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Mise au point

Publié le 30 nov 2013Lecture 13 min

Ablation des TV postinfarctus

C. de CHILLOU(a-b), I. MAGNIN-POULL(a), M. ANDRONACHE(a), B. BREMBILLA-PERROT(a), E. ALIOT(a), a. CHU de Nancy, Vandœuvre-lès-Nancy, b. Inserm-IADI, U947, Vandœuvre-lès-Nancy

La plupart des tachycardies ventriculaires (TV) qui surviennent à la phase tardive d'un infarctus du myocarde correspondent à un mécanisme de macro-réentrée sous-endocardique(1-3).
Le but de cet article est de présenter, étape par étape, les aspects techniques issus de notre pratique quotidienne qui permettent de mettre en évidence les isthmes des TV postinfarctus. En ce qui concerne les recommandations de l'ablation des TV postinfarctus, nous invitons le lecteur à consulter le document consensuel de référence des sociétés européenne (EHRA) et américaine (HRS) de rythmologie(4)

Dans notre expérience, plus de 90 % des TV postinfarctus qui sont cartographiables sont en rapport avec ce mécanisme et les 10 % restants présentent un aspect de dépolarisation centrifuge à partir de ce qui apparaît comme un « foyer » sous-endocardique. Dans ce dernier cas, on peut être confronté à un véritable foyer sous-endocardique (sans que l’on puisse alors plus précisément déterminer s’il s’agit d’une micro-réentrée, d’une activité déclenchée ou d’un automatisme anormal), mais on peut également être face à une macro-réentrée sous-épicardique dont on observe le point de sortie sous-endocardique. Bien entendu, on peut s’interroger quant à l’extrapolation de ce mécanisme de macro-réentrée sous-endocardique très largement prépondérant à l’ensemble des TV post-infarctus que l’on ne peut pas cartographier en raison de leur mauvaise tolérance sur le plan hémodynamique (souvent parce qu’elles sont très rapides). La réponse est univoque : les données expérimentales(5) ainsi que celles issues des cartographies per - opératoires des TV rapides(6,7) plaident également en faveur de ce mécanisme. La présence d’une zone de conduction lente au sein d’un circuit de réentrée fait partie des prérequis « classiques » pour qu’une arythmie par réentrée puisse survenir. Cependant, la différence relative de la vitesse de propagation du front de dépolarisation myocardique dans cette zone peut être très ténue, voire inexistante, par rapport aux autres parties du circuit, notamment lorsqu’il s’agit d’un circuit de macro-réentrée très long comme c’est le cas, par exemple, pour le flutter atrial commun mais également pour les réentrées atrioventriculaires. En revanche, en ce qui concerne les circuits de TV post infarctus, la zone de conduction lente est toujours présente et se caractérise par une vitesse de propagation nettement plus lente par rapport aux autres portions du circuit. Cette zone de conduction lente, qui correspond à l’isthme protégé de la TV, est essentielle à la perpétuation du circuit de la macro-réentrée (figure 1).   Figure 1. Circuit de réentrée d’une TV chez un patient qui présente une séquelle d’infarctus antéroseptal : cartographie d’activation avec des isochrones de 10 ms mettant en évidence une réentrée septale avec une figure en forme de huit. La lenteur de la conduction au niveau de l’isthme est représentée par la ligne en zigzag.   Les limites latérales des isthmes des TV postinfarctus correspondent soit à une zone de bloc de conduction, soit à un obstacle anatomique (la valve mitrale) et, dans l’immense majorité des cas, la cartographie d’activation d’un circuit de macro-réentrée d’une TV postinfarctus aboutit à une représentation imagée sous l’aspect très classique d’une figure « en forme de huit » (figure 1). En moyenne, les isthmes des TV post - infarctus mesurent 16 ± 8 mm de large (valeurs extrêmes de 6 à 30 mm) et 31 ± 7 mm de long(8). Ils constituent la cible de l’ablation des TV postinfarctus dont l’objectif est de réaliser une ligne d’ablation perpendiculaire à l’axe de ces isthmes et reliant leurs deux limites latérales afin de créer un bloc de conduction pour empêcher qu’ils ne soient dorénavant traversés par un front de dépolarisation myocardique. Étape 1 : stimulation ventriculaire programmée (SVP) Il est important de pouvoir disposer d’une documentation — par un ECG 12 dérivations — de la TV (ou des TV) qui motive (nt) la procédure d’ablation. L’interprétation de l’ECG en TV va en effet nous orienter quant au site d’émergence de la zone de sortie de l’isthme de la TV. Cet ECG fait toutefois souvent défaut, notamment chez les patients équipés d’un défibrillateur implantable pour lesquels on ne dispose habituellement que du cycle de la TV mesuré et stocké dans la mémoire du défibrillateur. La stimulation ventriculaire programmée (SVP) a pour but d’induire une TV dont l’isthme va être considéré comme la cible de la procédure d’ablation. Ce raisonnement paraît approprié dès lors que l’on induit une TV clinique mais peut être critiquable dès lors que l’on déclenche une TV non clinique ou lorsque l’on ignore la morphologie de la TV clinique. Dans notre expérience, toutefois, cette limitation ne semble pas constituer un facteur pronostique péjoratif quant au succès clinique de la procédure dès lors qu’il n’est plus possible d’induire la moindre TV à l’issue de la procédure d’ablation. Après un protocole complet de SVP en deux sites au niveau du ventricule droit, on ne parvient parfois pas à déclencher une TV quelconque. Dans ces cas « rebelles », la répétition de la SVP au niveau du ventricule gauche, principalement au niveau de la zone de sortie de la TV, est souvent fort utile pour finalement parvenir à induire une TV. Une fois une TV induite, sa tolérance clinique nous dicte les étapes suivantes. En cas de TV bien tolérée sur le plan hémodynamique, il sera possible de réaliser une cartographie d’activation de la TV. Dans le cas contraire, il sera nécessaire d’interrompre rapidement la TV par burst ventriculaire (ou par une cardioversion électrique) et il faudra ensuite essayer de démasquer l’isthme de la TV en rythme sinusal ou bien d’entreprendre une ablation du substrat arythmogène, c’est-à-dire des électrogrammes (EGM) endocardiques anormaux. Étape 2 : reconstruction tridimensionnelle des cavités cardiaques Une des informations cruciales concernant l’ablation des TV postinfarctus concerne la localisation de l’isthme de la TV : celui-ci est toujours retrouvé en pleine zone d’infarctus. Cela se comprend aisément : il n’y a pas de zone de conduction lente dans un myocarde sain ! Comme cela a été démontré de façon remarquable par des confrontations histopathologiques et électrophysiologiques(3,9), il existe toujours des fibres myocardiques survivantes au sein d’un infarctus myocardique. Ces fibres, souvent très éparses, sont entourées d’un tissu fibreux qui est à l’origine du ralentissement de la conduction intraventriculaire et de l’enregistrement d’EGM fragmentés et de potentiels tardifs ventriculaires. La reconstruction tridimensionnelle du ventricule gauche (et éventuellement du ventricule droit) grâce à un système de cartographie 3D permet de délimiter de façon très satisfaisante la zone de l’infarctus. En effet, plusieurs études animales(10,11) et cliniques(12,13) ont permis de montrer qu’une cartographie de voltage est très pertinente pour identifier un zone d’infarctus caractérisée par des EGM endocavitaires bipolaires dont le voltage est inférieur ou égal à 1,5 mV. La zone d’intérêt (c’est-à-dire la zone où se trouve l’isthme de la TV) se trouvant dans cette zone de bas voltage, on pourrait penser qu’il serait suffisant de cartographier uniquement cette zone au détriment du myocarde non pathologique. Une reconstruction globale du ventricule gauche nous apparaît toutefois très utile à la fois pour identifier plus facilement les positions spatiales successives du cathéter d’ablation et pour connaître les zones anatomiques infarcies. L’IRM cardiaque est également capable d’identifier précisément une zone d’infarctus qui est identifiée par la persistance d’un rehaussement tardif après injection de gadolinium. Les systèmes 3D actuellement commercialisés permettent d’incorporer une image d’IRM 3D dans la reconstruction virtuelle des cavités cardiaques. L’intérêt en pratique clinique courante demande toutefois des évaluations cliniques complémentaires. Étape 3 : identification de l’isthme de la TV Par cartographie d’activation de la TV Lorsque cela est possible (autrement dit en cas de TV cliniquement bien tolérée), la réalisation d’une cartographie d’activation en TV est certainement la technique de choix pour identifier l’isthme d’une TV et ses limites latérales(8). Pour cette cartographie, la référence doit être choisie de préférence au niveau du pic d’un QRS de l’ECG de surface et la fenêtre d’intérêt divisée en deux parties égales de part et d’autre de cette référence avec une valeur totale (en millisecondes) correspondant au cycle de la TV moins 20 ms. Les EGM endocavitaires ayant une morphologie et une amplitude normales dans les zones saines, il est facile de suivre le front d’activation de la dépolarisation myocardique dans ces zones et jusqu’à une distance souvent assez proche (10-20 mm) du site de sortie de l’isthme de la TV. Dans la région de l’isthme de la TV (c’està- dire au niveau de l’isthme lui-même et 10 à 30 mm tout autour), les EGM enregistrés en TV sont habituellement très fragmentés et polyphasiques si bien qu’il est souvent difficile de choisir, parmi les différentes composantes de ces EGM, celui qui va au mieux représenter le temps d’activation local. La technique décrite ci-dessous est celle que nous conseillons et elle se base sur deux constatations importantes. Tout d’abord, les EGM recueillis en dehors de l’isthme de la TV mais sur des sites immédiatement adjacents aux barrières latérales de cet isthme possèdent uniquement une composante locale (éventuellement très fragmentée) qui est synchrone des complexes QRS de l’ECG de surface. Autrement dit, toutes les composantes d’un EGM enregistré dans une zone immédiatement adjacente à une limite latérale de l’isthme d’une TV sont comprises entre les deux lignes verticales délimitant le début et la fin d’un QRS quelconque sur l’ECG de surface. Ensuite, en déplaçant le cathéter à partir de cette position jusqu’à une nouvelle position située dans l’isthme de la TV, on voit alors apparaître sur le signal endocavitaire bipolaire un potentiel présystolique, médio-diastolique ou diastolique tardif de très faible amplitude (en général < 0,10 mV) selon que cet EGM est enregistré respectivement à proximité du site de sortie, du milieu ou à proximité du site d’entrée de l’isthme de la TV. En déplaçant à nouveau le cathéter vers la partie latérale de l’isthme, le potentiel présystolique ou diastolique va finir par disparaître et cette position définit la barrière latérale de l’isthme. Cette position doit être marquée sous la forme d’un double potentiel. En balayant de façon précautionneuse dans un rayon de 3 à 4 cm la zone où des potentiels présystoliques ou diastoliques sont retrouvés, on finit par obtenir les limites précises de l’isthme de la TV. De façon générale, dès lors que l’on enregistre un potentiel non synchrone du QRS au sein d’un EGM (c’est-à-dire en dehors des limites verticales démarquant le début et la fin d’un QRS), ce potentiel doit être considéré comme le représentant le plus approprié (pour aboutir à une cartographie de bonne qualité) de l’activité locale (figure 2). À l’inverse, lorsque toutes les composantes d’un EGM sont synchrones du QRS de l’ECG, le potentiel le plus ample doit être choisi comme représentant de l’activation locale.   Figure 2. Illustration du choix de la composante représentant le temps d’activation locale au niveau des électrogrammes enregistrés en 4 sites différents par la sonde d’ablation (M1-M2 sur chacun des 4 panneaux). Pour la détection de la TV, la référence correspond au pic positif du QRS en V1 (points rouges). Les lignes verticales rouges et bleues marquent respectivement le début et la fin des QRS. Notez la présence d’une activité coïncidant avec le QRS dans chacun des 4 cas. En A et en B, on retrouve des potentiels présystoliques (étoiles vertes) qui seront choisis comme référence pour le temps d’activation local. En C, la référence locale (étoile blanche) est choisie au niveau de la déflexion la plus ample de l’électrogramme (pic négatif ), car on ne retrouve pas de potentiel présystolique ou diastolique clairement reproductible. En D, la référence locale (étoile rouge) est choisie au niveau du potentiel diastolique. Par topostimulation (pace-mapping) en rythme sinusal Dans un des plus grands centres d’ablation de TV en Europe (Pr Paolo Della Bella, Milan, Italie), près de 70 % des TV induites ne sont pas suffisamment bien tolérées pour permettre la réalisation d’une cartographie d’activation en cours de TV (données présentées publiquement à l’ESC 2012). En théorie, on pourrait contourner cet écueil en réalisant des cartographies obtenues à partir de quelques battements cardiaques à l’aide de cathéters munis d’un très grand nombre d’électrodes mais, dans la littérature, les publications dans ce domaine sont peu nombreuses et rapportent des limitations techniques significatives(14,15). De longue date, on sait que l’ECG de surface obtenu à l’occasion d’une topostimulation en rythme sinusal dans la zone de sortie d’une TV est très comparable (voire identique) à celui de la TV dont on cherche à identifier l’isthme critique(16,17). Mais qu’en est-il pour l’isthme de la TV lui-même ? Comment se traduit sur l’ECG de surface une topostimulation au niveau de l’isthme d’une TV postinfarctus ? La réalisation de cartographies de topo - stimulation indiquant le pourcentage de corrélation entre l’ECG en TV et les ECG obtenus après stimulation, en rythme sinusal, en de nombreux sites endocardiques successifs, permet de répondre à cette question. Pour cela, il suffit de confronter chaque cartographie de topostimulation avec sa cartographie d’activation en TV correspondante(18). De façon constante, on observe une corrélation excellente (avec des valeurs > 90 %) entre l’ECG en TV et les ECG obtenus par topostimulation au niveau de la zone de sortie de l’isthme de la TV mais également au niveau de la portion distale de l’isthme lui-même. En revanche, et il s’agit également d’une observation constante, on observe une corrélation (avec des valeurs souvent < 20 %, voire négatives) entre l’ECG en TV et les ECG obtenus par topo - stimulation au niveau de la zone d’entrée de l’isthme mais également au niveau de la portion proximale de l’isthme lui-même(18). On retrouve ainsi, au milieu de l’isthme d’une TV, une zone « frontière » (figure 3) séparant de quelques millimètres des sites de topostimulation avec des ECG ayant un aspect quasi identique à celui de la TV (sites sur le versant correspondant à la sortie de l’isthme) et, de l’autre côté de cette « frontière », des sites de topostimulation produisant des ECG fort différents de celui de la TV (sites sur le versant correspondant à l’entrée de l’isthme). La mise en évidence d’une telle zone permet de définir, à coup sûr, à la fois le milieu et l’orientation de l’isthme d’une TV et guide donc le placement des applications de radiofréquence.   Figure 3. Cartographie de topostimulation d’un ventricule gauche en vue inféro-apicale (large séquelle d’infarctus). Le codage couleur indique la valeur du pourcentage de corrélation moyen entre l’ECG obtenu à chaque site de stimulation (points jaunes) et l’ECG en TV. Les sites avec la meilleure corrélation apparaissent en rouge, puis en jaune, en vert, et ainsi de suite jusqu’au violet. La zone « frontière », large de 10 mm, délimite les sites de stimulation qui sont associés à une corrélation parfaite d’un côté et médiocre de l’autre, ce qui permet de définir l’orientation de l’isthme puis ses limites. Étape 4 : ablation du substrat arythmogène Lorsqu’il est impossible d’induire la moindre TV, l’étape 3 ne peut pas être envisagée pour l’instant. À l’heure actuelle, la seule possibilité est alors de réaliser une ablation du substrat arythmo gène en ciblant, comme cela est réalisé depuis de nombreuses années, des EGM anormaux (EGM fragmentés, avec potentiels tardifs isolés ou non)(19-22) ou de réaliser des lignes d’ablation dans la zone infarcie et dans sa périphérie immédiate(12,23). Actuellement, il n’existe aucune méthode validée et reproductible qui permette de « suivre » l’activité électrique tout au long des méandres des fibres myocardiques survivantes au sein des cicatrices d’infarctus ni, a fortiori, qui puisse identifier « à coup sûr » un chenal de conduction impliqué dans un isthme de TV. Étape 5 : validation du résultat de la procédure d’ablation Idéalement, aucune TV ne devrait plus pouvoir être inductible à la fin de la procédure d’ablation, ce qui permet alors de considérer que la procédure est pleinement réussie. Lorsque la TV clinique n’est plus inductible mais que d’autres TV, notamment plus rapides, le sont toujours, on considère alors que le succès de la procédure est partiel. Bien entendu, lorsque la TV clinique est toujours inductible à l’issue de la procédure, celle-ci est considérée comme ayant échoué. Plusieurs études ont montré une relation entre ces trois éventualités et le pronostic à moyen terme quant aux récidives de TV, l’absence de toute TV inductible étant associée à un taux de récidive très faible. Selon les recommandations actuelles, l’implantation d’un défibrillateur devrait être envisagée chez tout patient qui présente une TV sur cardiopathie structurelle dès lors que celle-ci n’est pas en rapport avec un « phénomène » aigu réversible. Ces recommandations sont uniquement basées sur les résultats de trois études, dont une positive. Dans cette dernière, 45 % des patients inclus avaient présenté une fibrillation ventriculaire et 55 % une TV syncopale. Aucune étude randomisée n’a été réalisée à ce jour entre le défibrillateur et l’ablation endocavitaire des TV, mais une étude récemment publiée suggère que l’ablation des TV postinfarctus pourrait éviter un certain nombre d’implantations(24)… Conclusion En dehors des rares cas de TV réellement « focales » survenant à la phase tardive d'un infarctus myocardique, la cible de l'ablation des TV postinfarctus correspond à l'isthme de ces TV au niveau duquel une ligne d'ablation doit être réalisée puisque leur largeur moyenne se situe aux alentours de 20 mm. Il existe actuellement un engouement important et des travaux de recherche multiples, mêlant l'électrophysiologie classique et l'imagerie cardiaque, dont l'objectif est de franchir une nouvelle étape importante en rythmologie interventionnelle : établir une stratégie fiable, reproductible et efficace pour l'ablation des TV postinfarctus et, au-delà, de toutes les TV sur cardiopathie structurelle.   Références sur demande à la rédaction : biblio@rythmologies.com

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