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Coronaires

Publié le 06 sep 2005Lecture 8 min

Quel traitement antiagrégant chez les patients qui reçoivent un stent pharmacoactif : certitudes, incertitudes et incohérences

E. FERRARI, C. MOISAN, M. BENHAMOU, P. CERBONI et M. BAUDOUY, CHU de Nice

Grâce à de nombreux travaux, en particulier français (Baragan/Bertrand/Morice), il n’est désormais plus envisageable chez un patient qui vient de bénéficier de la mise en place d’une endoprothèse coronaire de ne pas prescrire une association de deux antiagrégants plaquettaires. Ce traitement a démontré toute son efficacité dans la prévention de la thrombose de stent. La thrombose de stent est qualifiée d’aiguë lorsqu’elle survient dans les 24 premières heures après sa pose ; elle est subaiguë lorsqu’elle survient entre la 24e heure et la fin du premier mois, et dite tardive au-delà du 30e jour.
Comment gérer le traitement antiagrégant plaquettaire chez vos patients qui auront bénéficié de la mise en place d’un stent « pharmacoactif » ? La situation est-elle différente de celle du patient qui aura reçu un stent « nu » ?

La thrombose de stent est une situation heureusement rare puisqu’elle survient dans moins de 1 % des cas. En revanche, il s’agit d’un événement catastrophique puisqu’elle peut entraîner un décès une fois sur deux (Orford JL et al. JACC 2002 ; 40 :1562-72). La plupart des angioplasticiens âgés de plus de 40-45 ans ont vécu l’histoire rapidement évolutive du traitement préventif de cette complication majeure redoutée.   Les stents pharmacoactifs thrombosent-ils plus que les stents nus ?   En théorie, il y aurait quelques raisons pour que les stents pharmacoactifs s’accompagnent d’un surrisque de thrombose : - l’absence d’endothélialisation complète ; - la malapposition acquise tardive ; - une hypersensibilité réactionnelle de la paroi. Sur des observations privilégiées, certains auteurs ont mis en évidence une « hypersensibilité » de la paroi artérielle au coating utilisé. La paroi est alors infiltrée de cellules inflammatoires qui pourraient faire le lit de la thrombose. Par ailleurs, si le coating du stent au sirolimus disparaît en quelques semaines, celui du stent au paclitaxel pourrait persister pendant plusieurs mois. En pratique : si l’on s’appuie sur les études qui ont validé les deux stents actifs actuellement sur le marché en France, le stent sirolimus (Cypher™ de Cordis) et le stent au paclitaxel (Taxus™ de Boston), il n’y a pas de différence d’incidence de thrombose de stent qu’elle soit aiguë, subaiguë ou retardée. La métaanalyse de Babapulle, publiée dans le Lancet en 2004, ne retrouvait pas de différence d’événements évoquant une thrombose de stent sur un collectif de 5 013 patients avec un recul de 6 à 12 mois. Le très récent papier de Moreno et al., qui reprend aussi les 10 principaux essais randomisés ayant comparé stents nus versus stents pharmacoactifs retrouve un taux de thrombose tout à fait équivalent, 0,54 vs 0,58 %, sans différence entre le paclitaxel et le sirolimus. En fait, l’incidence de thrombose de stents actifs varie de 0 à 2 % avec le recul moyen dont on dispose dans ces études (de 6 mois à 1 an). Fait intéressant : 60 % surviennent dans les 30 jours alors que 40 % sont tardifs. L’AFSSAPS, devant la crainte d’un surrisque de thrombose des stents pharmacoactifs, avait lancé en juillet 2003 une enquête afin de quantifier l’incidence des événements compatibles avec une thrombose de stent à 3 mois. Devant l’absence de différence avec les stents nus, cette enquête a été arrêtée le 31 mars 2004. Dans le registre 2003 du GACI (Groupe Athérome et Cardiologie Interventionnelle), les chiffres rapportés par le Dr Chevalier, notaient 7 cas de thrombose tardive (> 2 mois dans 5 cas) sur plus de 2 000 stents pharmacoactifs mis en place. L’absence de surrisque dans les deux métaanalyses et ces deux enquêtes (registres) de l’AFSSAPS et du GACI, représentent des données solides qui argumentent l’absence de surrisque de thromboses des endoprothèses actives, au moins pour les thromboses jusqu’à 6 mois. Les arguments théoriques, pour un surrisque de thrombose de ces stents, pour fondés qu’ils soient sur des observations privilégiées, n’ont donc pas une traduction clinique à en croire les chiffres constatés dans « la vie réelle ». À moins que, éventualité envisageable, les patients de la « vraie vie » soient très différents de ceux des études randomisées et que des dizaines de cas de thromboses tardives n’aient pas été déclarés dans les registres. Il est aussi possible que, devant les bons résultats sur la resténose, plus de multitronculaires avec des lésions plus complexes et plus longues soient traités. Or, dans le travail de Moreno, les deux paramètres essentiels qui sont corrélés au risque de thrombose de stents sont le nombre de stents mis en place et la longueur des endoprothèses utilisées.   Gestion « conventionnelle » du traitement antiagrégant après pose de stent Le problème revient donc à la gestion du traitement antiagrégant dans les premiers mois après pose de tout stent. L’association aspirine et thiénopyridine, le plus souvent le clopidogrel, est devenue la règle. A priori, lorsque les deux antiagrégants sont associés et afin de minimiser le risque hémorragique, la dose d’aspirine devrait être de 160 mg au maximum. La durée de la bithérapie devrait être de 9 mois à 1 an (études CURE-PCI CURE/CREDO), tout en sachant que le bénéfice de l’association au-delà du premier mois est discuté par les puristes. Lorsque les deux antiagrégants sont associés, la dose d’aspirine devrait être de 160 mg au maximum.   Qu’est ce qui pourrait changer avec les stents pharmacoactifs ?   La dose d’aspirine, 325 mg, utilisée dans les deux études randomisées ayant inclus le plus grand nombre de patients : TAXUS-IV (Stent Paclitaxel) et SIRIUS (Stent Sirolimus). La durée de la bithérapie : 2 mois avec le stent sirolimus ; 6 mois avec le stent paclitaxel. D’où des recommandations qui ont été écrites (Antman, Circulation 2004), dans lesquelles on conseille une durée de la bithérapie antiagrégante de 2 mois pour les stents sirolimus et de 6 mois pour les stents paclitaxel. Donc des recommandations de durées de traitements plus courtes pour les stents pharmacoactifs que pour les stents nus ! On comprend que le praticien puisse s’y perdre. Les études ayant « validé » les stents pharmacoactifs ont été construites avec des durées de traitement antiagrégants plus courtes que celle actuellement prônée pour les stents nus. Nulle envie de la part des auteurs de semer le trouble, mais ces protocoles avaient été « dessinés » avant que les résultats des études prônant une bithérapie longue soient connus. Quoi qu’il en soit, on peut essayer de retrouver un peu de pertinence dans tous les résultats de la littérature. Une endoprothèse pharmacoactive reste une endoprothèse. Donc, ce qui est vrai pour un stent nu devrait l’être aussi pour un stent pharmacoactif. Si les recommandations prônent une durée de traitement antiplaquettaire de 9 mois à 1 an pour un stent nu, il semble difficile de prescrire une bithérapie antiplaquettaire moins longue pour les stents pharmacoactifs. Sauf à remettre en cause le bénéfice de la bithérapie au-delà du premier mois, ce que font certains avec des arguments très solides, mais qui ne devrait pas, à notre sens, faire franchir le pas au prescripteur tout-venant.   Ne pas baisser la garde Des cas décrits de thromboses de stents très tardives (au-delà de 1 an) ont jeté le trouble dans les esprits. Ces observations pouvaient faire croire que les stents pharmacoactifs présentent un risque de thrombose très tardive après leur mise en place. La petite série de Mac Fadden publiée dans le Lancet a eu beaucoup de répercussions. Cette équipe avait décrit 4 thromboses de stents (2 Cypher™/2 Taxus™) survenues plus d’un an après leur mise en place. À chaque fois, l’événement est survenu après l’arrêt du traitement antiagrégant. Point fort de ces 4 observations, 2 des patients avaient aussi bénéficié de la mise en place de stents nus qui eux « étaient » restés perméables. Les auteurs ne précisent pas combien de stents pharmacoactifs avaient été posés pendant cette période et donc l’incidence de thrombose de ces stents dans cette équipe. Indiscutablement, la brachythérapie, procédé très peu utilisé en France, se complique effectivement de thromboses tardives jusque dans 6 % des cas et a laissé des traces et des angoisses dans le monde de l’angioplastie.   Attention aux arrêts injustifiés des antiagrégants Cette crainte de thromboses très tardives n’est pas l’apanage des stents pharmacoactifs. Nous avons publié une série d’événements coronaires aigus survenant après arrêt de l’aspirine. Parmi ceux-ci, 10 étaient induits par une thrombose très tardive (en moyenne au 15e mois) de stents nus ; à chaque fois l’aspirine avait été arrêtée en moyenne 10 jours auparavant (Ferrari E et al. JACC 2005). Cela nous paraît important puisque cette série montre que tous les stents, nus ou pharmacoactifs, peuvent thromboser très tardivement. Dans la quasi-exclusivité des cas, les thromboses de stents tardives décrites dans la littérature sont survenues après arrêt du traitement antiagrégant et en particulier après arrêt de l’aspirine dans 100 % de nos 10 cas, 100 % des 4 cas de Mac Fadden (dans 1 cas, le patient avait arrêté les deux antiagrégants qui étaient encore prescrits). Il est impératif de resensibiliser, à chaque fois que possible, le patient à sa prise régulière d’aspirine, de lui recommander de ne jamais l’arrêter sans votre accord et le mettre en garde contre tous les arrêts intempestifs des antiagrégants, même ceux préconisés systématiquement par des confrères non cardiologues pour des actes divers. Il existe bien des situations où le risque hémorragique devient plus important que le risque coronarien (chirurgie ORL, neurochirurgie, etc.) mais cela doit être discuté au cas par cas. Il faut bannir les arrêts d’aspirine « de confort » pour le moindre geste dentaire ou pour toute chirurgie à très faible risque hémorragique.   Résistance aux antiagrégants   Un autre problème émergeant d’importance est qu’il faudrait s’assurer que le patient soit effectivement répondeur à l’aspirine. Les notions de résistance aux antiagrégants, en particulier à l’aspirine mais aussi au clopidogrel, sont de mieux en mieux documentées. Un patient « résistant à l’aspirine » chez lequel on arrête la thiénopyridine se retrouverait, dans les faits, sans traitement antiagrégant effectif. Quand on sait que jusqu’à 25 % des patients seraient ainsi non ou peu sensibles à l’aspirine, on comprend que ce chapitre nécessite une collaboration urgente avec nos collègues biologistes afin de mettre au point un diagnostic pratique et de routine pour dépister ces résistances à l’aspirine.   Autres situations D’autres situations pratiques méritent que le cardiologue soit au fait. Bien au contraire, il peut annihiler les propriétés antiagrégantes de l’aspirine et représenter alors une situation à risque. La nécessité absolue d’une chirurgie urgente après mise en place d’une endoprothèse coronaire a été très diversement appréciée dans la littérature : situation catastrophique pour le travail princeps de Ka ruza (JACC 2000) qui retrouvait dans ces conditions un taux de décès périopératoires de plus de 32 % ; situation « gérable » dans un travail plus récent de Wilson (JACC 2003). Elle représente, quoi qu’il en soit, une situation à risque, à la fois thrombotique et hémorragique, à éviter autant que faire se peut.   Durée des antiagrégants Faut-il prolonger plus longtemps (au-delà des 9 mois à 1 an) la bithérapie antiagrégante chez les sujets porteurs d’une endoprothèse coronaire ? Aucun résultat de la littérature ne va dans ce sens. Au bénéfice éventuel sur les événements thrombotiques que pourrait apporter cette prolongation de la bithérapie, il faudrait opposer le risque hémorragique (3 % dans CURE). Une étude, ne portant pas spécifiquement chez les porteurs d’endoprothèses coronaires, mais chez des patients poly-vasculaires pourrait bientôt nous apporter la réponse à cette question (CHARISMA).   En pratique   Il n’y a pas de surrisque de thrombose de stent avec les prothèses pharmacoactives. À ce jour, le traitement antiagrégant en prévention de la thrombose d’endoprothèse coronaire doit être le même qu’il s’agisse d’un stent nu ou pharmacoactif. Ce qui ressort de la littérature sur les thromboses tardives ou très tardives de stents, au-delà de la première année, est qu’elles sont, dans la très vaste majorité des cas, induites par l’arrêt du traitement antiagrégant. Puisque l’incidence de ces thromboses est exceptionnelle sans arrêt de l’aspirine, on peut penser que la continuation de cet antiagrégant centenaire est impérative dans cette situation, comme les recommandations nous le demandent depuis plus de 20 ans chez tous les coronariens.

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