publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

HTA

Publié le 16 mar 2004Lecture 9 min

HTA et contraception orale

M. BEAUFILS, hôpital Tenon, Paris

La contraception estroprogestative est de loin la méthode contraceptive la plus utilisée en France : 58,6 % de 20 à 24 ans, 41 % de 30 à 34 ans, encore 31 % de 35 à 39 ans. Ce n’est qu’à partir de 40 ans que l’usage du stérilet devient plus fréquent que celui de la « pilule » (source INED). Les inconvénients potentiels en ont été largement discutés depuis une quarantaine d’années que cette méthode a cours. Les principaux sont de nature cardio-vasculaire, comprenant l’hypertension, la maladie coronaire, les accidents vasculaires cérébraux.
Au fur et à mesure que l’expérience s’est accrue et que de longues cohortes ont été étudiées, ces risques apparaissent finalement plutôt modestes, même s’ils sont indiscutables. Le risque de thromboses veineuses constitue un chapitre à part, que nous n’aborderons pas ici.

La « pilule » augmente la pression artérielle L’influence de la contraception estroprogestative sur la pression artérielle a fait l’objet de très nombreuses études, dont la concordance est assez remarquable. En moyenne, la « pilule » augmente la PAS de 5 à 10 mmHg, et un peu moins la PAD. Cette augmentation est le plus souvent sans incidence clinique et ne conduit que quelque 5 % de ces jeunes femmes à des chiffres qui entrent dans les critères habituels de l’hypertension (> 140 mmHg de PAS et/ou > 90 de PAD).     Les études prospectives L’étude de Weir peut être considérée comme le travail pionnier. Ce travail, prospectif, a été réalisé à Glasgow entre 1969 et 1974, chez des femmes dont la pression artérielle était < 140/90 avant toute contraception. Les unes ont reçu un estroprogestatif (dosage en estrogène 50 à 100 µg, qui était le dosage usuel à l’époque), cependant que les autres (groupe témoin) utilisaient un stérilet ou une contraception locale. • Une augmentation significative de la PAS était présente à 2 ans chez 164/186 utilisatrices de la contraception estroprogestative (augmentation moyenne 7,7 mmHg) et de la PAD chez 150/186, tandis qu’il n’y avait aucune modification chez les 60 patientes témoins (variation moyenne de la PAS – 1,2 mmHg). • Parmi les patientes suivies jusqu’à 5 ans, la pression artérielle a continué à s’élever chez les utilisatrices de l’estroprogestatif, atteignant une hausse de 12,3 mmHg pour la PAS et 8,8 mmHg pour la PAD. • Deux patientes seulement (soit environ 1 % des utilisatrices) ont dépassé le seuil de 160 mmHg de PAS et 90 mmHg de PAD, entrant donc dans les critères de définition de l’hypertension de l’époque. • Trente-deux patientes de l’étude ont arrêté la contraception pour des raisons diverses : leur pression artérielle est revenue aux valeurs antérieures dans les 3 mois suivant l’arrêt du contraceptif. Ces données ont été ultérieurement confirmées par nombre d’autres études, nous en mentionnerons deux : - Cook et coll. ont mesuré de manière séquentielle la pression artérielle chez 2 673 femmes. Le début d’une contraception orale s’est accompagné d’une hausse de 4,1 mmHg pour la PAS, et l’arrêt de celle-ci par une baisse de 4,4 mmHg. Pour la PAD, l’augmentation immédiate a été de 1,0 mmHg (non significative), mais elle s’est poursuivie au rythme de 0,5 mmHg par an, devenant alors très significative. La baisse à l’arrêt de la contraception a été de 2,7 mmHg, indépendante du temps depuis l’arrêt. - Le travail de Fisch et coll. a porté sur 13 000 femmes. L’usage d’une contraception estroprogestative a été associé à un déplacement uniforme de la distribution des valeurs de pression artérielle chez les utilisatrices. L’augmentation moyenne a été de + 5 à 6 mmHg pour la PAS et 1 à 2 mmHg pour la PAD. Le risque relatif d’avoir une pression artérielle dépassant 140/90 mmHg était de 3.         Confirmation en MAPA Heintz et coll. ont montré par cette méthode une différence sur la pression moyenne des 24 h comparable à celle observée dans toutes les autres études. La différence semble plus marquée sur la pression nocturne que diurne.     Spécificité des estroprogestatifs Cette élévation de pression artérielle est bien spécifique des estroprogestatifs. Aussi bien dans l’étude de Weir, avec une dose élevée d’estrogènes, que dans celle de Wilson avec un dosage plus faible (30 µg d’éthinylestradiol [EE]), il a été observé une augmentation tant de la PAS que de la PAD chez les femmes recevant un estroprogestatif, mais aucune augmentation chez celles utilisant un progestatif pur ou une contraception mécanique. Dans la quasi-totalité des cas, la pression artérielle revient à sa valeur basale lorsque le contraceptif est arrêté.   Néanmoins, l’hypertension liée à la pilule est rare Cette augmentation quasi universelle de la pression artérielle chez les utilisatrices d’une contraception estroprogestative ne signifie pas pour autant que ces jeunes femmes deviennent hypertendues. Dans la grande étude du Royal College of General Practitioners, l’incidence de l’hypertension a varié entre 9,5 et 15 cas par 1 000 patientes-année suivant la dose d’estrogène et le type de progestatif associé. L’étude la plus documentée est sans doute celle publiée en 1996 par Chasan Taber et coll., dans le cadre de la « Nurses’ Health Study ». Elle a porté sur plus de 68 000 femmes, normotendues avant contraception. Il existe dans cette étude une augmentation significative de la PAS et de la PAD à partir de 2 ans d’utilisation, mais cette augmentation reste stable et la différence n’augmente pas avec le temps. Le risque relatif de devenir hypertendue est aux alentours de 2 chez les utilisatrices, significatif au-delà de 2 ans d’usage. Ce risque n’est plus que de 1,2 pour les ex-utilisatrices.   Influence de la composition du contraceptif   Dose d’estrogène Il est communément admis que les préparations contenant une faible dose d’estrogène (30 µg EE ou moins) élèvent moins la pression artérielle que celles fortement dosées (50 à 100 µg). Cette idée a été appuyée par diverses études prospectives. Weir, notamment, a rapporté une courte série de patientes chez lesquelles une hypertension était apparue sous un contraceptif dosé à 50 µg d’EE, et elle a significativement diminué dans les mois qui ont suivi le passage à un contraceptif dosé à 30 µg. Cette dose-dépendance n’a cependant pas été retrouvée dans toutes les études, tant s’en faut. Ainsi, aussi bien dans l’étude du Royal College of General Practitioners que dans celle du Committee on Safety of Medicines, la dose d’estrogène (30 ou 50 µg d’EE) était sans incidence sur la fréquence de l’hypertension. Dans l’étude NPHS, la PAS moyenne était de 117,5 mmHg chez les femmes sans contraception, 129,7 mmHg chez celles sous 30 µg d’EE, et 125,3 mmHg chez celles sous 50 µg d’EE.   La nature et la dose du progestatif Elles semblent en revanche influer sur l’hypertension. • Godsland et coll. ont étudié 1 200 femmes, qu’ils ont réparties en 6 groupes de combinaisons estroprogestatives, toutes dosées à 30 ou 40 µg d’EE, en association avec divers progestatifs. Une augmentation significative de la pression artérielle a été constatée avec le lévonorgestrel, mais pas avec la noréthindrone, ni avec le désogestrel. Les variations de la pression artérielle étaient positivement corrélées à la réponse insulinique à l’hyperglycémie provoquée. • Dans l’étude du Royal College of General Practitioners, quelle que soit la dose d’estrogène, l’augmentation de la dose du progestatif (que ce soit la noréthistérone ou le lévonorgestrel) a significativement augmenté la fréquence de l’hypertension. • D’autres études ont montré une relation entre la dose de lévonorgestrel et la PAS. • La même constatation n’a pas été faite dans l’étude du Committee on Safety of Medicines où des doses plus élevées des mêmes progestatifs ont augmenté significativement la fréquence des accidents cardio-vasculaires, mais pas de l’hypertension.   Risque vasculaire Nous ne nous attarderons pas ici sur l’augmentation du risque vasculaire induite par la contraception. • Certaines études anciennes ont été alarmistes, montrant un accroissement, parfois important, du risque coronaire chez les utilisatrices de pilule, surtout au-delà de 35 ans et en cas de tabagisme associé. • D’autres études plus récentes ne retrouvent pas ce risque, ou à tout le moins le tempèrent largement. En particulier, les dernières données du Royal College of General Practitioners, fondées sur un recul de 25 ans chez 46 000 femmes, montrent une absence d’augmentation de la mortalité par maladie coronaire et un très modeste accroissement du risque d’accident vasculaire cérébral. Ces données rejoignent celles établies par un groupe d’étude de l’OMS. En tout état de cause, même si le risque est augmenté, le nombre absolu d’accidents est très faible, ce qui explique probablement la difficulté d’interprétation des études. Néanmoins, les principales recommandations maintiennent la réticence chez les femmes fumeuses de plus de 35 ans (cf. tableau).         Tableau clinique   Le plus souvent bénigne L’hypertension induite par la pilule se présente, dans la majorité des cas, comme modérée et sans retentissement. Son tableau clinique n’appelle aucun commentaire particulier. De plus, toutes les études concordent sur la réversibilité habituelle de cette hypertension à l’arrêt du contraceptif, réversibilité totale dans plus de la moitié des cas.      De rares tableaux dramatiques Les choses sont cependant parfois moins bénignes, et deux circonstances dramatiques peuvent se présenter. En fait, la fréquence de ces deux complications graves dans la population des femmes sous contraception estroprogestative n’a jamais été chiffrée ; seules de courtes séries en ont rapporté. Dans un petit nombre de cas, l’élévation tensionnelle peut être beaucoup plus brutale et importante, conduisant alors à un véritable tableau d’HTA maligne. Celui-ci associe des chiffres tensionnels d’une élévation souvent extrême, mais surtout des céphalées violentes, une chute de l’acuité visuelle et un fléchissement de la fonction rénale attestant d’un retentissement viscéral majeur et rapide. L’arrêt de la contraception est alors tout aussi urgent qu’un traitement antihypertenseur énergique et adapté. À ce prix, l’évolution est habituellement très favorable, bien plus en fait que celle des hypertensions malignes idiopathiques. La survie à 10 ans a ainsi été rapportée de 90 % lorsque l’hypertension maligne était liée à la pilule, contre 50 % pour les autres étiologies. La possible survenue d’un syndrome hémolytique et urémique a également été rapportée dans diverses publications. Cette éventualité, particulièrement grave, est, heureusement, tout aussi rare. Elle peut se présenter lors d’une reprise de la contraception après un accouchement.   Facteurs prédisposants     Les principaux sont l’âge (l’hypertension est plus fréquente au-delà de 35 ans) et l’obésité. Des antécédents familiaux d’hypertension existent chez plus de la moitié des patientes. Les antécédents de prééclampsie ne semblent pas impliquer une prédisposition particulière à l’hypertension sous pilule. En ce sens, la prééclampsie ne devrait pas contre-indiquer une contraception estroprogestative ultérieure, sous réserve d’un retour à la normale de la pression artérielle en post-partum.       Mécanismes Nous ne nous attarderons pas ici sur le mécanisme de l’augmentation de pression artérielle sous contraception estroprogestative. En fait, deux mécanismes semblent largement dominer. Le premier est l’augmentation de l’angiotensinogène induite par les estrogènes de synthèse, qui facilite l’activation du système rénine-angiotensine. Cette activation a été mise en évidence dans la quasi-totalité des études. Le second mécanisme est une résistance à l’insuline avec hyperinsulinisme que l’on sait associé à nombre de pathologies hypertensives. Enfin, une rétention sodée peut être induite par les estrogènes et plus encore par certains progestatifs qui tendent également à augmenter la pression artérielle.           Conduite pratique Les recommandations suivantes sont proposées par Kaplan : - utiliser un contraceptif renfermant la plus faible dose possible d’œstrogène ; - mesurer la pression artérielle au moins tous les 6 mois ; - si augmentation, arrêter la pilule et choisir un autre moyen contraceptif ; - si la pression artérielle n’est pas normalisée après 3 mois, instituer une thérapeutique adéquate ; - enfin, si aucun autre moyen contraceptif n’est possible, rendant l’usage de la pilule indispensable, le faire sous couvert d’un traitement antihypertenseur adéquat et d’une surveillance vigilante.     Chez une hypertendue     Le raisonnement est sensiblement le même. La patiente hyper-tendue chronique n’est pas le terrain le plus favorable à une contraception estroprogestative, surtout si elle a plus de 35 ans et qu’elle fume. Une contraception progestative pure ou par dispositif intra-utérin sont des alternatives à privilégier. En cas de difficultés majeures, une contraception estroprogestative peut rester envisageable, mais elle suppose un parfait contrôle de la pression artérielle et une surveillance très attentive. Notons, de plus, qu’un tel usage chez l’hypertendue n’est pas conforme à l’AMM française.     Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 4 sur 69

Vidéo sur le même thème