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Études

Publié le 11 mar 2008Lecture 8 min

RENAAL : chez le diabétique de type 2 insuffisant rénal, le losartan ralentit la progression vers l'insuffisance rénale terminale

M. DEKER, Paris

Le diabète est non seulement un puissant facteur de risque cardiovasculaire, mais aussi la première cause d’insuffisance rénale terminale et de mise sous dialyse, marquant l’aboutissement de la microangiopathie diabétique qui résulte du déséquilibre glycémique chronique. L’élévation tensionnelle, fréquemment associée à l’insulinorésistance, accompagne et complique l’hyperglycémie chez le diabétique. Un contrôle strict de la pression artérielle (PA) est donc recommandé, conjointement au contrôle strict de la glycémie, chez le diabétique, avec une PA cible < 130/80 mmHg, et ce pour un double objectif : la prévention des événements cardiovasculaires et la néphroprotection. Toutefois, même à contrôle équivalent de la PA, les antihypertenseurs n’ont pas le même effet bénéfique en termes de protection rénale. Le blocage du système rénine-angiotensine, qui joue un rôle central dans le développement de la néphropathie diabétique, a montré son efficacité pour limiter la progression de la micro- puis de la macroprotéinurie.

La HAS recommande(1), en première intention, la prescription à dose suffisante d’un bloqueur du système rénine-angiotensine (SRA), un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II), à partir du stade de microalbuminurie, chez le diabétique hypertendu et en cas de néphropathie diabétique. Cette recommandation est fondée sur de nombreux travaux ayant évalué l’effet des IEC puis les ARA II, notamment du losartan avec l’étude RENAAL(2). La HAS précise également qu’une plurithérapie est généralement nécessaire pour obtenir un contrôle tensionnel adéquat ; le traitement par un diurétique thiazidique, dont l’association à un bloqueur du SRA est synergique. Plusieurs études ont, en effet, initialement montré un effet néphroprotecteur des IEC, comparativement à un traitement dit « conventionnel », chez les diabétiques de type 1 et chez les patients non diabétiques ayant une néphropathie patente, en ralentissant la progression de la maladie rénale vers l’insuffisance rénale terminale (IRT). Les effets bénéfiques du blocage de l’angiotensine II chez le patient hypertendu, diabétique de type 2 et ayant une néphropathie ont ensuite été démontrés, notamment avec la publication de l’étude RENAAL (Reduction of Endpoints in NIDDM with the Angiotensin II Antagonist Losartan)(2) qui a évalué, comparativement au placebo, l’effet du losartan prescrit en association à un traitement antihypertenseur conventionnel sur la progression de l’insuffisance rénale et la morbi-mortalité cardiovasculaire. Le choix du losartan dans le cadre de cette étude s’appuyait sur ses propriétés, notamment son effet antagoniste spécifique de l’angiotensine II, sa bonne tolérance reconnue et des travaux antérieurs ayant prouvé des effets significatifs de protection rénale sur des modèles animaux de néphropathie ainsi que son efficacité sur la pression artérielle chez l’homme hypertendu atteint d’insuffisance rénale.   Méthodologie de l’étude RENAAL L’étude RENAAL est un essai international multicentrique randomisé en double insu versus placebo conçu pour évaluer les effets du losartan, seul ou associé à d’autres antihypertenseurs, sur la progression de la néphropathie diabétique. Au total, 1 513 patients ont été randomisés pour recevoir soit du losartan à la dose de 50 à 100 mg/jour (n = 751), soit un placebo (n = 762) (figure 1). Il s’agissait de patients des deux sexes, âgés de 31 à 70 ans, ayant un diagnostic de diabète de type 2 et une atteinte rénale définie par un rapport albumine/créatinine ≥ 300 mg/g (≥ 25 mg/mmol) et une créatininémie entre 1,3 et 3,0 mg/dl (115- 265 µmol/l). Étaient exclus les patients diabétiques de type 1 ou ayant une insuffisance rénale non diabétique, de même que les sujets ayant un antécédent récent cardiovasculaire ou cérébral ou une insuffisance cardiaque, et les patients ayant une HbA1c > 12 %. Durant l’étude, les traitements antihypertenseurs conventionnels ont été poursuivis ; si ce traitement comprenait un IEC, une autre thérapeutique antihypertensive lui a été substituée. Les doses de losartan (ou de placebo) ont été augmentées par paliers de 8 semaines jusqu’à 100 mg/j, en ajustant les traitements antihypertenseurs non bloqueurs du SRA de telle sorte qu’on atteigne la PA cible de 140/90 mmHg. Figure 1. RENAAL : schéma de l’étude. Critères d’évaluation   Critère composite principal : - Délai jusqu’au premier événement du critère principal : doublement de la créatininémie, insuffisance rénale terminale ou décès. Critères secondaires : - Morbidité et mortalité de cause cardiovasculaire (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, hospitalisation pour insuffisance cardiaque ou angor instable, revascularisation coronarienne ou périphérique ou décès de cause cardiovasculaire). - Modifications de la protéinurie.   Résultats Les caractéristiques des patients inclus dans les deux groupes de randomisation étaient similaires à l’inclusion : âge moyen 60 ± 7 ans, plus de 60 % d’hommes dans les deux groupes, IMC environ 30 kg/m2. L’altération de la fonction rénale était comparable dans les deux groupes : valeurs médianes du rapport albumine/créatinine urinaire 1 237 mg/g et 1 261 mg/g dans les groupes losartan et placebo respectivement ; valeurs moyennes : 1 875 et 1 743 mg/g, respectivement ; créatininémie : 1,9 mg/dl dans les deux groupes. À l’inclusion, la PA était en moyenne de 152/82 mmHg et 153/82 mmHg, dans les groupes losartan et placebo respectivement ; 93,5 % des patients (92,3 % du groupe losartan et 94,6 % du groupe placebo) recevaient un traitement antihypertenseur. Durant l’étude, la pression artérielle a diminué dans les deux groupes pour atteindre au bout de 3,4 ans de suivi des valeurs de 140/74 et 142/74 mmHg dans les groupes losartan et placebo respectivement.   Efficacité sur la progression de la néphropathie diabétique • En analyse en intention de traiter, 43,5 % des patients du groupe losartan ont atteint le critère principal combiné (doublement de la créatininémie, insuffisance rénale terminale ou décès), comparativement à 47,1 % dans le groupe placebo. Le traitement par le losartan a donc permis de diminuer de 16 % le risque d’aggravation de l’insuffisance rénale (p = 0,02). La diminution du risque atteint 22 % chez les patients ayant poursuivi le traitement à l’étude (p = 0,008). Après ajustement sur la pression artérielle, la diminution du risque d’aggravation de la fonction rénale reste de 15 %, inchangée. • L’analyse de chacun des éléments du critère principal combiné montre (figure 2) : – une diminution de 25 % du risque de doublement de la créatininémie (p = 0,006) ; – une diminution de 28 % du risque d’insuffisance rénale terminale (p = 0,002) ; – le risque de décès n’est pas modifié, 20 % environ des patients des deux groupes étant décédés ; – le risque d’insuffisance rénale terminale ou de décès a été réduit de 20 % chez les patients traités par le losartan (p = 0,01). Cliquer sur l'image pour agrandir Figure 2. RENAAL : les différents composants du critère principal d’évaluation. L’effet néphroprotecteur exercé par le losartan mis en évidence durant l’étude n’est pas lié à un meilleur contrôle de la pression artérielle. En effet, une baisse comparable des chiffres tensionnels a été observée dans les deux groupes de traitement. Le contrôle tensionnel a nécessité une plurithérapie chez tous les patients. Dans le groupe losartan, 71 % des patients prenaient la dose maximale prévue, soit 100 mg/j. La répartition des autres traitements antihypertenseurs est, en outre, très comparable entre les deux groupes (tableau). Effets sur la morbi-mortalité cardiovasculaire • Un tiers environ des patients a présenté un événement cardiovasculaire mortel ou non dans les deux groupes de traitement (32, 9 % sous losartan, 35,2 % sous placebo, soit une réduction non significative de 10 % dans le groupe losartan). • Parmi les critères de morbi-mortalité analysés individuellement, seul le taux de première hospitalisation pour insuffisance cardiaque est significativement réduit de 32 % (p = 0,005) ; cependant, les risques d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral sont également réduits, de 28 et 5 % respectivement (différence non significative). • L’effet bénéfique du losartan sur la fonction rénale est confirmé la réduction de 35 % du taux de protéinurie (p < 0,001), comparativement à une augmentation sous placebo(3). Une diminution significative de la vitesse de progression de la maladie rénale (1/créatininémie) de 18 % (p = 0,01) ainsi qu’un ralentissement de la baisse estimée du taux de filtration glomérulaire sont également observés sous losartan, comparativement au groupe placebo. • Le traitement par losartan est globalement bien toléré, sans majoration des effets indésirables cliniques (asthénie/fatigue, étourdissements, hypotension). Durant l’étude, davantage de patients du groupe placebo ont quitté l’étude (53,5 versus 46,5 %) et des événements cliniques indésirables ont entraîné l’arrêt du traitement chez 21,7 % des patients sous placebo (versus 17,2 %). Dans le groupe losartan, 24 % des patients ont présenté une hyperkaliémie (> 5,5 mmol/l), versus 12,3 % dans le groupe placebo. Toutefois, le pourcentage de patients ayant arrêté l’étude en raison d’une augmentation de la kaliémie ou de la créatininémie a été minime, quoique plus élevé dans le groupe losartan (1,5 et 1,1 versus 1,2 et 0,5 %) que dans le groupe placebo.   Au total   Dans cette étude, chez des sujets diabétiques de type 2, hypertendus et insuffisants rénaux, l’adjonction du losartan au traitement antihypertenseur conventionnel a montré sa capacité à ralentir le déclin de la fonction rénale et la progression vers l’insuffisance rénale terminale ou le décès. Le losartan est le seul ARA II à avoir démontré cet effet. Cet effet bénéfique est indépendant du contrôle exercé sur la pression artérielle et spécifiquement lié au blocage du SRA. L’effet néphroprotecteur est également observé quel que soit le stade d’insuffisance rénale. Une analyse post-hoc de l’étude RENAAL dans laquelle les patients ont été stratifiés en fonction de la créatininémie de base (2,1  à 3,6 mg/dl ; 1,6 à 2,0 mg/dl ; 0,9 à 1,6 mg/dl) montre, en effet, une réduction du risque d’insuffisance rénale terminale de 24,6, 26,3 et 35,3 %, respectivement dans ces trois tertiles. De même, le taux de protéinurie a davantage diminué chez les patients traités par le losartan comparativement aux patients du groupe placebo et ce, dans trois tertiles de créatininémie(3). En diminuant le risque d’insuffisance rénale terminale de 28 % sur une période de suivi moyenne de 3,4 ans, les investigateurs de l’étude RENAAL ont estimé que cette réduction correspond à un gain moyen de 2 ans avant le recours à la dialyse ou la transplantation(2). En termes de NNT (nombre de sujets à traiter pour éviter un événement), les résultats de l’étude RENAAL montrent qu’il faut traiter 28 patients diabétiques de type 2 au stade d’insuffisance rénale pour éviter l’aggravation de la néphropathie et 16 patients pour éviter le passage en insuffisance rénale terminale. Ces résultats ont été obtenus par l’adjonction de losartan au traitement antihypertenseur conventionnel, la majorité des patients étant traités à la dose quotidienne de 100 mg et majoritairement sous plurithérapie (plus de 80 % prenaient conjointement un diurétique thiazidique, entre autres). Plusieurs évaluations économiques basées sur les résultats de l’étude ont montré un gain majeur en termes d’économie de santé(2,4,5) : une diminution de 32 % du nombre de jours en insuffisance rénale terminale sous traitement par le losartan chez le diabétique de type 2 porteur d’une néphropathie (ND2) se traduit par un gain net en termes de coût de santé par patient ; l’économie nette a été chiffrée à plus de 3 800 euros en coût direct pour tout patient traité par losartan durant 3,5 ans(4) (figures 4 et 5). Un effet cardioprotecteur est également observé sous losartan, avec une diminution de 32 % du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, qui vient compléter l’effet néphroprotecteur mis en évidence chez les diabétiques de type 2. Figure 3. RENAAL : évolution de la protéinurie par rapport aux valeurs initiales. Figure 4. RENAAL : évaluation économique. Sur une période de 3,5 ans, le traitement par losartan des patients ayant une ND2 diminue de 32 % le nombre de jours en insuffisance rénale terminale. Figure 5. RENAAL : évaluation économique. Le traitement par losartan de la ND2 permet un économie nette de 3 863 euros en coût direct pour tout patient traité pendant 3,5 ans. Cette économie est essentiellement générée par le nombre de jours évités en dialyse (coût annuel ~ 58 000 euros).

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