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Études

Publié le 25 jan 2005Lecture 7 min

BENEDICT (Bergamo Nephrologic Diabetes Complications Trial) - La prévention primaire de la néphropathie diabétique est faisable

M. DEKER, Paris

Pour la première fois, une étude apporte la preuve qu’il est possible de prévenir le développement d’une microalbuminurie chez des patients hypertendus porteurs d’un diabète de type 2 et normoalbuminuriques. L’étude BENEDICT (Bergamo Nephrologic Diabetes Complications Trial) montre que le déclin de la fonction rénale chez le diabétique hypertendu n’est pas inéluctable.

La micro-albuminurie : un facteur de risque chez le diabétique Le diabète de type 2 connaît aujourd’hui une progression exponentielle, puisqu’on estime que d’ici une trentaine d’années le nombre de diabétiques avoisinera les 370 millions, comparativement aux 170 millions actuels. Un tiers environ risque de subir une détérioration progressive de la fonction rénale, dont le premier signe est l’apparition d’une microalbuminurie persistante, souvent associée à une hypertension artérielle. En l’absence de traitement, la fonction rénale continue de se dégrader avec l’apparition d’une macroalbuminurie (protéinurie) et une baisse progressive de la filtration glomérulaire, pouvant aboutir à une insuffisance rénale terminale. Les efforts de préventions primaire et secondaire de la dégradation fonctionnelle rénale sont d’autant plus justifiés qu’une fois l’insuffisance rénale installée, il est très difficile de la faire régresser.   Diabète et fonction rénale • 170 millions de diabétiques dans le monde. • Un tiers vont développer une altération de la fonction rénale, débutant par une microalbuminurie persistante. • Une fois la microalbuminurie apparue, 20 à 40 % développent une macroalbuminurie, qui progressera vers l’insuffisance rénale chronique chez 10 à 50 % des patients. • 40 à 50 % des diabétiques de type 2 présentant une microalbuminurie décèdent de maladie cardio-vasculaire, soit un risque 3 fois plus élevé que celui des diabétiques sans microalbuminurie.   … Et le non-diabétique La microalbuminurie, définie au-delà d’un seuil de 30 mg/j et en deçà de 300 mg/j, est non seulement le signe le plus précoce d’une altération de la fonction rénale, mais elle est associée à une augmentation du risque cardio-vasculaire. Rien d’étonnant à cela puisque le rein est l’organe le plus vascularisé et offre donc un excellent reflet de l’état global du système cardio-vasculaire. La présence d’une microalbuminurie est, en outre, un facteur de risque de mortalité chez les patients présentant un infarctus du myocarde, indépendamment de l’existence ou non d’un diabète (Berton G et coll. Diabetologia 2004 ; 47 : 1511-8).   Prévenir la dégradation de la fonction rénale chez le diabétique Avant que soit entreprise l’étude BENEDICT, d’autres études réalisées à des stades ultérieurs de la néphropathie diabétique, chez des patients diabétiques porteurs d’une micro- ou d’une macroalbuminurie, ont montré qu’il est possible de ralentir la progression de l’atteinte rénale (figure 1). Ainsi, les études RENAAL (Reduction of Endpoints in Non-insulin dependant diabetes mellitus with the Angiotensin II Antanonist Losartan) et IDNT (Irbesartan in Diabetic Nephropathy Trial) ont montré que le blocage du système rénine-angiotensine exerce un effet néphroprotecteur chez les diabétiques de type 2 porteurs d’une macroalbuminurie, au-delà de son effet sur la pression artérielle. L’étude IRMA-2 (IRbesartan in patients with type 2 diabetes and MicroAlbuminuria) a aussi mis en évidence un effet de prévention du développement d’une protéinurie chez des diabétiques hypertendus ayant une microalbuminurie. Ces travaux sont venus confirmer l’intérêt du blocage du système rénine-angiotensine en prévention secondaire de la néphropathie diabétique. Figure 1. Études réalisées dans le diabète de type 2 en prévention de la progression de la néphropathie. Plan de l’étude BENEDICT BENEDICT est un essai comparatif randomisé multicentrique ayant inclus 1 204 patients diabétiques de type 2, hypertendus et normoalbuminuriques à l’entrée dans l’étude, avec pour objectif d’évaluer l’effet du trandolapril, un inhibiteur de l’enzyme de conversion, associé ou non au vérapamil, un inhibiteur calcique non hydropyridinique (NHPD), comparativement au placebo, en termes de prévention de la microalbuminurie.   Critères d’inclusion - Âge ≥ 40 ans, - diabète de type 2 (définition OMS) depuis moins de 25 ans, - PA ≥ 130/85 mmHg, - albuminurie < 20 µg/min sur au moins 2/3 prélèvements, - créatinine sérique < 1,5 mg/dl.   Critères d’exclusion - HbA1c ≥ 11 %, - contre-indications aux traitements évalués. Après une période de wash-out de 9 semaines permettant l’arrêt des traitements antihypertenseurs précédents (bloqueurs du système rénine-angiotensine, 6 semaines ; inhibiteurs calciques NDHP : 3 semaines), les patients ont été aléatoirement assignés à 4 groupes de traitement : • trandolapril, 2 mg/j (n = 301) ; • vérapamil SR, 240 mg/j (n = 303) ; • vérapamil SR + trandolapril, aux mêmes doses (n = 300) ; • placebo (n = 300). La pression artérielle cible était de 120/80 mmHg. Pour l’atteindre, d’autres thérapeutiques antihypertensives pouvaient être prescrites, en procédant par étapes : • palier 1 – hydrochlorothiazide ou furosémide ; • palier 2 – doxazosine, prazosine, clonidine, méthyldopa ou bêtabloquant (en fonction des indications individuelles) ; • palier 3 – minoxidil ou inhibiteur calcique hydropyridine LP. En termes de contrôle du diabète, il était recommandé de maintenir l’HbA1c à moins de 7 %. Un contrôle de la pression artérielle et de l’albumine urinaire a été effectué à la randomisation, puis au bout d’1 semaine, d’1 mois, à 3 mois puis tous les 3 mois, jusqu’à la fin de l’étude. Un bilan périodique a permis de mesurer d’autres paramètres du bilan sanguin (glycémie, ionogramme, urée, créatinine, HbA1c, bilan lipidique). Le principal critère de jugement a été le délai d’apparition d’une microalbuminurie persistante, définie pour une valeur ≥ 20 µg/minute mesurée lors de deux consultations successives. L’amplitude de l’effet a été évaluée par un facteur d’accélération (modèle AFT ou accelerated failure-time) qui indique l’accélération ou le ralentissement de la progression vers la microalbuminurie sous un traitement comparativement à un autre. Les critères de jugement secondaires ont été les valeurs de la pression artérielle sous traitement et les effets indésirables.   Caractéristiques des patients à l’entrée dans l’étude - Âge moyen : 62 ans ; hommes 53 %, - indice de masse corporelle : 29 kg/m2, - durée du diabète : 7,8 ans, - fumeurs actuels : 11 %, - HbA1c moyenne : 5,8 % ; glycémie à jeun : 1,60 g/l, - PA : 150/87 mmHg ; albuminurie : 5 µg/min ; créatininémie : 0,9 mg/dl ; cholestérol-HDL : 1,6 g/l.   Résultats Les 1 204 patients randomisés ont été suivis pendant une durée médiane de 3,6 ans (extrêmes : 1,3 à 4,3 ans), sans différence de durée entre les quatre groupes.   Trandolapril + vérapamil SR versus placebo Le traitement combiné a permis de retarder significativement l’apparition de la microalbuminurie par un facteur de 2,6, avec un facteur d’accélération de 0,39 (IC à 95 % : 0,19 à 0,80 ; p = 0,01), soit une réduction du risque de 61 % (figure 2). Figure 2. Étude BENEDICT : incidence de la microalbuminurie chez les patients normoalbuminuriques au début de l’étude. Autres comparaisons Dans le groupe trandolapril seul, 6 % des patients ont développé une microalbuminurie, comparativement à 11,9 % dans le groupe vérapamil seul, ce qui correspond à un retard d’un facteur 2,1 avec un facteur d’accélération de 0,47 (IC à 95 % : 0,26 à 0,82 ; p = 0,01), soit une réduction du risque de 53 %. Le traitement combiné trandolapril + vérapamil et le trandolapril seul ont significativement retardé l’installation d’une microalbuminurie comparativement au vérapamil seul, de 61 et 53 % respectivement (figures). En revanche, le vérapamil seul n’a pas montré d’effet préventif significatif sur le développement de la microalbuminurie, comparativement au placebo. Les valeurs moyennes de la pression artérielle obtenues dans les quatre groupes ont été les suivantes : • 139/80 mmHg dans le groupe combiné ; • 139/81 mmHg dans le groupe trandolapril ; • 141/82 mmHg dans le groupe vérapamil ; • 142/83 mmHg dans le groupe placebo ; soit de meilleurs résultats dans les deux premiers. Il n’a pas été observé de différences entre les groupes en termes d’effets indésirables et d’événements cardio-vasculaires.   Au total L’étude BENEDICT montre qu’un traitement par le trandolapril, seul ou associé au vérapamil, permet de retarder significativement le développement d’une microabuminurie chez le patient diabétique hypertendu. Cet effet néphroprotecteur est indépendant de l’effet sur la pression artérielle et redevable au blocage du système rénine-angiotensine exercé par le trandolapril. Parmi les mécanismes permettant d’expliquer les effets bénéfiques du blocage du système rénine-angiotensine, deux émergent : des effets hémodynamiques et des modifications structurelles, qui sont eux-mêmes corrélés. En diminuant les résistances artérielles, le trandolapril contribue à abaisser la pression glomérulaire, elle-même impliquée dans la genèse des lésions de glomérulosclérose et de fibrose interstitielle. Par ailleurs, il est probable que les IEC possèdent un effet anti-inflammatoire, notamment en bloquant le TGF a, facteur de croissance dont l’importance est cruciale dans le développement de l’hypertrophie rénale, l’une des manifestations les plus précoces des lésions de néphropathie diabétique. D’ailleurs, la microalbuminurie n’est peut-être qu’un marqueur de l’inflammation du système vasculaire.   En pratique   Nous savions déjà qu’il convient de traiter les patients diabétiques non hypertendus par un bloqueur du système rénine-angiotensine pour protéger le rein. L’étude BENEDICT apporte la preuve que, chez un diabétique hypertendu et normoalbuminurique, un traitement par le trandolapril, plus ou moins associé au vérapamil, retarde la progression vers la microalbuminurie. Il restera à évaluer l’importance relative des autres mesures thérapeutiques chez ce type de patient, notamment les contrôles glycémique et lipidique, pour préserver la fonction rénale.

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