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Études

Publié le 18 jan 2005Lecture 9 min

Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion après l'étude PEACE

F. DIEVART, clinique Villette, Dunkerque

AHA 2004

Avec l’étude PEACE s’est achevé un cycle d’essais cliniques ayant permis de disposer d’une évaluation large des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) dans de nombreuses situations cliniques de la pratique quotidienne cardiologique. Cette évaluation témoigne d’un bénéfice clinique encore inégalé, tant les situations cliniques dans lesquelles ces molécules ont été évaluées sont nombreuses. Si les résultats de l’étude PEACE n’ont pas confirmé l’hypothèse qu’elle évaluait — à savoir le bénéfice d’un IEC pour prévenir les événements cardio-vasculaires majeurs chez des coronariens à risque cardio-vasculaire relativement faible — un aperçu de l’ensemble des essais cliniques ayant évalué des IEC rend compte que les résultats de cette étude sont probablement le fait d’un effet hasard, tant les résultats de l’ensemble des essais sont concordants pour démontrer le bénéfice clinique de cette classe thérapeutique. Ainsi, la publication des résultats de l’étude PEACE justifie une mise au point rappelant les grands essais de cette large évaluation et les conclusions que les métaanalyses de référence ont permis.

L’insuffisance cardiaque C’est dans le domaine de l’insuffisance cardiaque que débute l’histoire des essais cliniques ayant évalué les IEC. Tous les stades de cette pathologie ont été évalués, de l’insuffisance cardiaque sévère dans l’étude CONSENSUS 1 à la dysfonction ventriculaire gauche dans l’étude SOLVD Prévention (tableau 1). La métaanalyse de référence de ces essais a été publiée en 1995 par Garg et Yusuf. Ce travail a montré que, dans l’insuffisance cardiaque chronique, les IEC permettent de réduire de 23 % la mortalité totale (risque relatif [RR] : 0,77 ; IC 95 % : 0,67 à 0,88 ; p < 0,001) et de 35 % le risque cumulé de décès ou d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (RR : 0,65 ; IC 95 % : 0,57 à 0,74 ; p < 0,001). Le bénéfice s’est exprimé avec une ampleur égale quels que soient l’âge, le sexe, l’étiologie de l’insuffisance cardiaque, le stade NYHA de l’insuffisance cardiaque, mais plus la fraction d’éjection était altérée, plus important était le bénéfice. Le bénéfice le plus important était enregistré dès les 3 premiers mois de traitement. La réduction de la mortalité totale a été essentiellement due à une diminution de la mortalité par aggravation de l’insuffisance cardiaque (RR : 0,69 ; IC 95 % : 0,58 à 0,83) sans réduction significative du risque de mort subite (RR : 0,91; IC 95 % : 0,73 à 1,12) ni du risque d’infarctus du myocarde fatal (RR : 0,82 ; IC 95 % : 0,60 à 1,11), mais le suivi moyen de l’ensemble des études prises en compte était faible.   Le postinfarctus du myocarde Les essais cliniques effectués dans le postinfarctus du myocarde sont la suite et le complément logique des essais effectués dans l’insuffisance cardiaque puisque les trois principaux essais de cette série ont évalué les IEC dans des situations cliniques traduisant une altération précoce de la fonction cardiaque après la survenue d’un infarctus du myocarde (tableau 2). La métaanalyse de référence de ces essais a été publiée en 2000 par Flather et Yusuf et porte sur les dossiers individuels de 12 763 patients inclus dans ces essais et suivis en moyenne pendant 35 mois. Parmi ces patients, 5 966 ont été inclus dans les trois essais effectués spécifiquement dans le postinfarctus du myocarde. La synthèse de ces trois essais montre que les IEC permettent de réduire : • de 26 % le risque de mortalité toute cause (RR : 0,74 : IC 95% : 0,66 à 0,83 ; p < 0,001) ; • de 27 % le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (RR : 0,73 ; IC 95 % : 0,63 à 0,85 ; p < 0,001) ; • de 20 % le risque de réinfarctus du myocarde (RR : 0,80 ; IC 95 % : 0,69 à 0,94 ; p < 0,001) ; • de 25 % le risque cumulé de décès, d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque ou de réinfarctus du myocarde (RR : 0,75 ; IC 95 % : 0,67 à 0,83 ; p < 0,001). Le bénéfice du traitement s’est exprimé précocement et a persisté dans le long terme. Il a été d’ampleur égale quels que soient l’âge, le sexe et qu’il y ait ou non utilisation associée de diurétiques, d’aspirine ou de bêtabloquants. La synthèse des études effectuées dans le postinfarctus et l’insuffisance cardiaque montre une réduction très significative du risque de mortalité totale de 20 % (RR: 0,80 ; IC 95 % : 0,74 à 0,87) et d’infarctus du myocarde (RR : 0,79 ; IC 95 % : 0,70 à 0,89).   L’infarctus en phase aiguë Au milieu des années 1990 ont été publiés les résultats d’une série d’essais cliniques ayant inclus un total de plus de 100 000 patients afin d’évaluer l’effet des IEC lors d’une prescription dès les premières heures de la survenue d’un infarctus du myocarde (tableau 3). La métaanalyse de référence faisant le bilan de ces essais a été publiée en 1998. Ce travail a été effectué sur les 98 496 dossiers individuels des patients enrôlés dans les quatre essais ayant inclus plus de 1 000 patients et dans lesquels l’IEC était administré entre 0 et 36 heures après le début des symptômes d’un infarctus aigu du myocarde et continué pendant 4 à 6 semaines. Cette métaanalyse montre des résultats concordants dans tous les essais, avec une réduction de la mortalité totale à 30 jours de 7 % (IC 95 % : 2 à 11 ; 2p < 0,004) permettant de sauver 5 vies pour 1 000 patients traités avec un bénéfice maximal observé la première semaine de traitement. Les IEC réduisent significativement le risque d’insuffisance cardiaque non fatale (14,6 contre 15,2 % ; 2p = 0,01) mais sont associés à une augmentation du risque d’hypotension persistante (17,6 contre 9,3 % ; 2p < 0,01) et d’insuffisance rénale (1,3 contre 0,6 % ; 2p < 0,01). Au terme de l’ensemble des études ayant évalué des IEC dans les cardiopathies ischémiques (postinfarctus ou infarctus en phase aiguë) il est apparu, à l’exception des résultats de l’étude CONSENSUS 2, que les IEC diminuent la mortalité totale chez les patients ayant une cardiopathie ischémique en phase aiguë ou subaiguë (tableau 4). La maladie coronaire stable et le patient à risque cardio-vasculaire élevé Cette série d’essais cliniques a compris quatre études aux résultats discordants : deux étant nettement positives (les études HOPE et EUROPA), deux n’ayant pas montré d’effet significatif sur le critère primaire évalué (les études QUIET et PEACE) (tableau 5). La métaanalyse de référence de ces essais n’a pas encore été publiée, mais lors des sessions scientifiques de l’American Heart Association, S. Yusuf a présenté un travail avec des données chiffrées précises concernant l’ensemble des événements cliniques évalués et, par ailleurs, N. Danchin a aussi présenté une méta-analyse sous forme essentiellement graphique. Les résultats de la métaanalyse de S. Yusuf montrent que, chez les patients à risque cardio-vasculaire mais n’ayant pas d’altération significative de la fonction cardiaque, les IEC réduisent de façon significative : • la mortalité totale (RR : 0,86 ; IC 95 % : 0,79-0,94 ; p = 0,0004) ; • le risque d’infarctus du myocarde (RR : 0,81 ; IC 95 % : 0,75-0,89 ; p = 0,00001) ; • le risque d’AVC (RR : 0,77 ; IC 95 % : 0,66-0,88 ; p = 0,00004) • l’incidence des revascularisations (RR : 0,92 ; IC 95 % : 0,87-0,99 ; p = 0,02). Les résultats de l’étude PEACE ne remettent donc pas en cause le bénéfice global des IEC chez les patients à risque cardio-vasculaire.   L’hypertension artérielle Plusieurs essais cliniques, essentiellement initiés dans les années 1990, ont permis de disposer d’une évaluation des IEC dans le traitement de l’hypertension artérielle mais, pour des raisons essentiellement chronologiques, ces essais ont été conduits pour la plupart comparativement à d’autres classes thérapeutiques, notamment des diurétiques et des bêtabloquants (tableau 6). Pour juger de l’effet global de cette classe thérapeutique, nous disposons de plusieurs méta-analyses de référence dont les deux plus récentes, publiées en 2003, sont celle du groupe collaboratif des « abaisseurs de la pression artérielle », la Blood Pressure Lowering Treatment Trialists collaboration (BPLTT), et celle de Staessen. La métaanalyse des BPLTT, en prenant en compte les études contre placebo et, essentiellement dans ce cadre, l’étude HOPE, montre que, pour une diminution moyenne de 5/2 mmHg de pression artérielle, le risque d’événements cardio-vasculaires majeurs est significativement diminué de 22 % (RR : 0, 78 ; IC 95% : 0,73 à 0,83) lorsqu’un IEC est utilisé en première intention. L’analyse de Staessen a porté sur six essais ayant inclus un total de 47 410 patients. Ces essais ne sont pas apparus homogènes, notamment lorsque l’étude ALLHAT a été incluse dans l’analyse. Cependant, il n’est pas apparu de différences dans leur comparaison avec des diurétiques et/ou des bêtabloquants en termes de : • mortalité totale (RR : 1,00 ; IC 95 % : 0,94 à 1,06 ; p = 0,89), • décès cardio-vasculaires (RR : 1,02 ; IC 95 % : 0,94 à 1,11 ; p = 0,61), • tous événements cardio-vasculaires (RR : 1,03 ; IC 95 % : 0,94 à 1,04 ; p = 0,39), • infarctus du myocarde (RR : 0,97 ; IC 95 % : 0,90 à 1,04 ; p = 0,39) et d’insuffisance cardiaque (RR : 1,04 ; IC 95 % : 0,89 à 1,22 ; p = 0,64). En revanche, il apparaît que les IEC pourraient apporter une protection inférieure par rapport aux autres classes antihypertensives concernant le risque d’AVC (RR : 1,10 ; IC 95 % : 1,01 à 1,20 ; p = 0,003).   La protection rénale Les essais cliniques ayant évalué des IEC aux différents stades d’évolution de diverses néphropathies (hypertensives, diabétiques ou les deux) sont nombreux et ont été effectués soit contre placebo, soit contre des comparateurs actifs. Cependant, le plus souvent, à l’exception de l’étude Micro-HOPE ayant inclus 3 577 patients, ils ont été conduits avec de faibles effectifs de patients. Le plus récent de ces essais, publié en novembre 2004, l’étude BENEDICT, a démontré qu’un traitement par un IEC permet de prévenir l’apparition d’une microalbuminurie chez les diabétiques. Avant cette étude, nous disposions de plusieurs métaanalyses de référence sur l’effet des IEC dans la prévention de l’évolution de diverses néphropathies. Chez les non-diabétiques, la métaanalyse de référence porte sur 11 essais ayant évalué des IEC et ayant inclus un total de 1 860 patients suivis en moyenne pendant 2,2 ans. Après ajustement sur la diminution de pression artérielle systolique et sur l’excrétion urinaire de protéine, ce travail a démontré que les IEC réduisent de 31 % le risque d’évolution vers l’insuffisance rénale terminale (RR : 0,69 ; IC 95 % : 0,51 à 0,94) et de 30 % le risque cumulé de doublement de la créatininémie et d’évolution vers l’insuffisance rénale terminale (RR : 0,70 ; IC 95 % : 0,55 à 0,88). Les patients ayant le plus grand bénéfice du traitement par les IEC sont ceux ayant la plus importante excrétion urinaire de protéine à l’état de base. La conclusion principale de ce travail était de démontrer que, chez les hypertendus non diabétiques, un traitement par un IEC apporte une protection néphrologique supérieure à celle des autres thérapeutiques antihypertensives, notamment lorsqu’il y a une protéinurie initiale. Chez les diabétiques, la métaanalyse de référence a été publiée en 2004 et a inclus, en les distinguant, 36 essais ayant évalué des IEC contre placebo chez 4 008 diabétiques et quatre essais ayant évalué des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II) chez 3 331 diabétiques. Trois essais ont par ailleurs comparé des IEC à des ARA II chez 206 diabétiques. Le résultat de ce travail montre que : • les IEC réduisent la mortalité toutes causes de 21 % (RR : 0,79 ; IC 95 % : 0,63 à 0,99) comparativement au placebo alors que les ARA II n’ont pas d’effet significatif sur la réduction de mortalité (RR : 0,99 ; IC 95 % : 0,85 à 1,17) bien que l’incidence de mortalité totale ait été équivalente dans les différents essais pris en compte ; • les IEC et les ARA II exercent une protection néphrologique équivalente avec une réduction > 30 % de l’évolution vers l’insuffisance rénale terminale, une réduction du risque de doublement de la créatininémie et une réduction de l’importance de la protéinurie et/ou de l’évolution de la microalbuminurie vers la macroalbuminurie.   Les dernières études Après la revue de cette série importante d’essais, il convient de rappeler que trois grandes études évaluant des IEC sont encore en cours, dont les résultats seront disponibles dans les 2 prochaines années : • l’étude DREAM qui évalue prospectivement l’effet du ramipril sur la prévention de l’apparition d’un diabète chez des patients à risque non hypertendus ; • l’étude PEP CHF qui évalue l’effet du perindopril sur le pronostic cardio-vasculaire de patients âgés ayant une insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée ; • l’étude ON TARGET qui évalue comparativement l’effet du ramipril, du telmisartan et de leur association sur le risque d’événements cardio-vasculaires majeurs chez des patients à risque cardio-vasculaire élevé.   Conclusions Ainsi, au terme de cette revue, il apparaît que les IEC exercent un bénéfice clinique significatif : - dans l’insuffisance cardiaque chronique systolique, quel que soit son stade clinique ; - dans le postinfarctus, associé à une altération clinique ou morphologique de la fonction cardiaque ; - chez les patients à risque cardio-vasculaire élevé, a priori coronarien, et sans altération de leur fonction cardiaque ; - dans l’hypertension artérielle ; - chez les patients à risque de néphropathie, notamment les diabétiques. Dans ses recommandations récentes, la Société Européenne de Cardiologie indique que le plus haut niveau de preuve (classe 1, niveau A) est obtenu pour l’utilisation des IEC dans le contrôle de la pression artérielle, mais aussi chez les patients ayant une insuffisance cardiaque, une dysfonction systolique du ventricule gauche, chez les diabétiques, chez les patients ayant un antécédent d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire cérébral et chez les patients à risque élevé de maladie coronaire. Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

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