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Insuffisance cardiaque

Publié le 17 jan 2006Lecture 7 min

Quelles sont les perspectives de la greffe cellulaire dans le traitement de l’insuffisance cardiaque ?

P. MENASCHÉ, Hôpital européen Georges Pompidou, Paris

En juin 2005, la première implantation de cellules musculaires satellites (myoblastes) autologues chez un patient insuffisant cardiaque a fait évoluer la thérapie cellulaire du stade du concept et de l’expérimentation animale à celui de réalité clinique. Depuis, très nombreuses ont été les études cliniques qui ont testé les effets des cellules musculaires puis médullaires chez des patients vus à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde ou, plus tardivement, dans un tableau d’insuffisance cardiaque chronique. Le moment paraît donc approprié pour dresser un premier bilan et tenter de dégager quelques perspectives.

Perspective clinique   Faisabilité La première perspective est purement clinique. À ce jour, les essais thérapeutiques chez l’homme n’ont permis d’établir que la faisabilité de cette approche, qu’il s’agisse de la culture et de l’expansion des cellules musculaires ou de celles, plus rapides et plus simples, des cellules « souches » de la moelle prélevées dans le sang circulant ou par biopsie osseuse. A été également validée la possibilité d’injecter, sans complication particulière, ces cellules soit directement dans le myocarde lors d’interventions de pontage aorto-coronaire, soit par cathétérisme utilisant différentes voies d’administration (intracoronaire, endoventriculaire gauche, transveineuse par le sinus coronaire).   Tolérance En revanche, le problème de la tolérance n’est encore que très incomplètement réglé. On sait ainsi que les myoblastes comportent un risque potentiel d’arythmies ventriculaires précoces alors que l’effet angiogénique des cellules médullaires pourrait avoir comme corollaire l’exacerbation des lésions coronaires athéromateuses. Toutefois, la petite taille des effectifs de patients inclus, l’absence de groupes témoins et, peut-être pire encore, le recours à des comparaisons nécessairement biaisées avec des groupes « appariés », voire des séries historiques, ne permettent pas encore à ce jour d’évaluer réellement ces effets secondaires potentiels ni d’en interpréter la prévalence à l’aune de l’histoire naturelle de la maladie sous-jacente.   Efficacité Ces réserves méthodologiques valent tout autant pour l’analyse de l’efficacité. Les différentes études de phase I suggèrent des améliorations de la cinétique régionale et/ou globale après transfert cellulaire mais la puissance de l’effet placebo est là pour nous rappeler à quel point ces conclusions peuvent être trompeuses. Il est donc clair que ces problèmes ne pourront être résolus que par des études prospectives, randomisées, contrôlées contre placebo et en double aveugle. - Dans le cas des myoblastes squelettiques, nous avons mis en place un essai de ce type (MAGIC) qui est actuellement en cours chez des patients présentant une dysfonction ventriculaire gauche sévère, dont les résultats devraient être disponibles (en fonction du rythme des inclusions) mi- ou fin 2006. - Dans le cas des cellules de la moelle, une étude satisfaisant aux critères ci-dessus est également en cours en Allemagne mais concerne des patients vus au stage aigu de l’infarctus et chez lesquels les cellules médullaires préalablement prélevées sont réinjectées par voie endocoronaire en complément d’une angioplastie. Un protocole semblable est également en cours de réalisation en France. - En revanche, nous n’avons pas connaissance d’un essai évaluant ce type de cellules au stade plus chronique de l’insuffisance cardiaque mais compte-tenu de l’engouement pour cette médecine dite régénérative, gageons que certains sont sans doute en préparation, voire déjà en cours. On peut donc augurer qu’à la fin de l’année prochaine, on disposera de données méthodologiquement valides pour dresser un bilan honnête du rapport risque/bénéfice de la thérapie cellulaire chez les insuffisants cardiaques et par conséquent pour commencer à mieux situer la place de cette approche au sein de l’éventail thérapeutique dont on dispose déjà.   Évolution des techniques La seconde perspective est celle d’une amélioration des techniques actuelles, qu’il s’agisse des cellules elles-mêmes ou de leur mode d’administration tant les deux problèmatiques sont indissociables. Dans le cas des cellules musculaires, par exemple, des perspectives intéressantes sont ouvertes par l’isolement, au sein de la population globale des myoblastes, d’une fraction plus immature et potentiellement douée d’une capacité de différenciation en cellules cardiaques. Il reste cependant à établir si cette fraction, à ce jour seulement décrite chez la souris, existe chez l’homme, s’il est possible de l’étendre dans des conditions cliniquement pertinentes et si sa capacité à former un nouveau tissu myocardique est validée sur des modèles de gros animaux. Dans le cas de la moelle, les nombreuses études en cours devraient permettre de clarifier la population de cellules la mieux adaptée à une régénération des zones infarcies (moelle totale, principalement constituée de cellules mononucléées et, en réalité, d’un pourcentage très faible de cellules dites souches ; cellules mésenchymateuses ; progéniteurs hématopoïétiques). Quelles que soient les cellules injectées, on sait aussi maintenant que très peu survivent dans leur nouvel environnement myocardique. Les mécanismes de la mort des cellules greffées commencent à être mieux cernés et ouvrent ainsi des perspectives d’amélioration de la survie des greffons par induction concomitante d’une néovascularisation, transfection avec des gènes antiapoptotiques ou co-injection de matrices biorésorbables reconstituant un environnement tridimensionnel critique pour la survie, la différenciation et la prolifération des cellules transplantées. Toutefois, les faibles nombres de cellules retrouvées dans les cœurs quelques semaines ou mois après les injections ne s’expliquent pas seulement par la mort de ces cellules mais aussi par leur fuite importante dans la circulation systémique au moment de l’administration (c’est ainsi qu’1 % environ des cellules médullaires injectées par voie endocoronaire reste dans le myocarde et les injections chirurgicales, bien qu’un peu plus efficaces en termes de rétention, n’en évitent pas moins une diffusion extracardiaque des cellules par voie veineuse et/ou lymphatique). C’est dire que des perspectives importantes sont également offertes par les travaux d’ingénierie qui visent à perfectionner les systèmes de transfert cellulaire peropératoire ou percutané pour en diminuer le caractère invasif tout en optimisant leur efficacité en termes de rétention du greffon dans les zones cibles. Enfin, des études plus fondamentales ouvrent également des perspectives de meilleure compréhension des mécanismes par lesquels les cellules semblent, du moins expérimentalement, améliorer la fonction ventriculaire gauche : limitation du remodelage par un effet de contention ou sécrétion de cytokines et facteurs de croissance aux possibles effets angiogéniques, antiapoptotiques et mitogéniques sur les cellules myocardiques du receveur et/ou la matrice extracellulaire.   Recherche orientée vers les cellules De l’analyse de ces mécanismes, nous avons délibérément exclu la transformation tant souhaitée des cellules greffées en nouvelles cellules cardiaques pour la simple raison qu’elle n’existe pas. Dès le départ, cette notion a été claire dans le cas des myoblastes dont nous avons toujours souligné qu’ils restaient fidèles à leur lignage squelettique. La controverse a été plus vive (et elle n’est pas complètement éteinte) dans le cas des cellules médullaires mais l’évidence est de plus en plus forte que la plasticité dont on créditait ces cellules est beaucoup plus limitée qu’on ne l’imaginait ; il semble bien que leur prétendue « trans-différenciation » en cardiomyocytes ne corresponde qu’à des artefacts expérimentaux et, si elle survient, n’intéresse qu’un bien trop petit nombre de cellules pour avoir un impact fonctionnel. Ces observations ne signifient nullement que les cellules greffées n’aient pas un effet favorable sur la fonction par les mécanismes physiques ou paracrines précités mais ils soulignent que tout, ou presque, reste à faire si l’on continue à assigner comme objectif principal à la thérapie cellulaire la formation de « nouvelles » cellules cardiaques couplées à celles du receveur et pouvant de ce fait contribuer, de façon synchrone, à l’augmentation de la fonction pompe du cœur. - Des perspectives très importantes sont donc ouvertes par l’étude de trois types de cellules les cellules souches adultes extracardiaques suffisamment immatures pour pouvoir être orientées vers un phénotype cardiaque (et à côté des précurseurs musculaires déjà mentionnés, on citera ici les cellules du sang de cordon et celles dérivées du tissu adipeux. - Les cellules souches cardiaques si tant est qu’elles existent encore chez les insufffisants cardiaques et qu’on puisse soit les isoler, les expandre in vitro puis les réinjecter, soit les mobiliser in situ par un procédé pharmacologique approprié. - Enfin, les cellules souches embryonnaires même si une éventuelle utilisation clinique de ces cellules pose encore plusieurs problèmes (en fait, surtout celui de leur rejet éventuel en l’absence de cellules autologues obtenues par clonage), force est de reconnaître qu’à ce jour, elles sont les seules à avoir fait la preuve, chez le petit et le gros animal, qu’elles pouvaient donner naissance à de véritables cellules cardiaques capables de se connecter à celles du receveur, de repeupler des zones étendues de myocarde infarci et d’améliorer nettement et durablement la fonction ventriculaire gauche.   Conclusion Les perspectives de la greffe cellulaire dans le traitement de l’insuffisance cardiaque sont donc nombreuses et pourraient être stratifiées en trois grandes étapes : - la première, très prochaine, sera un état des lieux permettant une appréciation du bénéfice clinique et des risques éventuels ; - la seconde, plus fondamentale, devrait être une optimisation des techniques actuelles et une clarification des mécanismes d’action dont devraient bénéficier les autres types cellulaires : leur identification se poursuit en parallèle dans la perspective d’une véritable régénération myocardique ; - la troisième devrait logiquement correspondre à la translation vers la clinique de ces acquis fondamentaux sous la forme de l’évaluation d’une seconde génération de cellules dont les effets conditionneront directement la place qu’occuperont ces greffes dans le traitement de l’insuffisance cardiaque.

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