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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 07 avr 2009Lecture 4 min

Une brève histoire des ablations de tachycardies, 50 ans déjà...

R. FRANCK, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris

« L’ablation » des tachycardies est le terme employé pour les traitements qui permettent d’en supprimer, souvent définitivement, le substrat arythmogène. C’est un des rares exemples en cardiologie de véritable guérison d’une pathologie. Ces méthodes ont commencé à se développer dans les années 60 grâce à la conjonction des méthodes de cathétérisme, de l’existence du défibrillateur cardiaque externe, des stimulateurs cardiaques, et du développement de la chirurgie cardiaque. Les premières interventions à visée rythmologique ont été l’ablation chirurgicale d’anévrismes ventriculaires pour des TV incessantes, en 1959 (Cough), et l’interruption chirurgicale du faisceau de His en 1967 (Slama et Aigueperse).

• C’est la méthode de cartographie d’activation cardiaque peropératoire pour localiser le substrat arythmogène, publiée en 1967 par Dirck Durrer à propos d’un syndrome de WPW, qui a permis le traitement chirurgical des arythmies rebelles aux traitement médicaux. Le premier WPW a été opéré par Cobb en 1968. En France, Guy Fontaine, avec Gérard Guiraudon, a développé cette technique, qui a abouti en 1972 à la première ablation en Europe d’un faisceau de Kent, suivie en 1973 par l’isolement d’un foyer ectopique veineux pulmonaire, par Coumel et Aigueperse. Fontaine, Guiraudon et moi-même avons ensuite appliqué la méthode des cartographie d’activation aux TV non coronariennes, cardiomyopathies dilatées, dysplasie ventriculaire droite arythmogène, qui été reconnue comme une entité nosologique à cette occasion, et coronariennes. Les cartes épicardiques, puis endocavitaires chirurgicales ont permis de mieux comprendre la physiopathologie des TV postinfarctus, naissant de la zone bordante de la cicatrice, permettant aux chirurgiens d’y cibler leurs gestes. En 1980, les premiers flutters ont été cartographiés et opérés. Des réentrées nodales ont pu être traitées par des cryolésions périnodales en 1982 ou par déconnexion chirurgicale de la zone de primo activation rétrograde en 1983. Enfin, Jimmy Cox proposa en 1989 sa technique d’ablation de la FA -dite du labyrinthe-, la seule toujours pratiquée avec de multiples variantes. Ces interventions étaient efficaces, mais n’étaient pas dénuées de complications, liées à l’acte ou à la CEC. • Toute cette chirurgie, sauf celle de la FA, a brusquement disparu au milieu des années 1980, avec l’apparition des méthodes d’ablation par cathéter. C’est d’abord en 1979 un accident de notre laboratoire, où un choc électrique externe s’est malencontreusement propagé à une électrode endocavitaire posée sur le faisceau de His, entraînant la destruction de l’amplificateur et de la conduction AV du patient. En 1981, deux équipes indépendantes, John Gallagher et Mel Sheinman ont systématisé la méthode pour réaliser un BAV thérapeutique par voie transcutanée en utilisant un choc endocavitaire. C’était la « fulguration ». Après la voie normale, ce fut la voie accessoire (Weber 1983), ou le circuit d’une TV (Hartzler 1983). Cependant, cette méthode restait réservée à certaines équipes, avec un taux de succès de plus de 80 % pour certaines tachycardies rebelles aux antiarythmiques. Elle nécessitait une anesthésie générale, et pouvait être dangereuse, employant des cathéters qui n’étaient pas conçus pour cet usage. Figure. Cartographie épicardique d’activation d’un syndrome de WPW latéral gauche, tracée manuellement.   • C’est en 1985 que Huang, aux USA, a proposé une autre méthode, la radiofréquence, suivi par Lavergne (1986) en France, et Breithart en Allemagne (1987). À partir de la technologie du bistouri électrique, mais avec des énergies bien plus faibles et en monopolaire, on induit une élévation thermique modérée au niveau des tissus, dont les cellules sont détruites dès que l’on dépasse 48 degrés. Cette méthode de « dessication » est indolore et bien plus précise que la fulguration. C’est lorsque Langberg a montré en 1990 que l’allongement de l’électrode distale de 2 mm à 4 mm permettait de doubler la taille des lésions, améliorant les résultats cliniques qui devenaient supérieurs à ceux de la fulguration, que les industriels ont compris l’intérêt de développer des générateurs et des sondes dédiées à cette application... Pour augmenter la taille des lésions, le cathéter a été encore allongé à 8 mm (Langberg 1993), ou refroidi par irrigation (Nakagawa 1995). D’autres énergies par cathéter sont encore restées sans suite, comme le laser, les microondes ou les ultrasons. Seule la cryoablation, apparue au Canada en 2001 avec Dubuc, est passée en routine pour les réentrées nodales et certaines FA. • Les années 90 ont mieux précisé les critères de localisation des zones arythmogènes, avec l’ablation de la « voie lente » des tachycardies nodales en 1992 (Jackman, Haissaguerre), l’intérêt de l’enregistrement unipolaire du WPW en 1992 (Haissaguerre), le bloc de l’isthme cavo-tricuspide du flutter en 1993 (Cosio), et les méthodes de cartographies tridimensionnelles de l’activité électrique cardiaque pour les tachycardies complexes, et en particulier ventriculaires (1995), avec des taux de succès dépassant 90 %. Enfin, la robotique permettant de manipuler à distance les cathéters en est à ses débuts avec la méthode magnétique du Stéréotaxis (2002) et le bras Hansen (2005). • La dernière frontière restait la fibrillation atriale. Proposée par Swartz en 1994, en s’inspirant de la méthode chirurgicale de Cox, puis par Haissaguerre en 1996, c’est la découverte par ce dernier du rôle des veines pulmonaires (1998) qui a permis l’expansion actuelle de cette procédure. Celle-ci est beaucoup plus complexe que pour les autres indications, nécessitant souvent plusieurs séances, avec des méthodes encore évolutives, l’isolement des veines, la cible des antres veineux (Pappone 2000), l’établissement de lignes atriales, l’ablation des potentiels fragmentés (Nademanee 2004) ou les brûlures des zones ganglionnaires (Scherlag 2005). En pratique On est ainsi passé de méthodes complexes pour traiter les tachycardies rebelles à une méthode relativement simple, très efficace, permettant une alternative aux traitements pharmacologiques, voire pour certains un traitement de première intension. En 2006 selon l’ATIH (agence technique de l’information hospitalière), au moins 18 000 patients ont été traités pour diverses arythmies. Il faut néanmoins ne pas oublier les risques de la méthode qui, s’ils sont faibles, ne sont pas tout à fait nuls, et exceptionnellement gravissimes nécessitant une thoracotomie d’urgence. C’est pour cette raison que ces techniques ne doivent être pratiquées que dans des centres spécialisés pouvant faire face à toute éventualité.

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