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Études

Publié le 24 jan 2006Lecture 8 min

L'étude ASCOT-CAFE

M. JOBBÉ DUVAL, Neuilly-sur-Seine

AHA

Les premières études ancillaires d’ASCOT-BPLA (Anglo-Scandinavian Cardiac OuTcomesBlood Pressure Lowering Arm) ont été présentées lors de la dernière session de l’AHA. L’une d’entre elles — CAFE— est particulièrement intéressante dans sa tentative d’explication des raisons pour lesquelles ASCOT a montré une telle différence entre deux stratégies thérapeutiques antihypertensives :
• l’une classique, basée sur un bêtabloquant, l’aténolol, associé éventuellement à un thiazidique,
• l’autre plus moderne, basée sur un inhibiteur calcique, l’amlodipine, et ajout si besoin, d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion, le perindopril.

L’étude ancillaire CAFE (encadré)   Hypothèse de départ L’étude ASCOT-CAFE (Conduit Artery Functional Evaluation) est partie de l’hypothèse suivante : on considérait jusqu’à présent que la pression artérielle prise au niveau du bras était un facteur prédictif majeur de la survenue d’un accident cardiovasculaire chez les patients hypertendus. On pensait par ailleurs que cette pression brachiale reflétait exactement la pression centrale au niveau de l’aorte et donc la charge ventriculaire gauche. Or depuis quelques années, on note que cette assertion n’est pas valable dans tous les cas car on a pu remarquer que les différentes classes d’agents antihypertenseurs pouvaient agir différemment sur la pression aortique centrale. Il apparaissait donc intéressant de comparer dans une étude prospective à large échelle les effets de deux stratégies thérapeutiques antihypertensives et d’essayer de dégager si la pression aortique centrale pouvait permettre de mieux comprendre les éventuelles disparités existant entre ces différentes classes thérapeutiques. Lorsque l’étude ASCOT-BPLA a été mise en route, un tel outil de mesure de la pression aortique centrale a été proposé car il permettait de mettre éventuellement en lumière une corrélation entre les disparités observées en recherche fondamentale sur la pression aortique centrale et éventuellement les différences observées cliniquement au niveau des organes cibles. Rappels sur l’étude ASCOT L’étude ASCOT a été menée selon le schéma PROBE (Prospective Randomized Open Blinded Endpoint evaluation) et a inclus 19 257 patients hypertendus, randomisés recevant soit : • un traitement associant aténolol ± bendrofluméthizide, • un traitement associant amlodipine ± perindopril. Les critères d’inclusion étaient une hypertension artérielle non traitée avec des chiffres > 160/100 mmHg ou bien une HTA traitée avec des chiffres tensionnels > 140/90 mmHg. Les patients étaient âgés de 40 à 79 ans et devaient présenter au moins trois facteurs de risque associés. La durée moyenne du suivi de l’étude a été de 5,5 années.   Objectifs de l’étude CAFE L’objectif primaire de l’étude CAFE a été de démontrer si les deux stratégies thérapeutiques entraînaient une différence au niveau de la pression aortique centrale malgré des mesures tensionnelles équivalentes au niveau de la prise tensionnelle brachiale. L’objectif secondaire était de démontrer si cette différence au niveau de la pression aortique centrale était un élément déterminant dans la survenue d’événements cardiovasculaires observés dans l’étude ASCOT. L’étude CAFE a débuté en moyenne un an après l’inclusion de l’étude ASCOT, avec un suivi de 4 ans. Elle a été menée dans 5 centres au Royaume-Uni en Irlande.   Principes de mesure de la pression aortique centrale (figure 1) Figure 1. Méthode de mesure. La pression brachiale était mesurée par un appareil automatique pris au bras. Le principe de mesure de la pression aortique centrale consistait à mesurer pendant 10 secondes l’onde de pouls au niveau de l’artère radiale. Cette onde de pouls était calibrée en fonction de la pression brachiale et transformée en dérivée de la pression aortique centrale grâce à un appareil de mesure, le Sphygmacor®. Le principe est le suivant : plus le sang avance le long des parois artérielles en allant de l’aorte vers les petites artères, plus il rencontre une onde de réflexion qui revient vers le cœur. Cette onde va donc rencontrer l’onde systolique antérograde suivante provenant du ventricule gauche et augmenter ainsi son amplitude. On observe donc une augmentation de la pression systolique mais aussi de la pression pulsée. Au niveau du bras, il est difficile de remarquer cette onde réfléchie, mais elle est mesurable au niveau de la radiale qui est une artère plus petite. Ainsi, plus cette onde de réflexion est importante, plus la pression aortique centrale est élevée, et celle-ci apparaît comme un déterminant plus approprié de l’agression artérielle réelle. En extrapolant la pression brachiale et la vitesse de l’onde de pouls au niveau radial, on peut donc obtenir une pression aortique centrale qui apparaîtra différente, à égalité de pression brachiale, selon les traitements et ce, sans mesure invasive, permettant ainsi une mesure répétitive et reproductible.   Résultats Les patients ayant terminé l’étude CAFE étaient au nombre de 1 031 dans le groupe aténolol + thiazidique (A+T) et 1 042 dans le groupe amlodipine + perindopril (A+P), sans différence significative entre les deux groupes. La moyenne d’âge était de 62 ans environ, avec une PA en début d’étude, respectivement de 159,9/92,4 mmHg et de 161/92,6 mmHg. Les chiffres tensionnels au bras dans les groupes A+T versus A+P ont été les suivants à la fin de l’étude : • PAS : 133,9 vs 133,2 mmHg, soit une différence de 0,7 mmHg(p = 0,2), • PAD : 78,6 vs 76,9 mmHg, soit une différence de 1,6 mmHg (p < 0,0001), • Pression pulsée : 55,3 vs 56,2 mmHg, soit une différence de 0,9 mmHg (p = 0,06). Les patients ont subi en moyenne 3,4 tonométries pendant la durée de l’étude : 3,5 % des patients étaient sous aténolol seul et 7 % des patients sous amlodipine seule. Le reste des patients recevait en association soit un diurétique soit du perindopril, avec, en moyenne 2,2 molécules par patient La pression aortique calculée était dans le groupe A+P en moyenne de 121,2 mmHg versus 125,5 mmHg dans le A+T soit une différence de 4,3 mmHg (p < 0,0001). Cette différence est apparue très rapidement dès le début du traitement et s’est maintenue pendant toute la durée de l’étude (figure 2). La pression pulsée était de 46,4 mmHg dans le groupe A+T contre 43,4 mmHg dans le groupe A+P (p < 0,0001). Figure 2. Pression centrale et pression brachiale. Les conclusions des auteurs de l’étude - Une thérapeutique antihypertensive au long cours basée sur l’association aténolol ± diurétique est associée à une pression aortique centrale plus élevée et une pression pulsée plus importante en comparaison avec une stratégie basée sur l’amlodipine ± perindopril, et ce malgré des pressions artérielles mesurées au bras identiques. - Cette augmentation de la pression centrale aortique dans le groupe A+T est due à une onde de réflexion plus importante sous bêtabloquant. - Or, si l’on étudie les données cliniques de l’étude ASCOT, on observe que l’association A+P, comparativement à l’association A+B a réduit de : • 13 % les événements coronaires totaux (p < 0,07), • 23 % les AVC mortels ou non mortels (p < 0,0003), • 11 % la mortalité totale (p < 0,025), • 24 % la mortalité cardiovasculaire (p < 0,01), • 15 % l’apparition d’une insuffisance rénale (p < 0,05), • 30 % les cas de nouveaux diabètes (p < 0,0001).   Conclusions - Il semble que la pression brachiale surestime les bénéfices hémodynamiques de l’association aténolol + thiazidique et sous estime ceux de l’association amlodipine + perindopril sur les pressions aortiques centrales. - Le niveau de cette pression aortique centrale semble ainsi être un facteur indépendant important de l’apparition d’un événement cardiovasculaire. - Les résultats de l’étude CAFE suggèrent que l’hypothèse avancée d’une action antihypertensive plus marquée au niveau de la pression aortique centrale pourrait être l’un des mécanismes permettant d’expliquer les résultats cliniques plus favorables obtenus par l’association amlodipine + perindopril par rapport a un traitement plus classique par bêtabloquant et diurétique. Lors de la présentation de cette étude, la discussion a été assurée par J.-L. Izzo (Buffalo, USA). Celui-ci reprend les résultats d’ASCOT et surtout la conclusion de son investigateur principal, B. Dahlöf qui soulignait, dans l’article paru dans le Lancet (2005; 366 : 895-906), que les effets de l’association A+P ne pouvaient pas être entièrement expliqués par un meilleur contrôle des chiffres tensionnels, et J.-L. Izzo d’ajouter : au moins pour la PA prise au bras. - En effet, cette étude ASCOT-CAFE permet de démontrer que la pression artérielle systolique n’est réellement pas constante tout le long de l’arbre artériel et donc que son rôle au niveau des organes cibles peut être modifié en fonction du type d’agent antihypertenseur administré. - Il souligne l’importance de l’onde de réflexion : plus celle-ci augmente et plus la pression pulsée augmente, puisque cette onde de réflexion va s’ajouter, comme nous l’avons dit, à l’onde systolique antérograde en augmentant la pression systolique centrale. Cette amplification de l’onde systolique antérograde peut, en effet, avoir un impact potentiel sur la microcirculation, comme l’a démontré par exemple M. Safar dans une étude sur 170 patients dialysés : il remarque que la pression aortique centrale, directement dépendante de l’importance de l’onde de réflexion, était un déterminant important de la mortalité avec augmentation de l’albuminurie et augmentation de l’hypertrophie artériolaire. Dans une population proche composée de 150 insuffisants rénaux hémodialysés, A. Guérin et G. London ont montré que chez les patients dont la vitesse de propagation de l'onde de pouls ne diminuait pas en réponse aux modifications tensionnelles, les RR ajustés pour la mortalité toutes causes confondues et la mortalité d'origine cardiovasculaire étaient respectivement de 2,59 et 2,35. Chez ces mêmes patients, l'utilisation du perindopril, seul ou associé, avait un impact favorable sur la mortalité toutes causes confondues et d'origine cardiovasculaire, avec un risque relatif respectivement de 0,19 et 0,18. - J.-L. Izzo considère ainsi que la pression artérielle systolique n’est pas constante tout au long de l’arbre artériel et montre la limite de la prise de la PA au bras : celle-ci ne permet pas de détecter les modifications cliniques causées par l’onde de réflexion sur la pression aortique centrale, comme la démontré ASCOT-CAFE. En outre, et elle ne permet pas de juger de l’impact de l’onde systolique antérograde sur les dommages causés au niveau des organes cibles. - Il semble donc que l’action des différentes molécules antihypertensives doive être reconsidérée sous ce nouvel angle : ainsi, les bêtabloquants, qui n’ont pas d’effet favorable sur la biomécanique artérielle semblent entraîner une protection moindre au niveau des organes cibles.   En pratique   L’intérêt d’ASCOT-CAFE est d’apporter un éclairage nouveau sur les différences observées au niveau de la PAS centrale selon les traitements. Pour J.-L. Izzo, il faut revoir le rôle réel de chaque agent antihypertenseur sur le long terme et fort probablement reconsidérer, peut-être avec des études complémentaires, les recommandations sur leur utilisation. Cette étude démontre qu’une meilleure compréhension des mécanismes complexes qu’entraîne une HTA systolique est possible : des indicateurs autres que la simple prise brachiale de la PA pourraient permettre d’expliquer les bénéfices observés avec certains traitements et conduire à un choix thérapeutique optimal.

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