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Mise au point

Publié le 30 sep 2012Lecture 7 min

L’ablation dans les cardiopathies congénitales : quelles particularités ?

N. COMBES, F. HEITZ, J.-F. QUEDREUX, L. SIDOBRE, O. VAHDAT, P. CHAMBRAN, pôle de cardiologie pédiatrique et congénitale adulte, Clinique Pasteur, Toulouse

Les cardiopathies congénitales architecturales représentent un ensemble très hétérogène de cardiopathies allant de cardiopathies simples comme les communications interatriales (CIA) isolées à des cardiopathies plus complexes comme les coeurs univentriculaires opérés. Les arythmies associées sont également diverses. Elles sont parfois primitives (exemple des voies accessoires associées à l’anomalie d’Ebstein ou aux doubles discordances). Ces arythmies sont principalement secondaires aux différentes cicatrices chirurgicales sources de réentrées.

L’amélioration globale de la prise en charge de ces patients au cours de 20 dernières années a pour conséquence une augmentation importante du nombre d’adultes atteints à traiter. Ces arythmies sont souvent mal tolérées avec une efficacité modeste des traitements antiarythmiques rendant l’ablation souvent nécessaire. La collaboration étroite au sein d’une équipe multidisciplinaire est l’élément primordial pour assurer le succès d’une stratégie globale, qui inclura la prise en charge rythmologique. Planification de la procédure d’ablation Ces interventions pouvant nécessiter plusieurs heures de procédures doivent être planifiées. Une évaluation précise de l’hémodynamique doit être réalisée afin de traiter une lésion hémodynamiquement sévère au préalable (sténose d’un conduit/d’une valve par cathétérisme interventionnel ou par chirurgie, optimisation du traitement médical). L’anatomie doit être clairement identifiée/précisée par imagerie avec la reconnaissance de shunts résiduels possiblement utiles pour accéder à certaines cavités, possiblement à risque d’accident embolique (shunt droit/gauche). Les comptes rendus opératoires du/des chirurgies sont recherchés afin de connaître les incisions chirurgicales, les anomalies anatomiques associées constatées (notamment au niveau des retours veineux systémiques). Un bilan des accès artériels et veineux doit être réalisé chez ces patients souvent « multicathétérisés » avec risque de thromboses notamment veineuses (figure 1). Une consultation d’anesthésie est préférable avec, en cas de procédure longue sur patients fragiles, une proposition d’anesthésie générale avec un anesthésiste réanimateur cardiaque expérimenté en cardiopathie congénitale.   Figure 1. Occlusion fémorale commune droite avec circulation collatérale.   Différents matériels doivent être disponibles : système de cartographie tridimensionnelle, matériel d’angiographie cavitaire et coronaire, gaines orientables, différentes courbures de cathéters souvent larges, cryothérapie pour certaines localisations à risque, échocardiographie transœsophagienne ou endovasculaire pour guider un cathétérisme difficile (transseptal ou transchenal), aiguilles transseptales de différents types avec possibilité de délivrer de la radiofréquence en cas de patch difficile à franchir(1). Les arythmies atriales Ce sont les plus fréquemment rencontrées, majoritairement sur des CIA isolées opérées. Les flutters communs dépendants de l’isthme cavo-tricuspidien sont majoritaires, accessibles à une ablation conventionnelle. Plus rarement des flutters cicatriciels péri-atriotomie (face latérale OD le plus souvent) peuvent survenir (figure 2), et plus rarement sur une cicatrice de canulation au niveau de l’auricule droit ou septal autour du patch de fermeture de CIA. Le principal écueil est ici la taille de la cavité qui peut être très importante.   Figure 2. Exemple de flutter sur CIA opérée. Zone très fragmentée en bordure de l’atriotomie droite (*) s’étendant sur 40 % du cycle de la tachycardie dont l’ensemble de l’activation était retrouvé dans l’oreillette droite. Arrêt de la tachycardie lors du tir sur cette zone. En cas d’anatomie anormale Il sera très important de repérer les voies de conduction auriculoventriculaire comme dans les canaux atrioventriculaires où le nœud AV est souvent déplacé en position inférieure et postérieure proche de l’isthme cavo-tricuspidien. En cas d’anomalie de situs cardiaque Une cartographie tridimensionnelle peut être très utile, possiblement complétée par une angiographie cavitaire afin de placer des repères anatomiques permettant l’analyse correcte de l’ensemble de la cavité. En cas de chenaux intra-atriaux Ces chenaux (montages de Mustard et de Senning) auront été réalisés le plus souvent anciennement pour palliation des transpositions des gros vaisseaux. Dans ce cas, l’accès aux circuits de tachycardies peut être complexe, notamment au niveau de l’isthme cavo-tricuspidien qui se retrouve dans ces montages souvent à cheval entre l’oreillette systémique et l’oreillette veineuse (figure 3). Ceci peut nécessiter un abord rétrograde artériel ou une ponction à travers le chenal(2).   Figure 3. Montage de Mustard avec flutter péritricuspidien. Noter l’isthme sur le versant veineux (flèche blanche) se continuant sur le versant systémique (flèche orange) nécessitant un double abord pour obtenir un bloc complet. En cas d’anastomose cavo-pulmonaire Dans ce cas (circulation de Fontan), l’accès à l’oreillette peut être impossible du fait d’un tube extracardiaque pouvant nécessiter une ponction directe transthoracique. Ce tube peut toutefois être fenestré et laisser passer un cathéter dans l’oreillette. Le plus souvent les anastomoses anciennes sont réalisées entre l’OD et le tronc de l’artère pulmonaire (AP) donnant un accès direct à une oreillette droite extrêmement dilatée, pouvant contenir du thrombus (à éliminer par imagerie) et source souvent de plusieurs circuits d’arythmies.   Le mapping de ces arythmies est facilité par une cartographie tridimensionnelle d’activation ou de substrat afin de repérer des isthmes potentiels(3). Au moindre doute on complétera par des entraînements avant ablation. L’ablation la moins extensive possible nous semble devoir être réalisée afin d’éviter tout effet proarythmique secondaire. Cette ablation peut parfois être difficile par des difficultés d’appui et d’obtention de lésion transmurale. La paroi de cette oreillette pathologique peut être parfois très épaisse (anastomoses OD-AP surtout, dans lesquelles elle peut atteindre jusqu’à 10 mm d’épaisseur). Une irrigation peut être nécessaire avec des puissances de 30 à 50 W en paroi libre. Une fois la tachycardie arrêtée, le bloc doit être validé, soit par un pacing différentiel si l’anatomie le permet, soit par une carte d’activation moins précise. Des tentatives de réinduction peuvent être réalisées. L’ablation ciblera, soit la tachycardie clinique seule, soit toutes les tachycardies organisées inductibles en fonction de la durée de la procédure et de sa complexité. Le taux de succès aigu est globalement satisfaisant entre 85 et 95 % selon les séries. Les récurrences ne sont pas rares à moyen terme entre 20 et 40 % après 2 ans nécessitant des procédures redux. Les complications sont plus fréquentes dans ce type d’ablation du fait de leur complexité et de leur longueur. En cas de cardiopathie complexe à risque hémodynamique, une surveillance invasive nous semble nécessaire avec un anesthésiste réanimateur spécialisé présent en salle, et une équipe de chirurgie cardiaque rompue aux cardiopathies congénitales disponible. Les arythmies ventriculaires En dehors des arythmies polymorphes secondaires à des altérations ventriculaires gauches ou droites très avancées, elles sont le plus souvent monomorphes, secondaires à des ventriculotomies. La tétralogie de Fallot opérée est le cas le plus souvent rencontré avec possible isthme critique autour du patch de CIV, autour de la cicatrice d’infundibulotomie ou de ventriculotomie anciennement(4). Les comptes rendus opératoires, voire une imagerie IRM sont utiles pour aider à la localisation de ces cicatrices pivots des arythmies. Un bilan de la cardiopathie avant la procédure permet de vérifier s’il n’y a pas d’indication de chirurgie hémodynamique sur la valve pulmonaire. Si une chirurgie est retenue, on pourra réaliser l’ablation pendant la chirurgie, permettant un accès plus facile aux zones cicatricielles. Cette ablation sera alors au mieux guidée par une cartographie préopératoire des TV inductibles avec recherche de leurs isthmes critiques en salle de rythmologie. Une cartographie tridimensionnelle avec localisation de ces zones de cicatrices en rythme sinusal permet de repérer les isthmes potentiels sur lesquels des entraînements ciblés sur les tachycardies déclenchées sont réalisés brièvement afin de ne pas trop détériorer l’hémodynamique (figure 4).   Figure 4. Large cicatrice infundibulaire VD (zone grise) sur patch d’élargissement de l’infundibulum sur ventricule droit à double issue. Circuit de tachycardie ventriculaire retrouvé sur la suture septale (flèches rouges). Des réinductions seront effectuées en fin de procédure avec pour objectif soit la non-inductibilité soit la non-réinduction de la tachycardie clinique en fonction du cas et de la durée de la procédure. Une élimination systématique de tous les potentiels tardifs endocavitaires peut aussi être proposée(5). De longues gaines sont le plus souvent nécessaires pour ces ventricules souvent très dilatés. Les résultats de ce type d’ablation sont bons avec peu de séries publiées. Le taux de succès aigu est entre 80 et 90 % avec un taux de récidive non négligeable devant faire proposer systématiquement un défibrillateur. Conclusion L’ablation des troubles du rythme sur cardiopathie congénitale, hormis les CIA simples opérées, nécessite une prise en charge multidisciplinaire dans un contexte de prise en charge globale de la cardiopathie. Une évaluation précise de cette dernière est fondamentale. Passés ces prérequis, avec beaucoup de patience et du bon matériel, les résultats sont satisfaisants avec une amélioration fonctionnelle des patients, mais de façon générale, il faut s’attendre à l’inattendu ! Restons alors particulièrement vigilants !

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