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Coronaires

Publié le 08 mar 2011Lecture 8 min

Prise en charge de l’infarctus du myocarde en 2011 - Que reste-t-il de la thrombolyse intraveineuse ?

J.-L. BONNET, G. BONNET, CHU Timone, Marseille

Les Journées européennes de la SFC
La réponse à cette question peut être devinée à la lecture dès sa formulation. L’administration d’un agent fibrinolytique par voie intraveineuse (FIV) dans l’optique d’obtenir une reperfusion myocardique rapide est réservée aux situations pour lesquelles une désobstruction mécanique par intervention coronaire percutanée (angioplastie par ballonnet avec ou sans stent) dite primaire (ICP-I) ne peut être envisagée. En d’autres termes, l’ICP-I est en 2011 considérée comme étant la méthode de désobstruction coronaire la plus efficace dans la mesure où elle peut être pratiquée rapidement dans un centre de cardiologie interventionnelle d’excellence, fonctionnel 24 heures sur 24.

Au-delà de cette réponse laconique, il est souhaitable de rappeler ce que la thrombolyse a pu apporter dans la prise en charge de l’infarctus avec sus-décalage du segment ST (STEMI), permettant une meilleure compréhension de la physiopathologie de l’accident coronaire athérothrombotique occlusif et favorisant la mise en place d’un réseau de soins impliquant médecins urgentistes, cardiologues réanimateurs et cardiologues interventionnels (figure 1). Figure 1. Réseau de prise en charge des syndromes coronaires aigus APHM-Timone. Les étapes marquantes dans l’histoire de la FIV De Wood met en évidence le rôle central du thrombus occlusif En 1980, De Wood publie un travail princeps qui bouleverse les idées que l’on peut avoir à l’époque concernant la physiopathologie de l’infarctus du myocarde(1). Il identifie le thrombus occlusif coronaire comme étant la cause et non la conséquence de la nécrose myocardique. Il met en évidence le processus de lyse physiologique qui permet une désobstruction coronaire secondaire mais trop tardive et souligne la possibilité d’extraire le caillot par une sonde de Fogarty (figure 2). Cette publication fait écho à celles de Chazov en 1976 et de Rentrop en 1979 qui avaient observé que l’administration in situ d’un fibrinolytique permettait la recanalisation de l’artère coronaire occluse. Figure 2. Prévalence des occlusions coronaires totales au cours des premières heures de l'IDM transmural. L'occlusion coronaire complète est fréquente durant les premières heures de l'IDM transmural et diminue en fréquence au cours des 24 h ce qui suggère que le spasme coronaire ou la formation d'un thrombus secondairement recanalisé ou les deux, peuvent être importants dans l'évaluation d'un IDM. Ces travaux ont été à l’origine d’un regain d’intérêt pour les traitements fibrinolytiques proposés dès 1959 par Fetcher. Entre 1960 et 1970, plus de 3 000 patients avaient ainsi reçu un traitement fibrinolytique sans succès car administré selon un protocole inadapté (administration tardive et prolongée sur 3 jours) puisque basé sur des concepts erronés(2). L’étude GISSI-I impose la thrombolyse intraveineuse L’étude GISSI-I rapportée en 1986, est la première grande étude comparant l’administration d’un fibrinolytique non fibrino-spécifique, la streptokinase (SK) administrée en bolus IV, à un placebo chez des patients présentant un STEMI évoluant depuis moins de 12 heures(3). Plus de 11 000 patients sont inclus et la conclusion est une baisse de mortalité de 18 % à 21 jours sous SK. Le bénéfice paraît d’autant plus net que le traitement est prescrit précocement. Fait suite ISIS-2 qui souligne à partir d’une étude portant sur plus de 17 000 patients, l’intérêt d’adjoindre à la SK de l’aspirine, l’association aspirine-SK permettant une réduction de 42 % de la mortalité à 35 jours comparativement au placebo(4). Cependant, la survenue d’accidents hémorragiques reste une préoccupation qui justifie la recherche d’agents fibrino-spécifiques théoriquement sans effet sur le fibrinogène circulant et donc potentiellement plus sûrs. Les deux premières grandes études comparant l’activateur tissulaire du plasminogène (rt-PA) à la SK, GISSI-2 et ISIS-3, sont cependant négatives. La raison évoquée est l’absence d’un traitement adjuvant par héparine non fractionnée (HNF). En effet, si l’adjonction d’HNF n’améliore l’effet du rt-PA elle prévient les réocclusions coronaires précoces (< 48 h). L’administration d’un fibrinolytique fibrinospécifique sera dès lors associée à celle d’un antithrombine. L’étude GUSTO-I confirme la relation reperfusion-pronostic GUSTO-I, incluant plus de 41 000 patients montre que le rt-PA administré selon un protocole dose accélérée en association avec l’héparine et l’aspirine est plus efficace que la SK(5). La réduction de la mortalité à 30 jours est de 14 % mais au prix d’un excès d’accidents vasculaires cérébraux. L’analyse du sous-groupe des patients qui ont bénéficié d’une coronarographie précoce per protocole permet de confirmer que la réduction de la mortalité est la conséquence d’une reperfusion de meilleure qualité (flux TIMI 3) à l’origine d’une réduction de la taille de la nécrose (moindre détérioration de la fraction d’éjection du ventricule gauche)(6) (figure 3). Le développement de l’angioplastie primaire va cependant mettre un frein à la progression de cette méthode de reperfusion. Plusieurs métaanalyses regroupant au moins 3 000 patients vont montrer que la reperfusion mécanique est plus efficace que la FIV en termes de mortalité, avec un risque hémorragique et d’accident vasculaire cérébral moindre. La réponse des partisans de la fibrinolyse sera, en France, le développement de la FIV préhospitalière, s’appuyant sur l’organisation spécifique des Services médicaux d’urgence et de réanimation (SMUR) régulés par les centres 15. Figure 3. Sous-groupe angiographique de l'étude GUSTO. La théorie de l'artère ouverte. L’étude CAPTIM confirme le concept de la « Golden Hour » Le diagnostic d’une occlusion coronaire aiguë est dans la majorité des cas facilement établi. Le patient décrit une douleur thoracique prolongée qui ne cède pas après administration de trintrine sublinguale et l’électrocardiogramme (ECG) inscrit un sus-décalage du segment ST dans ≥ 2 dérivations contiguës, ≥ 2 mm en dérivations précordiales ou ≥ 1 mm en dérivations frontales, ou un bloc de branche gauche récent (ce qui sous-entend de disposer d’un ECG de référence). L’administration d’un fibrinolyique au domicile du patient a de ce fait été rapidement proposée, en particulier en France, permettant une réduction des délais de reperfusion. L’étude européenne EMIP, en incluant 5 469 patients pris en charge dans les 6 premières heures et traités pour moitié dès le lieu du diagnostic a confirmé à grande échelle la faisabilité de la méthode et surtout sa sécurité sans pour cela démontrer son utilité en termes de réduction de la mortalité(7). À partir d’une métaanalyse de 22 études comparatives entre FIV et placebo incluant un total de 50 246 patients, Boersma a démontré un bénéfice majeur chez ceux traités ≤ 2 heures après l’apparition des symptômes suggérant quelle pourrait être la place réelle de la FIV préhospitalière(8). L’étude CAPTIM (840 patients inclus), dont l’objectif était de comparer les résultats de la FIV préhospitalière à ceux de l’ICP-I chez des patients pris en charge depuis ≤ 6 heures a mis en évidence une différence en faveur de la FIV uniquement dans un sous-groupe de patients pris en charge ≤ 2 heures allant de pair avec une réduction du délai thérapeutique de 105 min(9). En pratique L’objectif de la désobstruction coronaire est différent selon le moment de sa réalisation par rapport à la survenue de l’occlusion coronaire aiguë. La désobstruction précoce (< 3 heures) prévient (< 30 min) ou au moins limite l’étendue de la nécrose. Au-delà de la 6e heure, elle préviendrait le remodelage ventriculaire et le développement d’un anévrysme ventriculaire gauche, justifiant la réalisation d’une ICP, intervention plus complète car permettant par ailleurs la suppression de l’obstacle intracoronaire (figure 4). Figure 4. Le bénéfice de la reperfusion dépend du temps. Les recommandations européennes sont donc de proposer une FIV de préférence préhospitalière chez les patients pris en charge durant les 2 premières « Golden hours », lorsque le délai de transfert estimé vers un centre de cathétérisme est ≥ 2 heures (ce délai étant réduit à 90 mn lorsque l’infarctus est étendu), en l’absence de contre-indications hémorragiques(10) (figure 5). Figure 5. Stratégie de reperfusion. Les dernières données FIV et ICP-I : deux stratégies de reperfusion indépendantes ASSENT IV-PCI comparant un groupe de patients transférés directement en salle de cathétérisme pour bénéficier d’une angioplastie de désobstruction (primaire) à un groupe recevant préalablement, voire durant le transport, un fibrinolytique (tenecteplace, TNK-tPA) souligne l’effet délétère du fibrinolytique(13). La mortalité à 90 jours est majorée de 38 % dans le groupe prétraité. L’explication est l’effet prothrombotique du fibrinolytique qui, d’un côté, lyse le thrombus fibrinocruorique et, de l’autre, active les plaquettes. FINESSE, interrompue prématurément du fait de difficultés d’inclusions, confirme cette hypothèse(14). Elle montre que l’administration d’une association fibrinolytique-antiplaquettaire puissant (abciximab) préalable à la réalisation d’une angioplastie ne majore pas le risque thrombotique mais l’étude est négative car par ailleurs cette association induit un surcoût inacceptable d’accidents hémorragiques. Ainsi, en 2011, la notion de stratégie combinée combinant fibrinolyse préhospitalière et angioplastie systématique dans la foulée doit être abandonnée justfiant un choix décisionnel clairement établi au lit du malade. ICP secondaire : une option souvent justifiée après FIV La complémentarité entre FIV et ICP est cependant souhaitable lorsque la FIV est inefficace. L’échec du traitement est observé dans près de 40 % des cas lorsqu’une coronarographie est pratiquée dans les 90 minutes suivant l’administration de rt-PA. Cependant le diagnostic en est difficile. Dans cette situation, l’angioplastie dite de sauvetage peut être utile mais c’est une procédure à haut risque qui ne peut être pratiquée que dans des centres experts. TRANSFER-MI identifie la stratégie optimale à ce jour. Elle compare un groupe de patients traités par FIV et transférés en salle de cathétérisme uniquement en cas d’échec, à un groupe transféré de manière systématique. Cette étude s’applique aux centres ne disposant pas de salle de cathétérisme et qui peuvent transférer un patient dans un délai de 3 à 6 heures dans un centre de cathétérisme où une angioplastie sera pratiquée dès lors que l’artère reste occluse ou présente une sténose sévère. Dans ces conditions, la stratégie combinée FIV-ICP secondaire réduit de 36 % la mortalité à 30 jours. Recommandations Il reste de la thrombolyse intraveineuse une belle histoire qui a suscité la participation d’un nombre considérable de patients. Elle a permis de comprendre les mécanismes qui conduisent à la nécrose myocardique. Elle a favorisé le rapprochement des différents acteurs de l’urgence coronaire pour aboutir à la création de réseaux de soins dont l’objectif est la réduction de la taille de la nécrose. Le registre EuroHeartSurvey souligne par ailleurs la place toujours importante de la reperfusion chimique qui concerne 26 % des patients reperfusés. Les recommandations de la Société européenne précisent que la FIV est indiquée lorsque l’angioplastie primaire ne peut être envisagée dans les 2 heures suivant le diagnostic de l’infarctus du myocarde confirmé par un ECG. Ce délai est réduit à 90 min lorsque l’infarctus est étendu. Le patient doit être alors transféré vers un centre de cathétérisme où il pourra bénéficier d’une angioplastie immédiate en cas d’échec de la fibrinolyse ou dans les 3 à 24 heures s’il est asymptomatique. Figure 6. Angioplastie précoce en routine après fibrinolyse.

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