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Polémique

Publié le 30 sep 2015Lecture 6 min

Reste-t-il une place pour la resynchronisation en cas de bloc de branche droit ?

S. PLOUX, CHU Bordeaux et Institut Liryc, Bordeaux

Environ 10 % des patients randomisés dans les grands essais de validation de la thérapie de resynchronisation cardiaque présentaient un bloc de branche droit (BBD)(1). À ce jour aucune étude randomisée n’a spécifiquement évalué l’efficacité de cette stimulation cardiaque en cas de BBD. Les données d’études en sous-groupes et les métaanalyses des grands essais concordent sur l’absence d’efficacité de la stimulation biventriculaire (BIV) dans cette population. Nous verrons quelles en sont les bases physiologiques. Nous terminerons sur les perspectives de recherche dans le cadre de la stimulation du BBD.

Les données des études Plusieurs études non randomisées ont mis en évidence une mortalité plus importante chez les patients resynchronisés avec BBD en comparaison de ceux avec bloc de branche gauche (BBG)(2–4). L’absence de groupe contrôle dans ces études ne permet cependant pas d’évaluer correctement l’efficacité du traitement (possible sur-risque intrinsèque des cardiopathies avec BBD). Une première sous-étude des essais MIRACLE et CONTAK CD a montré que comparativement au groupe contrôle (n = 27), chez les patients avec BDD (n = 34) les critères objectifs de jugement à 6 mois – qualité de vie, test de marche de 6 minutes, pic de VO2 max et FE – n’étaient pas améliorés(5). Dans l’étude MADITCRT, les patients présentant un BBG (n = 1 281) avaient une réduction de 53 % du critère combiné insuffisance cardiaque-décès (HR = 0,47 ; p < 0,001), alors que ceux avec BBD (n = 228) avaient un risque comparable au groupe contrôle (HR = 0,99 ; p=0,97)(6). Dans l’étude RAFT, la stimulation BIV avait un effet neutre sur les patients avec BBD (n = 161)(7). Dans une métaanalyse de 5 essais randomisés (n = 3 782), le BBD n’apparaissait pas comme facteur prédictif de réponse à la stimulation BIV en termes de réduction des décès et de délai de survenue d’une hospitalisation pour insuffisance cardiaque : HR = 0,94 (IC95 % : 0,65- 1,37). En analyse multivariée, de façon surprenante, seule la durée du QRS était significativement associée à la réponse(8). Une autre métaanalyse réalisée sur 5 356 patients provenant de 4 essais randomisés a mis en évidence une absence d’efficacité de la stimulation BIV à réduire un critère composite de décès et hospitalisations chez les patients présentant un BBD (RR = 1,19 ; IC95 % : 0,87–1,63 ; p=0,28)(9). Effet de la stimulation BIV sur le BBD Dans le BBD, le versant gauche du septum est initialement activé par la branche hisienne gauche. Cette primo-activation va se propager rapidement à l’ensemble du VG, tandis qu’elle est ralentie dans sa progression transeptale d’environ 50 à 70 ms(1). L’activation du ventricule droit (VD) s’effectue ensuite sur un mode musculaire pour rejoindre la paroi latérale et la chambre de chasse du VD. Le retard d’activation acquis dans le septum permet une activation quasi complète du ventricule gauche (VG) avant le VD. Cette séquence d’activation est illustrée par la figure qui représente les cartes d’activation épicardiques obtenues par électrocardiographie non invasive (CardioInsight Technologies™), en rythme spontané (RS), puis en stimulation biventriculaire (BIV), d’un patient présentant une cardiopathie ischémique avec BBD. Il en résulte un temps total d’activation VG court (42 ms) et un différentiel d’activation gauche-droit négatif (VEU : différence entre le temps d’activation moyen VG et le temps d’activation moyen VD = -48 ms). Figure. Cartes d’activation électrocardiographiques correspondant à une activation intrinsèque de BBD et de stimulation BIV chez un patient présentant une altération de la FEVG d’origine ischémique. (RS, rythme sinusal. BIV : stimulation BIV. AP : vue antéro-postérieure. OAG : vue oblique antérieure gauche. LAT : vue latérale gauche. Etoiles : emplacement des sondes, VD (bleue) et VG (blanche)). Nous avons récemment démontré que le BBG se caractérise à l’inverse par un prolongement du temps d’activation VG (≈ 115 ms) et un allongement du VEU (≈ 75 ms)(10). Un VEU > 50 ms était dans cette étude le meilleur prédicteur de réponse clinique à la stimulation BIV. Dans notre figure, l’application d’une stimulation BIV (sonde apicale VD, postéro-latérale VG) va rétablir une activation synchrone des deux ventricules (VEU = 4 ms), au prix d’un allongement considérable du temps d’activation VG (88 ms), avec induction d’un retard d’activation baso-latéral. Ce résultat n’est pas sans rappeler l’effet d’induction d’asynchronisme de la stimulation BIV sur les QRS fins(11). Sur le plan de la mécanique cardiaque, les études animales et humaines montrent que les index d’asynchronisme, quels qu’ils soient, sont largement plus élevés en cas de BBG que de BBD. En fait, le BBD n’induit pas d’asynchronisme de contraction interventriculaire et pas (ou très peu) d’asynchronisme intraventriculaire gauche. Sur un modèle porcin de cardiopathie rythmique avec BBD, M.J. Byrne et al. ont démontré que l’asynchronisme VG mesuré par l’index CURE (dérivé du strain circonférentiel IRM) dans le groupe BBD, était similaire au groupe contrôle (0,8 ± 0,03 vs 0,97 ± 0,01), alors que cet index était significativement abaissé dans le groupe BBG (0,58 ± 0,09)(12). H. Hara et al. ont comparé l’asynchronisme échocardiographique des patients avec BBG (n = 128) et BBD (n = 45). Les patients avec BBD présentaient en moyenne un délai pré-éjectionnel aortique de 131 ± 33 ms contre 156 ± 32 ms pour les BBG (asynchronisme défini si > 140 ms), un délai interventriculaire mécanique de -3 ± 42 ms contre 46 ± 22 ms pour les BBG (asynchronisme si > 40 ms) et une différence antéro-postérieure au pic de strain radial de 130 ± 93 ms contre 257 ± 112 ms pour les BBG (asynchronisme si > 130 ms)(3). Dans l’étude animale de Byrne, la stimulation BIV n’entrainait pas de modification significative de l’index CURE, mais une augmentation de la dP/dtmax VG de 5,5 ± 1,1 % (p = 0,001) ainsi qu’une amélioration de la FEVD (+55 ± 13 %). Il est intéressant de noter que dans cette étude, la stimulation mono VD améliorait la dP/dtmax VG et la FEVD dans les mêmes proportions que la stimulation BIV. J. Lumens et al. ont récemment montré in silico sur un modèle de BBD et insuffisance VG, que la stimulation BIV n’avait d’effet ni sur les FEVG, FEVD ni sur le volume d’éjection VG(1). Perspectives À la lumière des données exposées cidessus, il paraît illogique de proposer une stimulation BIV en présence d’un BBD isolé et d’une altération de la fonction VG. Certains auteurs recommandent néanmoins d’effectuer une recherche d’asynchronisme VG associé au BBD. Sur le plan électrique, le BBD peut être associé à un hémibloc gauche. Néanmoins la sous-étude de MADITCRT ayant analysé le devenir de patients resynchronisés présentant un BBD avec (n = 80) ou sans (n = 52) hémibloc antérieur gauche, conclut au même taux de décès ou insuffisance cardiaque à 3 ans dans les deux groupes (22 et 21 % respectivement contre 20 % pour le groupe contrôle ; p = NS)(13). Des anomalies de la conduction VG plus complexes pourraient être responsables d’un certain degré d’asynchronisme mécanique VG, et ce d’autant que les insuffisants cardiaques avec BBD ont plus volontiers une cardiopathie ischémique sous-jacente(14). L’intérêt de la stimulation BIV dans ce contexte reste à démontrer. Enfin, à la lumière d’une nouvelle analyse en sous-groupe de MADIT-CRT, il semble que les patients sans bloc gauche (y compris les BBD) puissent tirer bénéfice de la stimulation BIV lorsqu’ils présentent un allongement de l’espace PR (> 230 ms)(15). Conclusion  En l’absence d’étude randomisée dédiée, il n’est pas possible de conclure à l’(in)efficacité de la stimulation BIV dans le cadre du BBD. Compte tenu de la concordance des analyses en sous-groupe et des métaanalyses sur la faible probabilité de réponse de ces patients, la pertinence d’un tel essai paraît faible. En raison du pronostic très défavorable de l’association insuffisance cardiaque et BBD, les recherches doivent se poursuivre afin de caractériser au mieux les critères d’asynchronisme (AV, VV, intraV) associés qui pourraient légitimer une thérapie de stimulation.  

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