publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Thrombose

Publié le 07 déc 2010Lecture 9 min

Comment évaluer le risque thromboembolique dans la fibrillation auriculaire non valvulaire ?

S. EDERHY et A. COHEN, Hôpital Saint-Antoine

Place des scores de risque et de l’échocardiographie
La fibrillation auriculaire (FA) est un facteur de risque indépendant d’accident vasculaire cérébral (AVC) et d’embolie artérielle périphérique(1). Elle est associée à une augmentation de la morbidité d’un facteur 5 et de la mortalité d’un facteur 2(1). Le risque absolu d’AVC chez les patients en FA n’est cependant pas homogène et varie de 1 à 12 % en fonction de la présence de marqueurs de risque cliniques et/ou échocardiographiques(2). Les paramètres échocardiographiques (taille de l’OG, fraction de raccourcissement, FEVG) et transoesophagiens (thrombus intra auriculaire, Contraste spontané, vélocités intra auriculaire et athérome aortique) peuvent compléter la stratification.
Les antivitamines K (AVK) permettent une réduction du risque relatif d’AVC de 62 %, et les antiagrégants plaquettaires (AAP) de 22 %(3). Ces 2 traitements sont efficaces tant en prévention primaire que secondaire(4). Les outils d’évaluation du risque thrombo-embolique validés sont essentiellement cliniques et échocardiographiques. La biologie malgré des résultats encourageants et prometteurs ne peut être recommandé en pratique de tous les jours.

Stratification clinique Treize classifications sont actuellement décrites pour stratifier le risque, reposant sur une combinaison de paramètres cliniques aisément et rapidement colligés au lit du patient (tableau 1)(5). Cinq de ces études sont basées exclusivement sur des paramètres cliniques, 7 combinent paramètres cliniques et échocardiographiques. Elles ont en commun de toutes classer les patients en trois strates (faible risque, risque modéré, haut risque thromboembolique). En apparence simples, ces échelles de stratifications divergent sur de nombreux points. Le nombre de paramètres cliniques utilisés varie de 4 à 8. L’antécédent d’AVC est utilisé dans toutes les stratifications, l’âge et le diabète dans 11 des 13 classifications décrites. L’insuffisance cardiaque, la dysfonction systolique ventriculaire gauche et le niveau de pression artérielle systolique sont intégrés dans 7 des 12 classifications. L’antécédent de cardiopathie ischémique et le sexe féminin ne font partis que de respectivement 5 et 4 classifications. Il existe en outre des différences importantes entre ces classifications sur les ages retenus comme pathologiques ou à haut risque (65 vs 75 ans)(5). Le nombre de patients classés à risque faible, modéré et élevé n’est pas homogène d’une classification à l’autre. Ainsi la proportion de patients à faible risque peut varier de 9 % à 49 %. La fréquence des AVC dans cette même catégorie varie de 0.1 à 0,9 % par an. La proportion de patients à haut risque varie de 11 % à 77 % avec une fréquence d’AVC variant de 2,5 à 4 %. Schématiquement, 4 facteurs de risque apparaissent comme des marqueurs indépendants du risque d’AVC : l’antécédent d’AVC, l’HTA, l’âge > 75 ans et le diabète. Limites de la stratification clinique Quelle prise en charge pour les patients CHADS = 1 ? Les recommandations les plus récentes (ACC/AHA 2006, ACCP 2008) et de l’ESC 2010 indiquent que pour les patients ayant un score CHADS = 1 ou CHADSVASc = 1, la prescription des AVK ou des AAP est envisageable(4, 6). Cette situation relativement fréquente n’est donc pas tranchée par les recommandations. L’étude de Fauchier(7) montre que les patients recevant un AVK ont une diminution des évènements cardiovasculaires comparativement aux patients recevant un AAP (RR = 0,42, IC 95 % 0,29- 0,60, p < 0,0001). Dans cette étude, la non-prescription d’un AVK est un marqueur indépendant des évènements cardiovasculaires en analyse multivariée(7). Âge L’âge n’est considéré comme marqueur du risque thromboembolique qu’au-delà de 75 ans dans le score CHADS(8). L’étude AFI, a cependant montré qu’une augmentation du risque relatif d’AVC de 1,5 était observée par décade(9). HTA L’hypertension artérielle traitée et contrôlée est elle un marqueur du risque thrombo embolique ? Une analyse post-hoc de l’étude SPORTIF V montre que le risque d’AVC des sujets ayant une l’HTA contrôlée avec une PAS < 140 mmHg est nettement inférieure aux patients ayant une PAS > 140 mmHg(10). Peut-on améliorer la stratification clinique ? Plusieurs travaux ont apporté des réponses importantes et intéressantes quant à la possibilité d’affiner la prédiction du risque par le Score CHADS. Rietbrock(11) a montré qu’il était possible d’affiner la stratification du risque en incluant le sexe, en divisant la variable âge en 6 sous groupes et en attribuant un score de 6 à l’antécédent d’AVC(11).   Le score CHA2DS2-VASc proposé et validé par Lip(12) dans la cohorte EUROHEART SURVEY propose d’intégrer les antécédents de maladie cardio-vasculaire, le sexe, et de pondérer par l’âge (tableau 2)(12). Les marqueurs de l’activation endothéliale (facteur Willebrand), de l’inflammation (CRPus) semblent être prometteurs pour compléter la stratification clinique mais ne peuvent être pour le moment recommandés en pratique clinique.   Stratification échocardiographique Les paramètres échocardiographiques transthoraciques et transoesophagiens peuvent participer à l’évaluation du risque thromboembolique. ETT Une étude synthétisant les données échographiques de trois études de cohortes prospectives a montré qu’une dysfonction ventriculaire gauche systolique est associée à une augmentation du risque d’AVC ischémique d’un facteur 2,5(13). Chez les patients considérés comme à faible risque par la stratification clinique, le taux d’AVC en présence d’une dysfonction systolique ventriculaire passe de 0,4 % à 9,3 % par an et de 4,4 % à 15 % par an chez les patients à haut risque(13). Dans l’étude SPAF, la taille de l’OG et la dysfonction systolique ventriculaire gauche sont les 2 paramètres associés à une augmentation du risque thromboembolique(14). Les études SPAF I et SPAF III ont montré que le taux d’événements thromboemboliques était de 8 % par an dans le groupe de patients ne présentant pas de dilatation de l’OG contre 12 % par an dans le groupe où l’OG était dilatée (p < 0,05)(13). Cependant dans l’étude AFFIRM aucun des paramètres échocardiographiques relevés en ETT n’étaient associés à une augmentation du risque thromboembolique(14). ETO L’échocardiographie transœsophagienne (ETO) permet d’analyser avec précision les différentes composantes de la dysfonction auriculaire gauche et de préciser la présence de plaques d’athérome aortique. Un contraste spontané intense, les basses vitesses et la présence d’un thrombus auriculaires gauches sont des marqueurs du risque thromboembolique. Schématiquement, un thrombus auriculaire gauche confère un risque relatif d’évènements multiplié par 2,7. La présence de basses vitesses auriculaires gauches augmente le risque d’AVC de 2,6 et le contraste spontané par 2,9 (IC 95 % 1,4- 2,2). La présence de plaques d’athérome aortique multiplie par 4 le taux d’événements cérébrovasculaires(15). Vélocités intra-auriculaires gauches (figure 1) Figure 1. Vitesse intra-auriculaire mesurée en ETO.   La diminution des vitesses auriculaires gauches constitue un facteur prédisposant à la thrombose localisée dans l’oreillette gauche et donc au risque thromboembolique.   Des vitesses de vidange/remplissage auriculaires gauches inférieures à 20 cm/s sont associées à un contraste spontané auriculaire gauche dans 75 % des cas(15). Dans l’étude SPAF III, 17 % de thrombus auriculaire gauche sont retrouvés lorsque les vitesses auriculaires gauches étaient inférieures à 20 cm/s contre 5 % dans le groupe de patients ayant des vélocités conservées (p < 0,05). Cette même étude mettait ainsi en évidence une augmentation du risque d’AVC de 2,6 en présence de basses vitesses auriculaires gauches(16). Contraste spontané dans l’auricule et l’oreillette gauche Le contraste spontané auriculaire gauche (figure 2) est défini par la présence d’un nuage dynamique d’échos de faible amplitude animés d’un mouvement lent, répétitif, circulaire. Sa prévalence varie de 12 à 67 % dans la FA non valvulaire(17-18). Figure 2. Contraste spontané en ETO. Mettre thrombus en 3D. Figure 2a. Contraste spontané en ETO 3D.   La présence d’un contraste spontané auriculaire gauche est corrélée à la présence d’un thrombus intra-auriculaire et aux événements thromboemboliques. Le taux d’événements thromboemboliques à un an est de 9,5 % en présence d’un contraste spontané auriculaire gauche contre 2,2 % en son absence (p < 0,01)(17). Dans l’étude de Kleeman(18), les prédicteurs d’un contraste spontané auriculaire gauche étaient une dysfonction systolique VG < 40 % et un diamètre anteroposterieur de l’oreillette > 50 mm(18). Thrombus auriculaire gauche (figure 3) Figure 3 a. Thrombus intra OG en transit visualisé en ETT. Figure 3b. Thrombus intra auriculaire gauche en ETO. Figure 3 c. Thrombus intra auriculaire gauche en échographie 3D par voie œsophagienne.   Le thrombus est une masse échogène, bien circonscrite pouvant siéger dans l’oreillette ou l’auricule gauche ayant une échogénicité se distinguant des muscles pectinés et de l’endocarde. Quatre vingt dix pour cent des thrombi siègent dans l’auricule gauche(19). La présence d’un contraste spontané, de basses vélocités (< 25 cm/s)(19) et la dilatation de l’auricule gauche sont significativement associées à la formation d’un thrombus(17). La prévalence du thrombus auriculaire gauche varie en fonction du type, de l’ancienneté et de la durée de la FA. Pour une FA de moins de trois jours, un thrombus intra auriculaire est retrouvé chez 14 % des patients contre 27 % au delà(19). Dans l’étude SPAF III, un thrombus était décrit chez 10 % des patients et était associé à une augmentation du risque relatif d’événement thromboembolique de 2,7(15) ; sa fréquence était réduite dans le groupe sous AVK à dose ajustée. Athérome aortique L’athérome aortique de l’aorte ascendante et de la crosse aortique proximale est un puissant marqueur du risque cardiovasculaire chez les patients en rythme sinusal, au décours d’un AVC(20) mais aussi chez les patients en FA. Sa prévalence est élevée variant de 46 à 57 % selon les études et celle de l’athérome complexe ou protrusif (épaisseur 34 mm) de 10 à 25 %. Chez les patients en FA, l ’athérome aortique est associé à une augmentation d’événements thromboemboliques de 15,8 % par an(15). L’association d’anomalie auriculaire gauche et d’un athérome aortique protrusif sélectionne un sous-groupe de patients en FA présentant un risque d’événements thromboemboliques de 20,5 % par an(15). L’étude SPAF III a rapporté chez les patients en FA à risque clinique thromboembolique élevé une prévalence élevée d’athérome aortique complexe chez les patients à faible risque (15 % versus 35 % chez les patients à haut risque). Des anomalies auriculaires gauches (thrombus intra-auriculaire, basses vélocités, contraste spontané) et un athérome aortique protrusif étaient visualisés en ETO chez 15 à 20 % des patients à risque clinique faible(15). Stratification clinique et échocardiographique sont-elles superposables ou complémentaires ? Les limitations de la classification cliniques ont été envisagées, l’ETO ne peut être réalisée chez tous les patients. L’étude EUROHEART SURVEY montre d’ailleurs qu’elle n’est réalisée que chez 20 % des patients en FA et l’ETT n’est réalisé que chez 80 % des patients(21). L’étude SPAF a montré qu’il n’existait pas de superposition des stratifications clinique et échocardiographique. Ainsi, dans la population considérée à faible risque par la stratification clinique, 15 % présentent une anomal ie aur iculai re gauche(15). Di Angelantonio avait par ailleurs montré qu’une anomalie auriculaire (auricule gauche dilaté, basse vélocité, contraste spontané ou thrombus) était documenté chez 59 % des patients présentant une FA isolée (Lone AF). Kleeman(18) a rapporté chez des patients sous AVK et ayant un score CHADS 0/1 une prévalence de thrombus de 3 % et de contraste spontané intense auriculaires gauches chez 8 % des patients(18). La présence d’un contraste intense auriculaire gauche chez des patients sous AVK est associée pour Berhnardt(23) à une majoration des AVC. Wysonkinski(24) a montré que 26 % des patients ayant un thrombus intra auriculaire ont un score CHADS de 0 ou 1. L’ETT et l’ETO peuvent donc avoir un intérêt majeur en identifiant au sein d’une population considérée comme à faible risque ou à risque intermédiaire, les patients pouvant bénéficier d’une prescription d’AVK. Les recommandations Européennes 2010 de prescription des antithrombotiques dans la FA Les recommandations européennes publiées en Octobre 2010 se démarquent quelque peu des recommandations de l’AHA publiées en 2006, et de l’ACCP en 2008 en modifiant la stratégie de prescription des antithrombotiques basée jusqu’ici sur le score CHADS2. Ces recommandations proposent d’adopter le score de stratification CHA2DS2-VASc qui distingue des marqueurs de risques majeurs que sont l’insuffisance cardiaque, l’HTA, Age ≥75 ans, le diabète et l’antécédent d’AVC, des marqueurs de risques mineurs définis par la présence d’un age compris entre 65 et 74 ans, le sexe féminin et la présence d’une atteinte vasculaire (score CHA2DS2-VASc, tableau 2 ). Une population à très faible risque d’évènements peut être identifiée en l’absence de marqueurs majeurs et mineurs (Score CHA2DS2-VASc = 0). Cette population de patients ne relève d’aucune prescription d’AVK ou d’AAP ou peut être traitée par AAP avec un bénéfice modeste. En présence d’un marqueur de risque mineur une prescription d’AAP ou AVK est possible, cependant le niveau de recommandation est en faveur des AVK. Les AVK sont recommandés en présence de 2 marqueurs mineurs ou d’un marqueur majeurs de risque. La place du dabigatran est envisagé dans ces recommandations même si pour le moment cette molécule n’a pas obtenu d’autorisation de mise sur le marché. La dose de 150 mg pourrait être proposé en alternative aux AVK chez des patients à faible risque hémorragique et la dose de 110 mg chez les patients à haut risque hémorragique. En pratique La prescription d’un AVK ou d’un antiagrégant plaquettaire doit reposer sur une stricte appréciation du risque thromboembolique. Malgré l’existence d’outils pertinents et validés ainsi que de recommandations mises à jour récemment le niveau de prescription des anticoagulants reste très largement en deçà de ce qu’il devrait être(25). La stratification clinique est actuellement l’outil de première intention dans l’évaluation des patients en FA. Cependant, et du fait de certaines limites, elle peut être complétée dans certaines situations par l’ETT et l’ETO pour affiner cette première approche. Avec la collaboration de G. DUFAITRE, C. MEULEMAN, E. BERTHELOT, F. DOUNA, G. FLEURY, N. HADDOUR, S. LANG, L. BOYER-CHATENET, F. BOCCARA

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  •  
  • 1 sur 19

Vidéo sur le même thème