R. CADOR, Clinique Bizet, Paris
Cas clinique
Un homme de 63 ans est vu pour un bilan coronarographique d’une extrasystolie ventriculaire. Il s’agit d’un patient hypertendu sévère sous quadrithérapie finalement peu symptomatique. Il décrit des sensations de palpitations qui l’ont amené à consulter. Le bilan a retrouvé sur l’ECG de très nombreuses ESV monomorphes à type de retard droit axe gauche. L’épreuve d’effort est négative cliniquement, litigieuse électriquement mais surtout retrouve une nette majoration des ses ESV en récupération.
Devant cette extrasystolie ventriculaire sévère avec des critères de gravité survenant de surcroît chez un patient traité par bêtabloquants, la coronarographie paraît légitime.
Cet examen est effectué par voie radiale gauche. Il retrouve deux lésions intermédiaires de l’IVA moyenne dans ses parties proximale et distale, une sténose très serrée de la première marginale de petit calibre mais importante fonctionnellement (photo 1) et une coronaire droite sans lésion significative.
Il est alors décidé de réaliser une angioplastie ad hoc de la marginale et une évaluation de l’IVA par FFR.
Photo 1. Réseau coronaire gauche avec sténose très serrée de la partie proximale de la première marginale.
Le cathéter utilisé est un EBU 3,75. Le cathétérisme s’avère délicat du fait d’un tronc commun très court avec une tendance à une intubation sélective dans l’IVA. Sinon la procédure se déroule sans problème particulier permettant d’obtenir un très beau résultat final après l’implantation d’un stent actif (photo 2).
Photo 2. Résultat après stent actif sur la marginale, guide en place.
Une dernière incidence est réalisée pour un contrôle sans guide, ce dernier étant cependant volontairement laissé dans la circonflexe proximale pour stabiliser l’appui. Le cathéter est alors en position un peu ascendante, en regard de l’insertion du tronc commun dans l’aorte. Cette dernière se complique d’une brutale dissection du culot aortique révélée par un tatouage brutal rétrograde sur l’aorte et antérograde sur l’IVA (photo 3).
Photo 3. Apparition d’une dissection rétrograde sur l’aorte.
Le guide est alors immédiatement repositionné dans la distalité de la circonflexe mais une fibrillation ventriculaire survient. Cette dernière est traitée avec succès par un CEE mais le réveil « brutal » du patient extube la totalité du matériel.
Le patient à son réveil est strictement asymptomatique et son ECG est normal. Il le restera pendant près de 10 minutes de surveillance. Le tatouage aortique paraît alors tout à fait stable.
Un contrôle coronarographique très prudent est alors réalisé permettant de confirmer la bonne impression clinique avec un réseau gauche perméable et non disséqué. Il existe cependant un volumineux hématome de paroi en regard de l’IVA proximale et moyenne réduisant de manière uniforme son calibre (photo 4).
Photo 4. Hématome de paroi de l’IVA mais coronaires perméables sans dissection.
La crainte de dégrader le résultat en repoussant cet hématome de paroi, l’absence de dissection coronaire, les caractéristiques anatomiques du tronc commun et l’excellente tolérance ECG justifient alors de ne pas implanter de stent en regard du point d’entrée de la dissection, traitement habituel de ce type de consultation.
Le patient est alors immédiatement transféré pour un scanner coronaire qui retrouve sur les images avant injection de contraste le tatouage du sinus antéro-gauche, du tronc commun et de l’IVA (photo 5). Après injection, le scanner confirme l’hématome du sinus antérogauche assez limité mais frôlant le tronc commun qui paraît légèrement hétérogène. Le faux chenal ne paraît pas alimenté (photo 6). Les reconstructions sur l’IVA et la circonflexe sont cependant rassurantes (photo 7).
Photo 5. Contrôle scanner avant injection montrant le tatouage d’iode sur l’aorte et l’IVA.
Photo 6. Contrôle scanner objectivant l’hématome non circulant de la paroi du sinus antéro-gauche au ras du tronc commun.
Photos 7A et 7B. Reconstruction par scanner de la circonflexe et de l’IVA montrant des artères perméables sans dissection ni sténose serrée, notamment en regard du tronc commun.
Alors que le patient arrive en Usic (soit 30 minutes après la dissection), il présente une douleur thoracique associée à une onde de Pardee en antérieur et un miroir en inférieur qui nous fait immédiatement regretter notre attitude attentiste. Une échographie cardiaque faite au lit retrouve une akinésie antéro-apicale et une cinétique normale en latéral laissant plutôt supposer une souffrance de l’IVA que du tronc commun.
Alors qu’une âpre discussion s’engage entre un traitement chirurgical et une reprise pour angioplastie, la douleur disparaît totalement 10 minutes plus tard. L’ECG se normalise tout comme l’échographie.
L’évolution nous fait retenir le diagnostic d’hématome compressif de l’IVA ou de spasme surajouté et il est décidé de se limiter à un traitement médical avec notamment des vasodilatateurs et stand bychirurgical. L’évolution est finalement favorable sans récidive douloureuse ni modifications de l’ECG. Le scanner de contrôle réalisé 48 h plus tard montre une nette régression de l’hématome aortique et des coronaires indemnes de lésion.