F EBU 4,0 (A), d’un guide d’échange 0,035’’ de 300 cm (B), puis d’une sonde IM modifiée (C et D). Une astuce technique est de faire fléchir l’articulation du coude gauche du patient ou gonfler un brassard de pression artérielle pour piéger le guide dans la fosse cubitale gauche et empêcher son prolapsus dans l’aorte lors de l’échange des sondes. La voie ulnaire, alternative à la voie radiale Les résultats d’études comparant la voie radiale à la voie ulnaire chez 2 744 patients devant avoir une coronarographie, associée ou non à une angioplastie, ont été regroupés dans une métaanalyse publiée en 2015(9). Il n’y avait pas de différence entre les 2 voies pour les événements cardiovasculaires majeurs, les complications au point de ponction, la durée de procédure, de scopie ou le volume de produit de contraste. En revanche, le taux de conversion (cross-over) était plus élevé (RR = 2,3 ; IC95 % : 1,07-4,98 ; p = 0,003) et la courbe d’apprentissage plus lente pour la voie ulnaire. En cas d’échec de ponction radiale, la voie ulnaire est une alternative fiable à la voie radiale, avec les mêmes avantages et les mêmes possibilités de pratiquer l’artériectomie rotative(10), ou de traitement des lésions de bifurcations(11). Les limites de son utilisation sont la courbe d’apprentissage, une ponction exigeante due à sa position anatomique plus profonde et le risque théorique de thrombose ulnaire.  Conclusion  La présence d’un pontage aortocoronarien mammaire interne gauche, ou double mammaire pédiculé, ne doit pas faire exclure un abord radial droit. L’étude du pontage controlatéral est possible avec de l’expérience et quelques astuces techniques. La voie ulnaire est aussi fiable et sûre que la voie radiale, y compris pour les procédures d’angioplastie complexes, mais comporte un taux de cross-over plus important et nécessite une courbe d’apprentissage plus longue. Les auteurs n’ont pas de conflit d’intérêt à déclarer concernant cet article 

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