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Vasculaire

Publié le 13 sep 2005Lecture 5 min

Prothèse ou chirurgie pour les anévrismes de l'aorte abdominale ?

A. CASTAIGNE, hôpital Henri Mondor, Créteil

La mise au point des endoprothèses permettant un traitement non-chirurgical des anévrismes de l’aorte abdominale a été accueillie avec un grand enthousiasme pour deux raisons : d’une part, la simplicité du geste dans les bonnes indications pourrait être à l’origine d’une mortalité périopératoire moindre, et d’autre part, des patients qui auraient été récusés pour l’intervention pourraient bénéficier d’une protection contre la rupture de l’aorte.

Des registres et des essais randomisés ont été mis en place dans beaucoup de pays du monde pour mesurer si ces bienfaits attendus étaient réels. Les premiers résultats ont été très encourageants pour ce qui est de la mortalité opératoire. Tant dans les registres que dans les essais randomisés, un bénéfice certain a été rapporté en faveur des endoprothèses : 4,7 vs 1,7 % dans l’essai EVAR (EndoVascular Aneurysm Repair [Royaume-Uni]) et 4,6 vs 1,2 % dans l’essai DREAM (Diabetes REduction Assessment with Ramipril and Rosiglitazone Medication [Pays-Bas]). Malgré ces résultats très encourageants, il est connu que les endoprothèses exposent à plus de complications à distance que la réparation chirurgicale conventionnelle ; aussi, la surveillance de ces patients a-t-elle continué à 2 ans pour l’essai DREAM et à 4 ans pour l’essai EVAR 1. Dans ces deux essais, les patients avaient des anévrismes accessibles à une réparation endovasculaire ou à la chirurgie. Un troisième essai, dit EVAR 2, était conduit au Royaume-Uni chez des patients ayant une contre-indication à la chirurgie et pour lesquels on tirait au sort endoprothèse ou abstention. Ce sont les résultats de ces trois essais qui sont parus au mois de juin dans le Lancet et le New England. L’étude EVAR 1 a randomisé 1 082 patients de plus de 60 ans ayant un anévrisme de l’aorte abdominale de diamètre > 5,5 cm, accessible à une endoprothèse et sans contre-indication à la chirurgie. Au total, 543 patients ont été assignés au groupe endoprothèse et 517 ont eu réellement une endoprothèse alors que 15 ont été opérés, le plus souvent en urgence et que 10 sont décédés avant le geste. Dans l’autre groupe, 539 patients se sont vu proposer la chirurgie et 500 ont été opérés ; 18 ont eu une endoprothèse pour des raisons de préférence personnelle tardive (après le consentement), 13 sont décédés avant le geste et 6 ont décidé de ne pas être opérés. On voit là toute la difficulté de ces randomisations en ouvert dans lesquelles la préférence du patient peut intervenir. Le nombre de patients permet une analyse en intention de traiter (dans laquelle les patients sont gardés dans le groupe assigné par le sort, quelle que soit l’intervention effectivement réalisée), dont les résultats ne sont pas pollués par les déviations par rapport au protocole strict. Les critères de jugement étaient la mortalité totale (critère principal), la mortalité liée à l’anévrisme, la qualité de vie, les complications postopératoires et les coûts hospitaliers. La mortalité totale est égale dans les deux groupes : 100 dans le groupe endoprothèse contre 109 dans le groupe chirurgie. La mortalité liée à l’anévrisme est de 19 dans le groupe endoprothèse contre 34 dans le groupe chirurgie et cette différence est significative. On peut discuter la signification de ce résultat car il suffit qu’une des morts dites coronaires soient en fait une rupture d’endoprothèse pour que la différence ne soit plus significative. De même, la qualité de vie, qui était meilleure pendant les trois premiers mois après la chirurgie, a été identique après. Enfin, deux différences majeures apparaissent : le nombre des complications et le coût. Chez les 529 patients ayant eu une endoprothèse, on relève 186 complications concernant 81 patients alors que, chez les 519 opérés, ce sont 36 patients qui ont eu 44 complications. De ce fait, alors que les deux groupes étaient au coude à coude en matière de coût hospitalier initial, le groupe endoprothèse coûte environ 5 000 euros de plus que le groupe chirurgie par patient. L’étude DREAM a une taille plus petite (350 patients) mais apporte des résultats similaires : mortalité totale 18 pour la chirurgie et 20 pour l’endoprothèse, persistance d’un bénéfice quant à la mortalité liée à l’anévrisme (8 contre 2) mais une probabilité de survie sans réintervention plus faible dans le groupe endoprothèse (88 %) que dans le groupe chirurgie (96 %) à deux ans. La troisième étude, dite EVAR 2, a inclus 338 patients ayant un anévrisme de l’aorte abdominale et une contre-indication à la chirurgie. Les patients ont été assignés à une pose d’endoprothèse ou à une abstention. Bien entendu, 47 des patients du groupe abstention ont eu des gestes le plus souvent en urgence pour une rupture ou une prérupture mais parfois par choix retardé du patient ou de son médecin. Parmi ces 47 patients, 35 ont eu une endoprothèse. Les critères de jugement étaient la mortalité totale (critère principal), la mortalité liée à l’anévrisme, les complications postopératoires et les coûts. La mortalité totale a été importante (64 %), témoignant de la gravité de la condition initiale de ces patients. La mortalité a été la même dans les deux groupes. Il en est de même pour la mortalité liée à l’anévrisme mais, dans cette étude, la mortalité dans les suites de la pose de l’endoprothèse a été importante : 9 %. Quant aux complications et aux coûts ils ont été beaucoup plus élevés dans le groupe endoprothèse que dans le groupe abstention. La différence de coût est de 10 000 euros par patient.   Que tirer de ces trois études ?   D’abord et avant tout : pas de conclusions hâtives. Deux autres études du même type sont en cours aux États-Unis et en France. Elles ont été débutées après les études EVAR et DREAM. La technique a évolué, l’habileté technique aussi : peut-être les études ultérieures apporteront-elles des résultats plus enthousiasmants. Cependant à ce stade, on peut informer les patients qu’il y a un bénéfice en termes de mortalité périopératoire mais que cela se paie par un nombre élevé de scanners de surveillance et de réinterventions. On peut également les informer du fait que, quelle que soit la technique choisie, l’essentiel concernant leur pronostic vital est ailleurs, le petit bénéfice sur la mortalité liée à l’anévrisme (à confirmer) étant dilué par la masse des décès liés à l’athérosclérose. Enfin, la promesse de pouvoir traiter les anévrismes des patients trop malades pour être opérés n’a pas été tenue. Là encore, le bénéfice sur la mortalité de l’anévrisme, si tant est qu’il existe, est noyé dans la mortalité de ces patients ayant un état général trop sévèrement altéré. Après les premiers résultats sur la mortalité opératoire, nous avions commencé à lever nos verres en l’honneur de la nouvelle technique ; à ce stade nous sommes obligés de les reposer sur la table ; la suite nous dira s’il faudra, en plus, refermer la bouteille de champagne et retourner à une bonne technique bien validée, la chirurgie.

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