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Trucs et astuces

Publié le 30 sep 2015Lecture 5 min

Comment obtenir une belle cicatrice ?

A. MARCHAC, Chirurgien plasticien, Paris

Avant une intervention, presque tous les patients posent la question : « Est-ce que j’aurais une grosse cicatrice Docteur ? ». Ralph Millard, un chirurgien plasticien célèbre des années 1960, gardait sur son bureau une boule de cristal, qu’il montrait de manière ostensible et silencieuse à chaque fois que lui était posé la fameuse question. De nos jours, les mécanismes de la cicatrisation sont heureusement bien mieux compris, et des études randomisées de bonne qualité ont permis de faire le tri parmi les très nombreux traitements sensés améliorer la cicatrice. Vous trouverez ici une synthèse appliquée au cas précis de la pose d’une prothèse rythmique.

Une cicatrice devient inesthétique lorsque deux paramètres interdépendants n’ont pas été contrôlés : l’inflammation et la tension(1). Placer correctement l’incision La peau est constamment soumise à des forces de tension, liées aux mouvements des muscles et au poids de certaines parties du corps, comme les seins par exemple. C’est un peu contre-intuitif, mais une incision doit être placée perpendiculairement aux lignes de tension, qui suivent l’axe des membres(2). Selon ce principe, une cicatrice de défibrillateur parallèle à la clavicule aura toutes les chances de devenir hypertrophique, alors qu’une cicatrice perpendiculaire à la clavicule restera fine (figure 1). Idéalement, l’incision devrait être placée dans un pli naturel, comme le sillon sous-mammaire ou derrière le pilier axillaire antérieur. Figure 1. Lignes de tension cutanées. Pour devenir fines, les incisions sur le tronc (en rouge) doivent suivre les lignes jaunes, perpendiculaires aux lignes de tension cutanée (en vert). Une technique opératoire méticuleuse La technique opératoire influe directement sur l’inflammation postopératoire et donc sur la cicatrice finale. Il faut infiltrer la zone opératoire avec de la xylocaïne adrénalinée 1 %, même chez les patients coronariens, et lui laisser le temps d’entraîner une vasoconstriction locale (5 minutes). La peau est incisée au scalpel puis la dissection peut se faire aux ciseaux ou au bistouri électrique. Il ne faut pas inciser la peau au bistouri électrique, car cela entraîne une forte inflammation (afflux de neutrophiles et macrophages libérant des cytokines proinflammatoires)(1). Si l’exposition n’est pas bonne, il vaut mieux s’agrandir de quelques millimètres, car une incision trop petite nécessite de la traction, ce qui entraîne une ischémie cutanée. Une suture en deux plans On commence par quelques points profonds inversés, afin de décharger toute tension sur les berges. On emploi un fil résorbable monobrin d’acide polyglycolique (Monocryl®) dont le diamètre est suffisant pour maintenir la tension (4/0 pour la région sous-claviculaire) mais pas trop volumineux, car sa résorption entraînerait trop d’inflammation. À la fin de la sous-peau, les berges doivent être déjà parfaitement affrontées et former une voussure, qui s’aplatira dans les mois à venir. La peau est ensuite suturée par un surjet intradermique. Chez les patients à faible risque de cicatrice hypertrophique, on choisit un monofilament résorbable (Monocryl® 5/0 ou 4/0). En revanche, chez les patients à risque élevé, on préfère un monofilament non résorbable (Prolène® ou Ethilon® 5/0 ou 4/0, à aiguille triangulaire)(3). Ce fil sera enlevé 15 jours plus tard. Une fois la suture finie, on dispose des Steri-Strip™ ou un film de colle Dermabond (figure 2). Figure 2. Suture cutanée. La suture commence par quelques points de souspeau, qui déchargent la tension au niveau du derme et affrontent parfaitement les berges. Un surjet intradermique vient compléter l’affrontement. Quels conseils après l’intervention ? Les patients peuvent se doucher en conservant les Steri-Strip™, qui se détachent vers le 15e jour. À ce stade, la cicatrice est fine et les patients demandent quelle crème appliquer sur leur cicatrice. Aucune crème n’a montré d’efficacité statistiquement significative dans la prévention des cicatrices hypertrophiques(3). Les études sur les gels de silicone apportent des résultats souvent contradictoires(4). Les bandes de silicone, comme Scar-Si®, semblent plus efficaces, car elles jouent également un effet mécanique par compression et par décharge de la tension qui s’exerce à distance des berges(4). Les patients doivent l’utiliser pendant 3 mois, plus de 12 heures par jour. Ces pansements ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale. Un effet mécanique similaire peut être obtenu avec des pansements comme du Micropore®, mais les risques d’intolérance cutanée sont plus élevés qu’avec le silicone(5). Les bandes de silicone permettent également de protéger la cicatrice du soleil. En effet, l’exposition solaire pendant les 4 mois qui suivent l’intervention entraîne une hyperpigmentation. À défaut, il faut prescrire une crème solaire indice UV50. Les massages n’ont pas d’efficacité sur l’inflammation, et peuvent être délétères sur la tension, en brisant les points de sous-peau(3). Il faut examiner la cicatrice 2 mois après l’intervention : si la cicatrice est trop inflammatoire, on injecte un corticoïde (Kenacort ou Altim) dans la cicatrice. Il faut cependant faire attention de bien rester dans la cicatrice car la diffusion des corticoïdes dans le derme adjacent entraîne une fonte dermo-hypodermique très inesthétique. L’injection est répétée 1 mois plus tard, et il faut attendre la fin des phénomènes inflammatoires avant de décider de reprendre ou non la cicatrice (figure 3).  Figure 3. Cicatrice normale, cicatrice hypertrophique et cicatrice chéloïde. Cicatrice normale (en vert) : après une incision, le processus de cicatrisation suit 4 phases (hémostase, inflammation, prolifération, maturation et remodelage) qui s’étalent normalement sur une durée de 12 mois, pour donner au final une cicatrice hypopigmentée et plate de 1 à 2 mm de large. Cicatrice hypertrophique (en rouge) : elle reste dans les limites de la zone d’incision, apparaît dans les 4 semaines postopératoires, grandit intensément pendant quelques mois puis régresse spontanément en 24 mois. Le degré d’inflammation peut être évalué par un test de vitro-pression. Elle résulte d’un excès de tension (incision mal placée, méthode de suture non adaptée) et d’inflammation (hématome, infection, fil résorbable trop inflammatoire, hyperréactivité cutanée). Cicatrice chéloïde (en violet) : elle envahit le derme adjacent normal, elle peut apparaître plus tardivement et grandir indéfiniment. Plus rare et plus compliquée à traiter que la cicatrice hypertrophique, il s’agit d’une vraie maladie de la cicatrisation. Conclusion  Il n’existe pas de crème miracle qui rende toutes les cicatrices fines et invisibles. Pour obtenir une belle cicatrice, il faut tout mettre en œuvre pour lutter contre la tension et l’inflammation : - placer l’incision perpendiculairement aux lignes de tension, et si possible dans un pli naturel ; - opérer de manière méticuleuse, sans abimer la peau ; - suturer en 2 plans afin de soulager la tension exercée sur la cicatrice ; - prévenir l’hyperpigmentation en évitant le soleil et l’hypertrophie en déchargeant mécaniquement la tension exercée sur la cicatrice (bande de silicone) ; - revoir la cicatrice à 2 mois.    Conflit d’intérêt : Aucun conflit d’intérêt en rapport avec cet article.

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