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Études

Publié le 21 juin 2011Lecture 5 min

Angioplastie rénale : pourquoi faut-il oublier ASTRAL ?

J.-P. BEREGI, S. OVTCHINNIKOFF, Radiologie, CHU de Nîmes, France

L’étude ASTRAL, étude randomisée multicentrique publiée dans le New England Journal of Medicine1 concernant l’angioplastie rénale n’a pas remplit les promesses qu’elle avait fait espérer  : répondre à la question posée par les investigateurs sur les indications de l’angioplastie rénale. La raison principale de cet échec est a posteriori  finalement simple : il s’agit d’une erreur de casting au départ sur les critères d’inclusion.

Les critères d’inclusion des malades étaient tout simplement les mauvaises indications de l’angioplastie rénale ou les malades pour lesquels les médecins avaient des doutes sur l’efficacité d’une angioplastie. En fait, on a l’impression que l’étude était bâtie pour permettre une justification des traitements médicamenteux par les concepteurs de l’étude. Bien que la réalisation de l’étude n’ait pas impliqué de financement privé à en croire les déclarations faites – financement unique par le fonds de recherche anglais – , les médecins du steering comity étaient pour la majorité des néphrologues, dubitatifs par rapport aux techniques de revascularisations. Lobbying ou la force de l’évidence L’objectif de cet article est de démontrer les biais d’une étude qui conduisent à de mauvaises conclusions et à des bénéfices perdus pour les malades. Les lobby sont toujours présents derrière les grandes avancées médicales et il est dommage que le lobbying de l’industrie pharmaceutique soit plus fort que celui des rares équipes qui se battent pour sauver les malades des reins et exercent leur métier avec grande conviction. Ainsi, j’incite tous les médecins pratiquant des actes d’angioplastie rénale à le faire dans le respect des bonnes pratiques en espérant qu’un jour ce geste sera mieux reconnu et établi. ASTRAL ou la source de la discorde Revenons à l’étude elle-même qui a inclus 806 malades en deux groupes égaux, sans différences significatives dans les critères d’inclusion. Le critère principal était un paramètre complexe de la fonction rénale qui était évaluée avec un suivi moyen de 36 mois (maximum de suivi à 5 ans mais groupe de malade restant très faible). La différence entre le groupe traité médicalement et par angioplastie n’était pas significative malgré une tendance en faveur de l’angioplastie pour la préservation de la fonction rénale (p = 0,06). Cependant, la robustesse de l’étude est remise en question compte tenu du fait que 25 % des malades avaient une fonction rénale normale et 15 % limite. Comment étudier la préservation de la fonction rénale de malades sans altération de cette fonction  ? Certains malades avaient par contre une clairance < 10 ml/min, étaient en stade de prédialyse et n’avaient pas d’indication reconnue de revascularisation. Donc, outre l’inclusion de malades incertains pour la revascularisation, des malades chez qui l’angioplastie était contre-indiquée étaient inclus comme ceux par exemple avec un rein inférieur à 8 cm (minimum à 6 cm dans l’étude) ou avec des sténoses de 40 %. Quantification morphologique et/ou fonctionnelle des sténoses Ce dernier point mérite attention devant la difficulté dans la pratique courante à quantifier les lésions sténosantes des artères rénales. La difficulté réside dans la contrainte technique et anatomique qui empêche de tourner autour des artères rénales en angiographie. Comme en angiographie coronaire, l’apport d’un outil d’évaluation du retentissement physiologique serait intéressant. La prise des pressions est un de ces outils  une différence significative (20 mmHg de systolique ou 10 mmHg sur la moyenne) indique la présence d’un rétrécissement significatif. L’apport de la FFR (prise de pression sensibilisée par un test de vasodilatation) apparaît comme plus discriminant avec l’avantage de détecter des lésions significatives avec gradient de pression en basal absent ou faible. L’utilisation de ces outils n’intéresserait, bien entendu, que des lésions intermédiaires compte tenu de leur coût de mise en œuvre (prix du guide pression). Plaidoyer pour des centres experts Cette étude a trouvé un taux de complications plus élevé dans des travaux publiés récemment. Ce taux de complications s’explique par le recrutement de centres qui n’ont inclus que peu de malades. Ainsi sur les 50 centres participants, plus de 40 ont inclus moins de 10 malades en 7 ans (durée très longue d’inclusion, étendue compte tenu du faible taux d’inclusion). Comme toute technique interventionnelle ou opératoire, la comparaison d’un traitement interventionnel avec un groupe traité médicalement se heurte à un taux plus élevé de complications. Cependant, ce taux est anormalement élevé faisant poser la question de la qualification des centres et des opérateurs. L’angioplastie rénale avec ou sans stenting semble simple pour certains mais est sujette à des complications plus élevées dans des centres avec faible recrutement. Cette étude renforce donc le concept qui consiste à ne pas pratiquer d’angioplastie « au coin du bois » mais bien dans des centres experts, cela d’autant que les indications peuvent être discutées et les techniques multiples en fonction de l’anatomie vasculaire. Analyse en intention de traiter alors que près de 20 % des malades n’ont pas eu le traitement initialement prévu Le dernier problème méthodologique est celui d’une étude avec analyse des résultats en intention de traitement. Ce point indique que les deux groupes sont analysés après randomisation quel que soit le traitement reçu. Or, dans le groupe soi-disant traité par angioplastie, 44 malades sur 403 n’ont pas eu d’angioplastie et 17 sur 403 ont subi un échec de procédure (donc 15 % n’ont pas eu le traitement interventionnel). De plus, 18 malades dans le groupe médical ont bénéficié d’une angioplastie rénale. Enfin, dans le groupe traité par angioplastie, les malades devaient attendre longtemps entre la randomisation et leur traitement (25 % entre 2-4 semaines ; 20 % entre 4-6 ; 20 % entre 6-10 et 12 % plus de 10 semaines. Ce délai est à considérer comme étant en défaveur potentiel de ce groupe. Revenons aux indications de base Au total, avec une étude orientée, des critères d’inclusion impensables et des biais d’inclusion et d’évaluation, ce travail ne mérite pas les conclusions rapportées par les auteurs. On est sidéré de lire des conclusions sur la remise en question d’indications non étudiées dans ce papier. Les recommandations émises par les différentes sociétés savantes restent valables encore aujourd’hui et il est dommage que l’éclat médiatique autour de cette étude ait conduit certains à des attitudes attentistes. L’objectif de cette analyse n’est pas de décrire toutes les bonnes indications de l’angioplastie d’en rapeller cependant les principales : – hypertensions sévères et/ou malignes (HTA persistante sous trithérapie avec au moins un diurétique), – insuffisance rénale rapidement progressive, – insuffisance cardiaque avec œdème pulmonaire, – sténose serrée sur rein unique ou sténose serrée bilatérale. Conclusion   Il est dommage que les auteurs n’aient pas reconnu ce principe et orienté leur analyse sur l’impact de l’angioplastie rénale sur la mortalité et morbidité cardiovasculaire. En effet, la sténose des artères rénales est reconnue comme un facteur de risque cardiovasculaire indépendant, entraînant une cascade de production de facteurs oxydants et vasoconstricteurs délétères. La préservation de la fonction rénale est un enjeu devant des lésions sténosantes > 70 % (taux d’évolution élevé) et avec des reins encore fonctionnels (critère non respecté dans cette étude). "Publié dans L'interventionnel"

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