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Vasculaire

Publié le 01 oct 2021Lecture 6 min

Prise en charge d’une sténose carotide asymptomatique

Pierre SENERS, service de neurologie et unité neuro-vasculaire, Hôpital Fondation A. de Rothschild, Paris

La découverte d’une sténose athéroscléreuse carotide interne est une situation fréquente lors du bilan systématique chez un patient ayant une autre localisation de la maladie athéroscléreuse, d’un sujet avec multiples facteurs de risque vasculaire ou du bilan d’un souffle cervical. Une sténose carotidienne est une des causes majeures d’accident ischémique cérébral transitoire ou constitué (AIT/AIC), mais elle est aussi un marqueur de risque indépendant d’infarctus du myocarde et de décès d’origine vasculaire. Ainsi, les mesures thérapeutiques auront pour objectif la prévention des AIC, mais aussi celle des autres pathologies vasculaires. Avant de détailler la prise en charge thérapeutique, je présenterai les éléments permettant d’évaluer le risque de premier AIC, étape indispensable à la prise en charge de ces patients.

• La sténose est-elle asymptomatique ? Il est important de préciser que le caractère symptomatique d’une sténose carotide est purement clinique, avec la survenue d’un AIC/AIT, dans le territoire carotide concerné. Il est donc important de rechercher à l’interrogatoire les principaux symptômes évocateurs d’AIT/AIC, qui sont rappelés dans le tableau 1. La découverte fortuite d’une lésion ischémique silencieuse en aval d’une sténose sur un scanner ou une IRM cérébrale ne doit pas faire considérer la sténose comme récemment symptomatique et enclencher une prise en charge urgente même si cette lésion silencieuse apporte des informations pronostiques comme détaillé ci-après. • Quel risque de premier AIC en aval d’une sténose carotide ? Risque moyen de premier AIC/AIT Plusieurs études ont examiné le risque d’AIC chez des patients ayant des plaques d’athérosclérose asymptomatiques, qu’il s’agisse de patients examinés dans un laboratoire d’écho-Doppler(1) ou du groupe médical des essais thérapeutiques consacrés à la chirurgie carotide(2,3). Ces études étaient concordantes et montraient chez les patients ayant une sténose asymptomatique de plus de 60 % un risque annuel d’AIC d’environ 2 %/an. Ce risque augmente avec le degré de sténose, mais diminue chez les patients ayant une sténose très serrée (> 95 % avec hypoplasie post-sténotique)(4). Cependant, il est important de souligner que depuis la réalisation de ces études, le risque d’accident ischémique cérébral (AIC) a significativement diminué grâce aux progrès du traitement médical, en particulier la généralisation de la prescription de statines. Ce risque est actuellement estimé à moins de 1 %/an chez les patients traités médicalement(5,6). Par ailleurs, les AIC survenant dans le territoire d’une sténose carotide ne sont pas tous attribuables à la sténose elle-même. En effet, l’étude NASCET a montré qu’il existait une cause alternative à la sténose carotide dans environ 50 % des cas, comme une maladie des petites artères ou une cardiopathie emboligène(4). Ainsi, la survenue d’un AIC chez un patient porteur d’une sténose carotide ne doit pas exclure la recherche d’autres causes potentiellement associées. Patients à risque d’AIC plus élevé que la moyenne Au-delà du degré de sténose, d’autres facteurs semblent influencer le risque d’AIC/AIT, dont les principaux sont présentés dans le tableau 2. Ainsi, il est important de rechercher ces éléments lors de la découverte d’une sténose carotide asymptomatique — évaluables en routine clinique dans les centres de neurologie vasculaire notamment — pour permettre d’évaluer le risque d’AIC, et ainsi aider à la décision thérapeutique. • Traitement de l’accident ischémique cérébral La prise en charge des facteurs de risque vasculaire, les antiagrégants plaquettaires et les traitements de revascularisation (chirurgical ou endovasculaire) sont les moyens thérapeutiques à envisager en cas de sténose carotide asymptomatique. Traitement médical La prise en charge des facteurs de risque vasculaire représente la pierre angulaire de la prise en charge de ces patients. Celle-ci ne peut pas être détaillée dans cet article, mais repose sur un équilibre strict et prolongé de l’ensemble des facteurs de risque vasculaire (objectif de pression artérielle < 140/90 mmHg, HbA1c < 7 %, LDL-cholestérol < 0,7 g/l, sevrage tabagique, activité physique quotidienne, régime méditerranéen) à l’aide des mesures thérapeutiques adaptées. Chez les patients ayant des sténoses carotides asymptomatiques supérieures à 50 % NASCET, un traitement antiagrégant plaquettaire au long cours doit être envisagé (prévention primaire) si le risque hémorragique est faible, afin de prévenir la survenue d’un AIC, mais aussi d’autres événements cardiovasculaires(7). Une monothérapie par aspirine (50-325 mg/j), une monothérapie par clopidogrel (75 mg/j) ou une association aspirine (25 mg)-dipyridamole (200 mg) deux fois par jour, sont toutes des options acceptables. En revanche, il n’y a pas d’indication à une bithérapie antiagrégante dans cette indication, qui est réservée à la prévention secondaire des patients à la phase aiguë d’un AIC mineur ou AIT à haut risque de récidive, et pour une courte durée (3 semaines). En effet, plusieurs essais thérapeutiques ont montré qu’une bithérapie au long cours augmente le risque hémorragique sans bénéfice sur les événements ischémiques(8,9). • Revascularisation Chirurgie Deux grands essais ont étudié le bénéfice de l’endartériectomie carotide en cas de sténose asymptomatique supérieure à 60 %(2,3). Leurs résultats sont concordants avec une réduction relative de 50 % du risque d’AIC ipsilatéral, mais une réduction modeste du risque absolu, passant de 2 % chez les patients traités médicalement à 1 % chez les patients opérés, soit 100 patients à traiter pour éviter un AIC à 1 an. À la différence des sténoses symptomatiques, le degré de sténose au-delà de 60 % ne semble pas jouer un rôle pour le bénéfice de la chirurgie. L’étude ACAS n’a pas inclus de patients de plus de 80 ans, et l’étude ACST n’a pas montré de bénéfice chez les patients de plus de 75 ans. Compte tenu du faible bénéfice absolu de cette chirurgie, l’âge en tant que facteur de risque opératoire et l’espérance de vie (le bénéfice de la chirurgie n’apparaissant qu’environ 5 ans après le geste) sont des facteurs fondamentaux à prendre en compte pour une décision thérapeutique. Les conclusions de ces essais ont cependant été remises en question ces dernières années(10), car le risque d’AIC sous traitement médical a nettement diminué depuis leur réalisation, suite à l’amélioration du traitement médical (notamment la généralisation des statines)(6,11,12). Le risque annuel d’AIC est actuellement estimé entre 0,5 et 1 % (soit environ 2 fois plus faible qu’au cours des essais suscités)(13,14). Il est ainsi possible qu’avec un traitement médical « moderne » bien conduit, la réduction de risque absolu d’AIC soit minime, voire absente, avec le traitement invasif. Plusieurs essais thérapeutiques sont en cours, comparant le traitement médical actuel à un traitement de revascularisation dans des populations plus ou moins sélectionnées. Dans l’attente des résultats de ces essais, il semble raisonnable de prendre une décision thérapeutique au cas par cas. Stenting L’angioplastie-stenting des sténoses carotides est apparue comme une alternative non invasive à la chirurgie. Cependant, cette technique laisse en place la plaque et nécessite le cathétérisme d’artères malades avec son risque embolique pouvant être responsable d’un nouvel AIC. Deux essais(13,14) ont récemment comparé ces deux stratégies en cas de sténose carotide asymptomatique et montrent un effet comparable dans les deux groupes, pour la prévention des AIC, des infarctus du myocarde ou des décès. Il semble néanmoins exister un sur-risque d’AIC ipsilatéral dans la période péri-opératoire dans le groupe stenting, bien que la différence ne soit pas significative (CREST : 2,4 % vs 1,5 % ; ACT1 : 2,5 % vs 1,4 %, dans les groupes stenting et chirurgie, respectivement). Une fois cette période péri-opératoire passée, le risque semble superposable entre les deux stratégies. Il est important de préciser cependant qu’il n’existait pas de groupe contrôle (à savoir, traitement médical seul) dans ces essais, et que la supériorité d’une stratégie de revascularisation (stenting ou chirurgie) en comparaison au traitement médical seul reste entière. Recommandations actuelles Compte tenu des données présentées ci-dessus, les récentes recommandations européennes(7) suggèrent d’envisager l’endartériectomie d’une sténose carotide asymptomatique entre 60 et 99 % en prenant en compte les principaux facteurs de risque d’événement ischémique détaillés précédemment (tableau 2), le risque opératoire ainsi que l’espérance de vie à 5 ans (recommandation de classe IIa). Le stenting doit être envisagé en cas de sténose carotide entre 60 et 99 % si le patient i) présente un risque chirurgical élevé, ii) présente au moins un facteur de risque d’événement ischémique détaillé plus haut et iii) a une espérance de vie supérieure à 5 ans(7) (recommandation de classe IIa).

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