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On en parle

Publié le 01 mar 2022Lecture 9 min

Comment optimiser les lésions de radiofréquence ?

Agustin BORTONE, Nîmes

Nous allons nous centrer sur l’ablation de la fibrillation atriale (FA). Une lésion de radiofréquence (RF) est « optimale » lorsqu’elle est transmurale, irréversible et non extramurale(1), sans formation de caillots ou de pops. Elle comporte deux composantes : la phase résistive issue du contact entre le cathéter d’ablation et le tissu cible, et la phase de propagation qui est temps-dépendante et correspond à la diffusion de la chaleur vers les couches plus profondes du tissu.

Plusieurs paramètres permettent de moduler la lésion ; ils forment un ensemble, un paramètre pris isolément ne devant pas être considéré comme capable de créer une lésion optimale à lui seul. Contact Un contact suffisant entre le cathéter et le tissu cible est indispensable. Plusieurs études ont montré que les reconnexions veineuses pulmonaires (VP) sont très faibles lorsque la force de contact (CF) est ≈ 20 g alors que celles-ci sont fréquentes lorsque la CF est < 10 g(2). Une valeur de CF trop élevée est cependant potentiellement dangereuse pour deux raisons : à puissance et de stabilité égales, les lésions sont plus profondes lorsque la CF 20 g(3) ; le risque de perforation mécanique augmente au fur et à mesure avec la valeur du CF. Impédance du circuit La RF est un courant électrique alternatif délivré typiquement en unipolaire entre l’extrémité du cathéter et une électrode indifférente appliquée à la peau. Lorsque le courant électrique traverse le myocarde, une partie de l’énergie électrique devient de l’énergie thermique. Les deux sites d’impédance et de dissipation de l’énergie sont les interfaces tissu-cathéter et peau-électrode indifférente. En cas d’impédance haute (> 120 Ω), la production de chaleur tissulaire est amoindrie et les lésions créées sont plus petites. Dans ce cas, il existe deux solutions : placer 2 électrodes indifférentes ou augmenter la puissance. En cas d’impédance basse (< 100 Ω) il existe un risque de créer des lésions trop profondes et donc extramurales. Dans ce cas, soit on retire une plaque indifférente, soit on éloigne du cœur la plaque indifférente. Puissance Plusieurs études(4) ont démontré la nette supériorité de la haute puissance (50 W) par rapport à la puissance conventionnelle (30 W) dans l’ablation de la FA en termes de : – isolation des VP après un passage ; – réduction du temps de procédure ; – diminution du taux aigu de reconnexion des VP. La sécurité et les résultats à long terme sont équivalents pour ces deux niveaux de puissance. L’explication d’une telle supériorité réside dans la manière dont les lésions sont créées (figure). Avec 30 W, la phase résistive est de faible dimension et de ce fait, il faut des applications prolongées de RF pour que la phase de propagation termine de traiter les couches profondes du tissu ciblé. Puisque les applications sont prolongées (en général ≈ 20 s), il devient difficile de maintenir le cathéter d’ablation en position stable tout au long des applications. Ceci aboutit à des lésions non transmurales, ou transmurales, mais réversibles plus souvent qu’avec 50 W. Figure. A contrario, la phase résistive lors des applications de 50 W est prédominante et volumineuse, ce qui implique que la phase de propagation est petite et courte. En effet, les études expérimentales(4) ont démontré que pour être transmural dans l’oreillette gauche (OG) avec des applications de 50W,il faut en général 7 à 10 s. Il est aisé de comprendre que maintenir le cathéter d’ablation stable pendant 10 s est plus facile que pendant 20 s et que de ce fait, le taux de transmuralité irréversible est nettement supérieur avec 50 W qu’avec 30 W(4). D’autre part, pour des valeurs d’ablation-index égales, la géométrie lésionnelle est différente en fonction du niveau de puis-ance. Les lésions obtenues avec 30 W sont plus rondes et plus profondes alors que les lésions obtenues avec 50 W sont plus plates et moins profondes. Par conséquent, les lésions obtenues avec 50 W sont plus adaptées à l’épaisseur du tissu atrial gauche(5). Dans ce cadre, la très haute puissance (90 W) a été développée récemment car la phase résistive des lésions créées y est théoriquement quasi exclusive, et histologiquement les lésions obtenues dans les modèles animaux sont très plates et peu profondes. En outre, le temps très court des applications (4 s) laissait espérer une amélioration dans la capacité à maintenir le cathéter d’ablation stable(6). Cependant, les données dont nous disposons (en cours de publication) démontrent que la très haute puissance est extrêmement dépendante de la stabilité du cathéter (à la différence de ce que l’on aurait pensé), et les lésions sont trop plates pour être transmurales dans les parties les plus épaisses des VP (les segments antérieurs et supérieurs des VP supérieures)(3). Le tout aboutit à un taux d’isolation des VP après premier passage significativement inférieur et à un taux de reconnexion aigu significativement supérieur à ceux obtenus avec 50W. Distance interlésion Une distance trop importante entre deux lésions est source de gaps immédiats ou retardés qui conduisent à la reconnexion des VP. À l’opposé, une distance trop faible entre lésions est source potentielle de lésions collatérales par extramuralité. Une étude multicentrique comportant plus de 300 patients a montré que la distance idéale entre le centre de deux lésions contiguës lorsque l’on applique 45 W (soit pratiquement 50 W) est <6mm(7) et ≈ 4 mm. Stabilité C’est le paramètre le plus difficile à maîtriser et dont l’impact sur la qualité lésionnelle est le moins bien apprécié. En effet, même si la CF, la puissance, l’impédance du circuit et la distance entre les lésions sont idéales, tant que le cathéter demeure instable (déplacement latéral le long de l’endocarde par rapport au site initial de RF), il se peut que la lésion créée ne soit pas transmurale ou soit transmurale mais réversible. Il faut souligner que les algorithmes de stabilité disponibles ne sont pas fiables à 100 % et en général moyennent les positions du cathéter lors d’une application de RF et annotent le « tir » à l’endroit où le cathéter est resté le plus longtemps (ce qui n’est qu’une approximation de la vérité). Il a été montré que la stabilité peut être améliorée grâce à l’utilisation de la jet ventilation et de gaines orientables mais au prix d’une augmentation sensible du prix des procédures. Enfin, la stabilité est clairement supérieure lors des procédures sous anesthésie générale par rapport à celles sous anesthésie locorégionale. Ablation index La profondeur d’une lésion peut être prédite précisément par une fonction logarithmique intégrant la CF, la puissance et le temps d’application de RF. Il s’agit de l’ablation index (AI). L’AI n’est pas un marqueur de transmuralité (pas plus que d’extramuralité). Il s’agit plutôt d’un critère multi-paramétrique très reproductible correspondant à une « langue commune » dans le domaine de l’ablation. Cependant, il faut savoir que pour des valeurs d’AI égales, selon le niveau de puissance utilisé, la profondeur de la lésion est différente(5) alors que pour des valeurs de puissance égale, si la CF est stable, les lésions obtenues sont très reproductibles. Signal unipolaire Il a été d’abord démontré expérimentalement que l’élimination de la composante négative du signal unipolaire (UE) traduit la création d’une lésion transmurale(8). Ensuite, il a été montré que la transmuralité peut être réversible ou irréversible(1). Enfin, plusieurs équipes ont utilisé ce marqueur électrophysiologique simple pour guider l’isolation des VP dans le cadre de la FA paroxystique(9) avec d’excellents résultats à court et long termes. Cependant, l’analyse du UE nécessite une courbe d’apprentissage importante et n’est pas toujours aisée d’interprétation dans des zones anatomiques « enchevêtrées » comme la crête. Pour ces raisons, il a été corrélé avec l’AI à partir de plus de 200 procédures d’ablation (données non publiées) avec comme résultat des valeurs 350 en postérieur et entre 450-500 en antérieur(4). Considérations anatomiques Dans l’OG, il existe deux éléments anatomiques clés qu’il convient de connaître afin d’optimiser la stratégie ablative. Tout d’abord, la région postérosupérieure entre les deux VP supérieures communément appelée le toit est très souvent croisée dans sa partie la plus à droite par la bandelette septopulmonaire (BSP). Cette BSP est fréquemment entourée par du tissu graisseux qui agit comme un isolant et qui peut empêcher la RF d’atteindre la BSP. Ceci peut avoir comme conséquence l’impossibilité de bloquer la ligne du toit (avec la nécessité de faire une ligne du plancher reliant les 2 VP inférieures) et rendre l’isolation des VP droites impossible (dans ce cas il faut faire un cercle moins antral de manière à éviter le tissu graisseux)(10). Ensuite, l’isthme mitral est une structure à 3 couches : l’endocarde, l’épicarde (la grande veine cardiaque ou GVC) et la veine de Marshall (VOM). Les trois couches doivent être traitées pour obtenir un bloc mitral bidirectionnel durable. La couche du milieu se traite par alcoolisation (10 ml) de la VOM, l’endocarde par RF (50 W, AI 500) et l’épicarde (GVC) par RF (25 W AI . Négliger l’une de ces étapes expose le patient à un flutter périmitral dont la tolérance est en général très médiocre(11). Perte de capture au niveau de l’encerclement Des études, dont une randomisée(12), ont montré que l’absence de capture lors de la stimulation (10 mA /2 ms) sur l’ensemble de l’encerclement périveineux est corrélée à un taux de PVI élevé et avec 82,7 %de rythme sinusal à 1 an. Cependant, cette méthode d’ablation est particulièrement chronophage et l’absence de capture peut traduire aussi bien un état nécrotique qu’un état de sidération réversible sur certaines parties de l’encerclement. En outre, un léger déplacement du cathéter peut capturer du myocarde sain et faire croire à une lésion de mauvaise qualité. Pour toutes ces raisons, ce critère est peu utilisé. Diminution de l’impédance locale Il s’agit d’une diminution de l’impédance sur le site d’ablation après application de RF. Cette impédance locale (IL) est mesurée entre des électrodes positionnées au niveau de la distalité du cathéter d’ablation. Cette mesure très spécifique et ciblée permet d’éliminer des facteurs confondants qui affectent l’impédance générale tels que la corpulence du patient, le statut des fluides dans l’organisme ou les modifications du volume pulmonaire. Cependant, même si les résultats des études récentes semblent prometteurs(13), plusieurs éléments doivent être soulignés : • il n’y a pas d’étude expérimentale publiée qui montre que pour telle ou telle valeur de chute d’IL les lésions créées sont histologiquement transmurales, nécrotiques et non extramurales ; • l’épaisseur du tissu atrial étant variable d’un site à l’autre, il se peut que la même diminution de valeur d’IL témoigne d’une lésion transmurale à un endroit, non transmurale à un autre endroit et extramurale sur un 3e site ; • le monitoring en temps réel de la variation d’impédance est difficile car l’IL varie très rapidement pendant l’application de RF. Le temps d’attente + l’injection de Striadyne La principale difficulté lors de l’isolation des VP est de pouvoir distinguer un bloc permanent d’un bloc transitoire(1,14). Une méthode pour le savoir est d’attendre un laps de temps après l’isolation dans le but de démasquer une récupération du tissu ciblé (passant d’un état de sidération à un fonctionnement normal ou quasi normal). L’injection de stryadyne est une autre méthode, très efficace pour démasquer des conductions dormantes par un mécanisme d’hyperpolarisation sélective des cellules VP dépolarisées par la RF(15). Dans une étude très élégante(14), 75 patients souffrant de FA paroxystique ont bénéficié d’une PVI puis les auteurs ont attendu jusqu’à 90 minutes afin de démasquer des connexions dormantes. Ils ont pu en démasquer de façon significative jusqu’à 60 minutes après la PVI. Il faut souligner que les ablations n’ont pas été effectuées avec des cathéters munis de la technologie CF ni avec de la haute puissance (50 W). Il en résulte qu’en pratique et en 2022, avec la technologie actuelle, un temps d’attente de 10-15 min ± l’injection de Striadyne semble être un excellent compromis.

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