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Coronaires

Publié le 01 fév 2005Lecture 6 min

L'état des lieux de la reperfusion dans l'infarctus - Ce que nous apprennent les registres

P.-G. STEG, hôpital Bichat, Paris

Le traitement de l’infarctus du myocarde est bien codifié grâce à un corpus imposant d’essais cliniques randomisés multicentriques de grande taille qui ont, successivement, établi que le traitement thrombolytique intraveineux précoce à la phase aiguë de l’infarctus est associé à une réduction de la mortalité, au prix d’un excès d’environ 1 % d’hémorragies cérébrales, que le traitement par rt-PA est associé à une réduction de mortalité d’1 % par rapport à celui utilisant la streptokinase, puis qui ont codifié et testé les traitements adjuvants de la thrombolyse, ainsi que de nouveaux agents thrombolytiques. Une seconde vague d’essais a comparé thrombolyse intraveineuse administrée à l’hôpital et angioplastie primaire en urgence.

Dans l’ensemble, on a conclu assez clairement à la supériorité de l’angioplastie primaire, à la condition que celle-ci soit mise en œuvre rapidement (dans un délai < 90 minutes par rapport à la prise en charge médicale) et dans un centre expérimenté. Enfin, un essai récent a testé une stratégie de thrombolyse intraveineuse préhospitalière associée au transfert systématique en milieu interventionnel, activement comparée à l’angioplastie primaire et conclu à l’absence de différence nette entre les deux stratégies.   Des études pour les « grandes » prises en charge thérapeutiques Les résultats de ces essais ont été essentiels pour mettre au point et valider les stratégies de prise en charge de l’infarctus. Pour autant, comme tous les essais randomisés, ils s’adressent à une population de patients hautement sélectionnée, peu représentative du « monde réel ». Dans la vie courante, les patients sont souvent beaucoup plus âgés, souffrent de comorbidités qui rendent certains traitements inutilisables, et ont globalement un pronostic plus sombre que la population « triée sur le volet » des essais cliniques. En outre, les centres hospitaliers participant aux essais cliniques sont, eux aussi, peu représentatifs du monde réel. Ils sont souvent à la fois mieux équipés, plus entraînés et avec un personnel médical et paramédical plus qualifié que les autres hôpitaux. Cela a un impact sur les résultats des techniques interventionnelles ou chirurgicales.   Des registres pour la vie courante Les dernières années ont vu la constitution de grands registres nationaux et internationaux, destinés à colliger les caractéristiques des patients rencontrés dans la vie courante, établir les modalités de leur traitement, comparer celles-ci et leurs résultats à ce qui est observé dans les essais randomisés. Il existe une grande variété de registres, dont la rigueur méthodologique est variable, allant de la simple enquête multicentrique sur les pratiques médicales jusqu’à des registres exhaustifs fondés sur la population avec audit des données et contrôles de qualité. Certains sont issus d’initiatives individuelles ou collectives de praticiens, d’autres ont vu le jour sous l’impulsion de sociétés savantes (tel que le registre Euro Heart Survey de la Société Européenne de Cardiologie), d’autres enfin sont encouragés, voire organisés par l’industrie pharmaceutique. La France a globalement bien contribué à la collection de ces registres, dont certains, tels les registres USIK ou le registre de Côte d’Or, figurent parmi les références internationales dans le domaine. Par leur taille, par l’information irremplaçable qu’ils fournissent sur les pratiques, par la rapidité de leur constitution, ces registres constituent une source d’information très complémentaire des essais cliniques contrôlés.   Enseignement des registres concernant la reperfusion à la phase aiguë de l’infarctus   La reperfusion reste sous-employée Une donnée constante dans tous les registres d’infarctus du myocarde, même récents, est l’existence d’un pourcentage relativement important de patients pris en charge en phase aiguë d’infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST et qui ne reçoivent aucun traitement de reperfusion (ni thrombolyse intraveineuse, ni angioplastie primaire). Cela constitue une discordance majeure avec l’état de l’art et les recommandations médicales unanimes. Les registres les plus optimistes estiment ce pourcentage à au moins 30 % des patients « vus dans les délais » qui seraient compatibles avec le bénéfice de la reperfusion (les 12 premières heures). Ces patients sont clairement plus âgés et plus graves que les patients des essais cliniques et leur devenir est relativement sombre en l’absence d’essai de reperfusion. Ils sont plus souvent âgés, diabétiques, déjà pontés, souffrant d’insuffisance cardiaque aiguë et leurs symptômes initiaux sont souvent atypiques. D’où l’importance d’une grande vigilance des médecins confrontés à l’urgence pour rechercher et identifier précocement ces patients, afin de pouvoir leur proposer un traitement de reperfusion et essayer d’améliorer leur pronostic. Cela relativise également l’importance du débat entre tenants de la thrombolyse et tenants de l’angioplastie comme stratégie préférentielle de reperfusion à la phase aiguë de l’infarctus. La priorité reste de proposer un traitement de reperfusion à tous les patients, plutôt que de discuter indéfiniment sur les mérites respectifs de traitements qui restent encore largement sous-employés.   La thrombolyse reste encore actuellement le traitement de reperfusion le plus employé et essentiellement la streptokinase Bien que ces données évoluent rapidement, avec une augmentation régulière de l’utilisation de l’angioplastie primaire et, pour les agents thrombolytiques, des agents utilisables en bolus, les données disponibles concernant les années 1999-2001 montrent que la thrombolyse intraveineuse était encore largement prédominante comme traitement de reperfusion à cette période. L’angioplastie primaire donne des résultats largement influencés par l’expertise des centres et par sa rapidité de mise en œuvre. Les grands registres, notamment le registre NRMI-2, ont bien montré l’existence d’une relation assez forte entre l’expertise des centres, mesurée par le volume d’infarctus traités par angioplastie primaire et une reduction de mortalité (figures 1 et 2). De même, la rapidité de mise en œuvre de l’angioplastie (le délai « porte de l’hôpital-ballon d’angioplastie ») est inversement corrélée à la mortalité : plus les patients sont traités rapidement, plus la mortalité est faible (figure 3). Figure 1. Données du registre américain NRMI-2 sur l’impact du volume mensuel d’angioplasties primaires sur la mortalité dans l’infarctus aigu. Figure 2. Impact du volume annuel d’angioplasties primaires par hôpital sur le risque de décès hospitalier dans l’infarctus aigu. Figure 3. Impact du délai intrahospitalier de réalisation de l’angioplastie sur la mortalité précoce de l’infarctus aigu du myocarde (données de l’étude GUSTO II). Dans les grands registres, on ne retrouve pas de différence notable de survie à court ou à long terme entre thrombolyse intraveineuse et angioplastie primaire. Contrairement à ce qui est observé sans ambiguïté dans les essais cliniques randomisés, traitement thrombolytique et angioplastie primaire semblent faire « jeu égal » dans la quasi-totalié des grands registres, y compris les registres français comme USIK (figure 4). Bien que ces comparaisons soient à interpréter avec prudence, précisément parce que les patients ne sont pas comparables et qu’il existe une grande variété de biais de sélection, le caractère remarquablement concordant des registres à cet égard suggère que cette observation n’est probablement pas fortuite et qu’elle reflète de moins bons résultats de l’angioplastie primaire dans le « monde réel » que dans le monde un peu artificiel des centres hospitaliers bien équipés, entraînés et motivés, qui participent aux essais cliniques. Figure 4. Devenir précoce et à 1 an des patients du registre USIK en fonction du traitement de reperfusion initialement employé. Intérêt potentiel d’une stratégie « pharmaco-mécanique » Dans les registres, comme dans certains essais randomisés, on observe une mortalité à court terme particulièrement faible chez les patients qui ont eu l’association d’un traitement thrombolytique intraveineux, notamment en préhospitalier, et d’une angioplastie coronaire en cours d’hospitalisation (figure 5). Ces résultats tendent à contredire les essais cliniques relativement anciens réalisés au début des années 90 sur l’angioplastie postthrombolyse. Ces données méritent, bien sûr, validation et plusieurs essais cliniques randomisés internationaux (tels que ASSENT-4, CARESS in AMI, FINESSE) testent actuellement ce type de stratégies, avec différentes combinaisons de traitements antithrombotiques associés à l’angioplastie. Figure 5. Mortalité des infarctus dans le registre USIC 2000 en fonction des traitements employés. TH : thrombolyse hospitalière ; TPH : thrombolyse pré-hospitalière ; ATL : angioplastie transluminale. En conclusion Ces quelques données sont loin de résumer l’ensemble des enseignements des registres dans le domaine de l’infarctus, et de nombreux domaines sont en cours d’évaluation — notamment ayant trait à la qualité des soins — qui seront probablement riches d’enseignements.

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