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Explorations-Imagerie

Publié le 16 mai 2018Lecture 6 min

Épreuve d’effort : comment interpréter la phase de récupération

Jean-Claude VERDIER, Institut Cœur Effort Santé, Paris

Faire pratiquer un effort à l’organisme est sans doute le moyen le plus physiologique de tester ses capacités et de détecter d’éventuelles anomalies lors de la mise en jeu de l’ensemble des systèmes nécessaires à l’action. La littérature est riche quant aux protocoles d’effort, mais pauvre lorsqu’il s’agit de la récupération. Pourtant cette phase peut participer au diagnostic, voire au pronostic. ll faut donc savoir l’utiliser au mieux pour répondre à la question posée lors de la demande de l’épreuve d’effort.

Quel effort ? Deux types d’épreuves d’effort (E.E.) sont utilisés dans la pratique courante en cardiologie : – épreuves sous-maximales, rectangulaires, à une intensité proche du seuil d’adaptation ventilatoire. Le test de marche de 6 min est très pratiqué dans le but d’évaluer le degré d’autonomie des sujets (artéritiques, sujets âgés, etc.). Ces E.E. sous-maximales permettent de quantifier les capacités d’endurance ; paramètre dont la valeur pronostique est reconnue ; – épreuves maximales, triangulaires, amenant le sujet au maximum de ses possibilités. Le terme anglo-saxon « symptom limited »doit être pris au sens strict : le sujet est encouragé à faire de son mieux ; à donner son « maximum » (sous contrôle cardiologique constant, avec respect des critères d’arrêt). Ce rappel est d’importance : une épreuve sous-maximale ne permettra pas l’analyse des réalités ; notamment l’identification du facteur limitant (cœur, poumons, muscles, cerveau, etc.). Les critères de maximalitésont maintenant bien définis (figure 1) : épuisement de la réserve de fréquence cardiaque ; épuisement de la réserve ventilatoire ; acidose métabolique ; lactatémie…). Figure 1. Test d’effort au maximum des possibilités « Symptom Limited ». Quelle récupération ? « La meilleure récupération est celle qui aide à répondre à l’indication de l’E.E. » En pratique, deux types de récupération sont utilisés : – récupération passive en différentes positions : debout, assise ou couchée (un éventuel changement de position doit être intégré dans l’analyse de la récupération) ; – récupération active : poursuite de l’activité, à faible intensité (« retour au calme »). Le choix du protocole de récupération peut être guidé par l’indication de l’E.E. Pour exemples : – récupération abrupte, en position debout, pour la recherche de troubles du rythme, d’hypertonie vagale, d’hypotension artérielle ; – récupération passive en position couchée pour la recherche d’ischémie myocardique. Pour l’analyse des capacités de récupération, les deux types de récupération sont utilisables. Comment interpréter la récupération d’une épreuve d’effort ? Une interprétation rationnelle de la récupération ne peut se faire que si les critères de maximalité de l’épreuve d’effort ont été approchés. En effet, ce n’est que lors des dernières minutes d’effort, une fois dépassées les régulations du système nerveux autonome (abolition du frein parasympathique et stimulation sympathique) que l’intensité de l’effort va stimuler la libération de catécholamines d’origine surrénalienne (régulation humorale). Ainsi, lors de la récupération précoce, deux phénomènes sont présents, antagonistes : présence d’une stimulation par les catécholamines circulantes et d’un frein par le système nerveux autonome (parasympathique). Au-delà de la troisième minute de récupération, cet antagonisme disparaît par consommation des catécholamines circulantes (figure 2). On comprend bien que cette période puisse être riche de renseignements (courbe tensionnelle ; arythmogénicité ; modifications de la repolarisation ; symptomatologie)… et d’inquiétude pour l’équipe médicale. Une séquence imagée peut rassurer : celle du voyageur courant à toutes jambes pour monter dans un train bondé… puis se cramponnant à la barre centrale, essoufflé et debout ! Figure 2. Phénomènes antagonistes à la récupération. Outre l’aspect cardiovasculaire, la récupération participe à l’analyse des autres systèmes mis en jeu : poumons et muscles ainsi qu’à celle du métabolisme énergétique. La cinétique de récupération de tous ces systèmes est de type mono-exponentiel, voire bi-exponentiel, en fonction du type de transfert entre les différents secteurs de l’organisme et du lieu de recueil. Les différents mécanismes mis en jeu, de cinétiques différentes, ainsi que leurs interactions expliquent la complexité de l’interprétation de la récupération après un effort maximum. En pratique, il est important de savoir dans quel but l’épreuve d’effort est faite : – normatif : les protocoles doivent alors être standardisés, y compris le type de récupération ; – diagnostique : le protocole doit être choisi pour aider au mieux à répondre à la question posée. Analyse de la fréquence cardiaque de récupération (HRR) : quelques exemples utiles « Heart Rate Recovery, exercise capacity and mortality risk in male veterans. » P. Kokkinos et coll.(1) la relation entre baisse de la FC à 1 et 2 minutes de récupération (HR max. – HRR1 ; HR max. – HRR2) et la mortalité. Protocole : test sur tapis roulant ; récupération active puis passive. • Les résultats - Le risque de mortalité est significativement et inversement corrélé à HRmax. – HRR2 et non à HRmax. – HRR1 (cut-off of 14 beats/min ; hazard ratio = 2,4 ; CI 1,6-3,5). L’explication : dans le protocole utilisé, la récupération est active pendant 45 secondes, suivie du passage en décubitus, rendant l’analyse de la FC à la première minute difficile. - Mais le risque est surestimé si l’on ne considère pas la capacité fonctionnelle du sujet : quand on la prend en compte, les sujets avec faible capacité fonctionnelle (< 6 Mets) ont un risque de mortalité 7 fois plus élevé que ceux avec capacités plus élevées (> 6 Mets). L’explication : plus l’effort est important, plus la FC en récupération précoce est élevée. « H.R.R. after exercise in chronic heart failure. » R. von Känel et coll.(2) analysent l’impact d’un état dépressif sur la cinétique de HRR chez les sujets présentant une insuffisance cardiaque postinfarctus. Le protocole de l’épreuve d’effort sur bicyclette est exemplaire : « 3 minutes d’échauffement à vide ; incrément de 10 watts/minute (rampe) jusqu’à ce que la polypnée ou les douleurs musculaires obligent à l’arrêt ; récupération abrupte en position assise sur le vélo ». • Les résultats - Absence d’incident lié au type de récupération (abrupte en position érigée). - Probabilité d’observer HRmax. - HRR1 ≤ 18 bpm significativement plus élevée chez les sujets d’humeur dépressive (odds ratio = 7,62, 95 % CI 1,50-38,80). L’explication : le statut psychologique influence la cinétique de récupération de la FC. « The effect of different exercise modalities on the heart rate recovery response. » B.R. Counts et coll.(3) analysent l’impact de la charge d’entraînement sur la vitesse de récupération de la FC en comparaison de sujets sédentaires. Protocole : test sous-maximal sur tapis roulant ; récupération passive en orthostatisme. • Les résultats - HRR1 : Absence d’association si 1 séance d’entraînement par semaine (p = 0,135) ; association significative si 2 séances d’entraînement par semaine (p = 0,046) - HRR2 : Association significative si 1 séance d’entraînement par semaine (p < 0,001) ; association significative si 2 séances d’entraînement par semaine p < 0,001). Les commentaires : une séance d’entraînement par semaine suffit pour modifier positivement la cinétique de la FC à 2 minutes de récupération. Le passage à 2 séances d’entraînement majore cet effet, significatif dès 1 minute de récupération lors d’un test sous-maximal. En pratique L’analyse de la récupération doit donc intégrer de multiples éléments (encadré ci-dessus) dont : – critère d’arrêt de l’épreuve : anomalie ou incapacité à poursuivre l’effort (limitation d’origine pulmonaire, musculaire …) ; – intensité de l’effort perçu (score de Borg ; V.A.S.) ; – type de récupération (active, passive, debout, couchée…) ; – durée nécessaire à la stabilisation des paramètres : le « retour au calme ». Le tout dans un contexte de sécurité en accord avec les recommandations en cours. C’est ainsi que la récupération participe à la valorisation de l’épreuve d’effort.

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