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Trucs et astuces

Publié le 15 mar 2019Lecture 5 min

Comment programmer les thérapies par ATP en prévention primaire ?

Rémi CHAUVEL, CHU de Bordeaux

La philosophie globale régissant la programmation des thérapies – stimulation antitachycardique (SAT) et chocs électriques – a considérablement évolué ces dernières années. L’evidence based medicine a fait changer les pratiques : la stratégie « agressive », consistant à détecter et traiter le plus rapidement possible toute arythmie ventriculaire, a laissé place à une stratégie « permissive », cherchant à laisser au maximum les arythmies se réduire spontanément. Ce changement de stratégie est motivé par un impact sur la qualité de vie des patients, mais également sur la mortalité, comme l’a notamment bien démontré l’étude MADITRIT, publiée il y a 6 ans(1).

Un des objectifs de la programmation des défibrillateurs en prévention primaire est donc désormais non seulement de protéger les patients de la mort subite tout en évitant les thérapies inappropriées, mais également de limiter les thérapies appropriées évitables. Ainsi, une programmation adéquate doit aujourd’hui suivre cette stratégie « permissive ». De plus, si l’arythmie dure, un traitement par SAT doit être privilégié par rapport à un traitement par choc électrique, bien que ceci n’ait pas encore fait la preuve solide d’une réduction de la mortalité, mais (seulement) d’une amélioration de la qualité de vie (drastique) des patients. Les recommandations actuelles de programmation en prévention primaire(2) vont dans ce sens : – Allongement de la durée de détection à 30 cycles (ou 5 secondes) en zone de fibrillation ventriculaire et à 30 cycles (ou 10 secondes) en zone de tachycardie ventriculaire (classe 1A). – Première zone avec thérapies en prévention primaire entre 185 et 200 bpm (classe 1A). – Programmation d’une discrimination TSV versus TV jusqu’à 200 voire 230 bpm (classe 1B). – Programmation d’une SAT en zone de FV pendant ou avant la charge pour des arythmies allant jusqu’à 230 bpm. – Utilisation préférentielle de programmations « standardisées », qui semblent faire mieux que les programmations « individualisées ». Cependant, un point de ces recommandations reste flou et concerne la programmation des thérapies par SAT en zone de tachycardie ventriculaire. Ainsi, il est recommandé : – De programmer au moins 1 SAT dans toutes les zones comprenant des thérapies (classe 1A), sans plus de précision. – De programmer cette (ou ces) SAT avec un cycle de couplage entre 84 et 88 % et un train d’au moins 8 stimuli (classe 1A). – De préférer les bursts (train de stimulation à fréquence fixe) aux rampes (train de stimulation avec accélération progressive) (classe 1B). Quand et comment programmer les SAT en prévention primaire en 2018 ? Les SAT sont par définition efficaces sur les tachycardies ventriculaires dont le mécanisme est réentrant (ces dernières sont donc, dans l’immense majorité des cas, régulières et monomorphes). Lors de la délivrance d’une SAT au cours d’une telle tachycardie, plusieurs phénomènes peuvent survenir : – une réduction de l’arythmie (qui est bien sûr l’effet recherché) ; – une absence de modification de l’arythmie ; – une transformation en une arythmie stable et régulière mais avec un cycle différent (plus lent ou plus rapide) ; – une dégradation en arythmie instable (TV polymorphe ou fibrillation ventriculaire) non soutenue ou soutenue. L’efficacité des SAT ne suit pas une loi du tout ou rien mais plutôt une loi probabiliste. L’objectif est donc d’obtenir le meilleur taux de réduction tout en minimisant le taux de dégradation (en tachycardie plus rapide ou en fibrillation ventriculaire persistantes). Ainsi est définie la notion d’agressivité d’une SAT : plus les paramètres programmés sont agressifs, plus la probabilité de réduction de l’arythmie est supposée grande mais plus le risque de dégradation en fibrillation grandit également. Les principaux paramètres influant sur l’agressivité des SAT sont : – Le cycle du train de stimulation (un cycle plus court étant plus agressif), qui est exprimé en pourcentage du cycle de l’arythmie à traiter. – Le nombre de stimulations par train (un nombre plus important étant plus agressif). – La présence ou non d’une accélération du cycle au sein du train de SAT (une rampe étant plus agressive qu’un burst). Concernant ce point, la preuve de la supériorité des bursts a été faite pour les tachycardies ventriculaires rapides (188 bpm) dans l’étude PITAGORA ICD en 2009 et n’a pas été réfutée depuis. Il faut noter que ceci n’a pas été montré pour les tachycardies ventriculaires lentes. Les autres paramètres D’autres paramètres de programmation semblent pouvoir influencer l’efficacité des SAT sans pour autant, à notre connaissance, modifier leur agressivité. Ces paramètres sont : – L’amplitude de stimulation et la durée d’impulsion pendant la SAT. – L’origine de la stimulation en cas de présence d’une sonde gauche (stimulation par la sonde droite, gauche, ou droite et gauche). La stimulation biventriculaire a d’ailleurs été montrée comme plus efficace sur les TV rapides par rapport à la stimulation VD seule(3). – Enfin, d’autres paramètres extrinsèques influent sur l’efficacité des SAT, tels que les traitements antiarythmiques ou encore les paramètres ioniques du patient (kaliémie notamment). Concernant le nombre de tentatives de SAT, une étude multicentrique non randomisée(4) a montré que la programmation de plusieurs SAT au lieu d’une seule, en zone de TV rapide, diminuait significativement le nombre de chocs électriques internes (CEI). En effet, dans le groupe « une seule SAT », l’efficacité de cette dernière était de 73 % (27 % de CEI), contre 86,9 % après 2 SAT, 89,8 % après 3 SAT et 91,1 % après 4 SAT ou plus, dans le groupe « plusieurs SAT » (9 % de CEI). Une accélération de l’arythmie par la SAT était rapportée dans 9 % des cas (dans les deux groupes), aboutissant à un CEI dans un cas sur deux. Bien évidemment, la programmation (des zones, de la discrimination et des thérapies) devra être adaptée au cas par cas chez les patients ayant déjà présenté une ou plusieurs arythmies (implantation en prévention secondaire ou épisodes enregistrés dans les mémoires). Enfin, la réalisation d’études prospectives randomisées comparant différentes stratégies de programmation des SAT en prévention primaire est toujours d’actualité, d’autant plus que le suivi par télécardiologie permet aujourd’hui d’envisager un travail sur de grandes populations de patients et que de nombreuses études sont désormais obsolètes car basées sur une stratégie thérapeutique « agressive » abandonnée. Conclusion Retenons qu’actuellement, les données bibliographiques et les recommandations semblent nous inciter à : Programmer des SAT à type de burst dans toutes les zones possédant des thérapies (la plus lente débutant entre 185 et 200 bpm), avec un train d’au moins 8 stimuli, un cycle de couplage entre 84 et 88 %, et un cycle minimum de 200 ms. Programmer des chocs à énergie d’emblée maximale dans toutes les zones comprenant des thérapies, en supprimant les chocs à faible énergie. Programmer plusieurs SAT plutôt qu’une seule en zone de TV rapide avec SAT autorisées jusqu’à 230 bpm. Programmer une zone moniteur lente chez les patients susceptibles de présenter des TV lentes (notamment en cas de cardiopathie sévère avec plages de fibrose très étendues à l’IRM). Programmer des SAT biventriculaires plutôt que monoventriculaires chez les patients porteurs d’un DAICRT le permettant.

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