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Valvulopathies

Publié le 14 oct 2008Lecture 6 min

Insuffisance mitrale - Nouveaux concepts pathogéniques

V. PROBST, CHU de Nantes

Les dystrophies valvulaires par dégénérescence myxoïde sont des pathologies cardiaques fréquentes et potentiellement graves. Elles constituent un groupe hétérogène dont la forme la plus répandue est le prolapsus valvulaire mitral idiopathique (maladie de Barlow), dont la fréquence est estimée entre 2 et 7 % de la population générale. Le prolapsus valvulaire existe le plus souvent de façon isolée, mais il est parfois retrouvé au cours d'atteintes multivalvulaires, ou associé à d’autres pathologies cardiovasculaires (communication interauriculaire, cardiomyopathies). On le décrit aussi dans des désordres syndromiques, notamment des pathologies héréditaires du tissu conjonctif (syndrome d’Ehlers-Danlos, syndrome de Marfan, pseudoxanthome élastique, ostéogenèse imparfaite).

Les manifestations cliniques, polymorphes, vont des formes bénignes d'anomalies valvulaires, majoritaires, à des formes sévères avec une fuite parfois importante nécessitant un geste chirurgical. Par ailleurs, ces dystrophies valvulaires peuvent être à l'origine de complications graves comme les endocardites, les accidents thromboemboliques, les troubles du rythme cardiaque, voire la mort subite. Physiopathologie Macroscopiquement, la dégénérescence myxoïde se traduit par une exubérance tissulaire diffuse ou localisée (figure 1). Les feuillets de la valve mitrale sont épaissis avec un aspect distendu et s’accompagnent d’une élongation des cordages. Les sigmoïdes de la valve aortique peuvent aussi être épaissies. Deux caractéristiques principales se dégagent à l’examen anatomopathologique : l’absence de processus inflammatoire et la dégénérescence de la valve avec des altérations non spécifiques du collagène et de l’élastine ainsi qu’une accumulation de protéoglycanes. La dégénérescence de la valve est dite myxoïde en raison de l’imbibition du tissu conjonctif valvulaire par ces protéoglycanes. Figure 1. Aspect macroscopique typique de valvulopathie myxoïde mitrale. La rupture des fibres de collagène va favoriser les ruptures de cordage mais, même en absence de rupture collagène, les cordages seront plus extensibles, auront une moins bonne rigidité et se rompront pour une tension moins grande. De plus, en raison de l'élasticité plus importante de la valve, la tension sur les cordages sera plus importante. Bien que la dégénérescence myxoïde soit la cause la plus fréquente du prolapsus valvulaire, un prolapsus sur une valve histologiquement normale est possible. En effet, la survenue d'un prolapsus dépend de la relation entre la taille des feuillets de la valve mitrale et celle du ventricule gauche. Un excès de tissus des feuillets valvulaires, une élongation des cordages, une disproportion entre une petite cavité ventriculaire gauche et la taille des feuillets valvulaires peuvent conduire au prolapsus de la valve mitrale. Par exemple, un traitement diurétique chez les femmes saines peut induire un prolapsus de la valve mitrale. De même, en cas de communication interauriculaire de type ostium secundum, il est fréquent de retrouver un prolapsus valvulaire liée en grande partie à la petite taille du ventricule gauche qui généralement, disparaît après la fermeture de la communication interauriculaire. Aspect génétique du prolapsus valvulaire La plupart des cas de prolapsus valvulaire mitral sont sporadiques. Cependant, il existe de nombreuses descriptions de formes familiales de la maladie. Le plus souvent la transmission est autosomique dominante avec une pénétrance incomplète (tous les patients porteurs de l’anomalie génétique ne sont pas atteints de la maladie) et une expressivité variable en fonction de l’âge et du sexe (certains sujets ont une forme sévère de la maladie tandis que d’autres ont une atteinte faible). La pénétrance est faible dans l’enfance (8 %) et plus faible chez les hommes (19 %) que chez les femmes (41 %). À ce jour, les connaissances des bases moléculaires à l’origine des valvulopathies myxoïdes sont encore très incomplètes. La première localisation chromosomique (locus) de prolapsus valvulaire mitral a été décrite en 1999. La réalisation systématique d’une échocardiographie chez les apparentés de 17 patients opérés de prolapsus valvulaire mitral avait permis de recruter quatre familles avec une transmission autosomique dominante de la maladie. L’analyse de liaison génétique avait isolé un locus en 16p11-13 dans deux de ces familles. Deux autres locus ont été récemment identifiés situés sur le chromosome 11p15.4 et sur le chromosome 13q31-32. Par ailleurs, des associations sont décrites entre le risque de prolapsus valvulaire mitral et des polymorphismes dans le gène de la fibrilline (gène impliqué dans le syndrome de Marfan). Enfin, une dystrophie valvulaire familiale avec une transmission liée au chromosome X, forme plus rare de cette pathologie fréquente, était décrite pour la première fois par Monteleone et Fagan en 1969. Tout ceci montre que ces formes familiales de prolapsus valvulaire mitral par dégénérescence myxoïde sont génétiquement hétérogènes. Identification du premier gène de prolapsus valvulaire mitral Grâce à l'identification d'une grande famille atteinte d'un prolapsus valvulaire mitral parfois associé à une insuffisance aortique, nous avions pu localiser le gène responsable de la valvulopathie dans cette famille sur le chromosome X. en Xq 28. Le gène codant pour la filamine A (FLNA) localisé dans cette région pouvait être considéré comme un bon candidat puisqu’il avait été montré que des mutations dans ce gène pouvaient être responsables de maladies syndromiques associées à des prolapsus valvulaires mitraux. Le séquençage de la région codante pour la filamine A a permis d’identifier une mutation faux sens CÆA en position 1910 dans l’exon 13, ce qui entraîne le remplacement d’une proline par une glutamine au niveau de l’acide aminé 637 (FLNA p.Pro637Gln). Nous disposions de 6 autres familles atteintes de valvulopathies myxoïdes potentiellement liées au chromosome X. Parmi ces 6 familles, 3 étaient porteuses d’une mutation dans la filamine A (p.Gly288Arg, p.Val711Asp et une délétion de 546 acides aminés). La filamine A est donc le premier gène de valvulopathie non syndromique. Elle module l’organisation du cytosquelette d’actine en réseaux parallèles ou orthogonaux. Elle joue un rôle dans l’interaction entre les réseaux d’actine et les récepteurs transmembranaires, et module ainsi les signaux de transduction de cellule à cellule, entre les cellules et la matrice, mais aussi la transduction du signal intracytoplasmique. On peut donc penser que les mutations retrouvées dans ce gène pourraient être responsables d’une anomalie de transmission des forces entre le milieu extérieur et le cytoplasme, ce qui pourrait expliquer l’apparition progressive de l’épaississement valvulaire au cours du temps et plus particulièrement sur les valves soumises à d’importants étirements (les valves du cœur gauche). Par ailleurs, des travaux récents sur la maladie de Marfan ont montré que la voie du TGFb joue un rôle majeur dans la survenue de maladie. Des mutations dans le gène TGFbR2 ont même été identifiées. Les TGF sont des cytokines multipotentes qui sont des modulateurs majeurs de la prolifération et de la différenciation cellulaire ainsi que des modulateurs de la matrice extracellulaire. De même, il a été montré qu’un blocage précoce de la voie des TGF, dans un modèle de souris qui développe un syndrome de Marfan avec une atteinte valvulaire importante, permet d’empêcher l’apparition du remaniement myxoïde des valves. Dans ce contexte, il est intéressant de noter que la filamine A interagit avec la voie des TGF et que l’atteinte valvulaire pourrait également dépendre de cette voie (figure 2). Bien que la filamine A soit une protéine ubiquitaire, les raisons pour lesquelles l’atteinte est limitée aux valves restent inconnues mais il est possible que le stress hémodynamique, présent essentiellement au niveau cardiaque, puisse expliquer cette atteinte localisée. Figure 2. Schéma de la voie du TGF et son interaction avec la filamine. En pratique Bien que les mécanismes intimes responsables de l’atteinte valvulaire qui conduisent au prolapsus valvulaire soient encore mal connus, ces dernières années ont probablement marqué un tournant définitif dans la compréhension de cette pathologie. Le chemin avant une compréhension suffisante pour envisager l’élaboration de nouvelles stratégies thérapeutiques reste long, mais d’ores et déjà la voie des TGF est certainement une voie d’avenir dans ce domaine.

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