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Valvulopathies

Publié le 02 sep 2008Lecture 8 min

Les valvulopathies médicamenteuses

M. ANDREJAK, CHU Sud, Amiens


Le Printemps de la cardiologie
La possibilité que des médicaments puissent être à l’origine de lésions sévères des valves cardiaques a fait l’objet d’un éclairage récent avec les valvulopathies associées à certains antiparkinsoniens agonistes dopaminergiques.

Les premières descriptions de valvulopathies possiblement médicamenteuses ne sont en fait pas récentes, il s’agissait d’observations isolées avec des différents alcaloïdes de l’ergot de seigle. La première observation concernant le méthysergide (Désernil‚) a été publiée en 1969, suivie d’une seconde en 1974, puis des cas ont été rapportés avec l’ergotamine et, plus récemment, avec la bromocriptine. Ces observations sont cependant restées relativement exceptionnelles. En 1997, étaient décrites des valvulopathies avec un autre type de médicaments, les anorexigènes. Leur survenue associée à celle d’un autre effet indésirable sévère, l’hypertension artérielle pulmonaire, était à l’origine du retrait de ces médicaments du marché. L’actualité récente concerne les agonistes dopaminergiques dérivés de l’ergot de seigle et en premier lieu le pergolide (Célance‚).   Valvulopathies sous anorexigènes Celles-ci ont été observées pour l’essentiel aux États-Unis, d’abord rapportées sous la forme d’une série de 24 cas de femmes sans antécédent cardiovasculaire, qui ont développé en moyenne après 12 mois de traitement par la fenfluramine ou la dexfenfluramine, une valvulopathie régurgitante. L’atteinte valvulaire était particulière : épaississement irrégulier des valves avec rétraction de l’appareil sous-valvulaire et perte de coaptation responsable de la régurgitation. Dans cette série, sur les 5 valvulopathies opérées, les lésions constatées s’apparentaient aux valvulopathies carcinoïdes ou à celles décrites précédemment avec des alcaloïdes de l’ergot de seigle : aspect blanchâtre brillant des valves revêtues de dépôts en forme de plaques avec des myofibroblastes au sein d’une importante matrice myxoïde ou collagène. • Dans les suites de cette publication, la FDA faisait état d’un nombre important de valvulopathies associées à la prise d’anorexigènes (113 cas recensés à partir de la seule notification). Ces cas concernaient la fenfluramine ou la dexfenfluramine, mais aussi et surtout l’association de celles-ci avec la phentermine. • D’autres études publiées peu après allaient dans le sens d’une relation entre l’exposition prolongée à ces médicaments et un risque accru de valvulopathie. Ainsi, dans l’étude de Kahn, il était mis en évidence que la prise de fenfluramine, de dexfenfluramine multipliait le risque d’atteinte valvulaire par 22. Des études autres qu’américaines allaient dans le même sens. Ainsi, Jick et coll. ont évalué rétrospectivement la base des généralistes anglais GPRD et ont retrouvé des cas symptomatiques de valvulopathies associées à la prise de fenfluramine et de dexfenfluramine mais n’en ont pas retrouvé avec la phentermine seule ou chez des patients obèses qui ne prenaient pas d’anorexigènes. Des études ultérieures faisaient état du rôle confondant que pouvait néanmoins être l’existence par elle-même d’une obésité ou celle spontanée de valvulopathies régurgitantes sans cause reconnue. Elles confirmaient néanmoins toutes le risque des « fenfluramines ». Globalement, les atteintes valvulaires sous anorexigènes concernaient préférentiellement les valves aortiques et, à un moindre degré, les valves mitrales et sont essentiellement rapportées pour des durées de traitement dépassant 3 à 6 mois alors que la survenue d’une hypertension artérielle pulmonaire peut être plus précoce avec ces médicaments.   Valvulopathies les plus récemment décrites sous agonistes dopaminergiques dérivés de l’ergot de seigle Elles concernent pour l’essentiel le pergolide (Célance®) et la cabergoline (Dostinex®). Le premier est utilisé (depuis 1995 en France) dans le traitement de la maladie de Parkinson, le second comme antiparkinsonien dans de nombreux pays mais pas en France, où il n’est utilisé que dans le traitement des hyperprolactinismes. • La première publication de valvulopathies remonte à 2002 avec 3 cas rapportés à la Mayo Clinic. Des données ultérieures suggéraient que cette atteinte valvulaire pouvait avoir une incidence élevée. • Ainsi, une équipe belge reprenait des données concernant 79 patients traités par pergolide et 19 patients parkinsoniens jamais traités par des agonistes dopaminergiques dérivés de l’ergot et rapportait une atteinte valvulaire restrictive chez 33 % des patients traités par pergolide alors qu’aucun cas n’était observé dans le groupe témoin. Les valvulopathies étaient le plus souvent mitrales, plus rarement aortiques et/ou tricuspides. • Début 2007, deux études publiées dans le même numéro du New England Journal of Medecine confirment de façon définitivement indiscutable le risque accru de survenue d’atteintes valvulaires avec le pergolide (et la cabergoline) : – La première étude a utilisé la base de données GPRD utilisée 10 ans plus tôt pour évaluer le rôle des anorexigènes. L’étude a porté sur une population de 11 417 patients parkinsoniens. Dans cette population, les 31 patients chez lesquels avait été diagnostiquée une insuffisance valvulaire (régurgitation) ont été comparés à 25 témoins pour chaque cas. Parmi les 31 patients, 6 étaient traités par pergolide, 6 par cabergoline et les 19 autres n’avaient pas reçu d’agoniste dopaminergique durant l’année précédente. Le pergolide multipliait par 7,1 le risque d’atteinte valvulaire et la cabergoline par 4,9. – Ces résultats ont été confirmés par une deuxième étude italienne(8) qui a évalué en échocardiographie 155 parkinsoniens traités par agoniste dopaminergique (64 par pergolide, 49 par cabergoline et 42 par des produits non dérivés de l’ergot) et 90 témoins. Une régurgitation valvulaire modérée à sévère a été observée chez 23,4 % des patients traités par le pergolide, 28,6 % de ceux recevant la cabergoline mais aucun des patients recevant un autre agoniste dopaminergique et seulement 5 % des témoins. Les fuites touchaient les trois valves (aortiques, mitrales et tricuspidiennes) avec un risque relatif de survenue d’une insuffisance mitrale, aortique et tricuspidienne de 6,3, 4,2 et 5,6 dans le groupe pergolide. • Des données qui vont dans le même sens ont également été publiées en France : – Une étude réalisée à la Pitié-Salpêtrière a retrouvé une prévalence de 17,4 % de régurgitations modérées à sévères chez des patients traités depuis plus de 3 mois contre seulement chez 4,3 % de patients parkinsoniens ne recevant pas de pergolide. Une métaanalyse réalisée par ces mêmes auteurs à partir de 7 essais cliniques contrôlés concluait à une multiplication par 3 du risque de valvulopathies liées à la prise de pergolide. • Dans une étude réalisée dans les services de neurologie et de cardiologie du CHU d’Amiens, 30 patients parkinsoniens traités par Célance‚ ont été évalués et comparés à un groupe témoin. Le risque a été trouvé multiplié par le pergolide par 3 pour les insuffisances aortiques et par 10 pour les insuffisances mitrales. Fait intéressant : sur les 13 patients ayant une valvulopathie sous pergolide, le traitement a été interrompu chez 10 patients, dont six ont présenté une diminution de la sévérité de l’atteinte valvulaire 10 à 18 mois après l’arrêt du pergolide (disparition de la symptomatologie d’insuffisance cardiaque dans 2 cas). De l’ensemble des données disponibles dans la littérature, il ressort que l’atteinte est souvent plurivalvulaire tout en touchant plus volontiers les valves mitrales (puis les valves aortiques et tricuspides). Les aspects échographiques et histologiques sont très proches (comme les atteintes valvulaires des anorexigènes) de celles observées lors des syndromes carcinoïdes. La publication de ces études, en particulier des deux études pharmaco-épidémiologiques de début 2007, a conduit la FDA à retirer le pergolide fin mars 2007 de son marché. Cette même décision n’a pas été prise dans la plupart des autres pays où le pergolide était considéré comme gardant une place dans la prise en charge de la maladie de Parkinson. Le tableau suivant résume les prises de position de l’Afssaps concernant les mises en garde et restrictions d’utilisation du pergolide. • Septembre 2003 : information des prescripteurs sur les 18 premiers cas de valvulopathies (à l’époque un seul cas en France) en indiquant que les atteintes valvulaires s’intègrent dans le cadre plus large des réactions de fibrose qui peuvent apparaître lors de l’utilisation de dérivés de l’ergot de seigle. • Novembre 2004 : communiqué de presse : la fréquence de cet effet indésirable est plus élevée qu’initialement indiqué (30 cas notifiés en France, même si se pose la question de définir le rôle du pergolide en l’absence de données échocardiographiques préalables au traitement). Recommandation d’une surveillance étroite des patients traités. • Janvier 2005 : après réévaluation du rapport bénéfice/risque du produit, il est décidé de limiter fortement l’utilisation de ce médicament : - en restreignant son utilisation aux échecs des autres traitements agonistes dopaminergiques, - en réservant l’instauration du traitement à un neurologue après réalisation d’une échocardiographie, - en contre-indiquant le traitement en cas de valvulopathie préalable ou d’antécédents de fibrose, - en réalisant un suivi cardiologique (échographie avant traitement et tous les 6 à 12 mois) - en réévaluant régulièrement l’intérêt de la poursuite du traitement. Il semble qu’aucun cas n’a été notifié de valvulopathie sous Célance‚ pour un traitement instauré depuis début 2005 en France.   Mécanismes des valvulopathies médicamenteuses L’hypothèse d’un mécanisme sérotoninergique a été évoquée de longue date du fait de la relative similitude de ces atteintes valvulaires avec celles observées (décrites comme myxoïdes) lors des syndromes carcinoïdes (résultant de tumeurs digestives avec métastases hépatiques et caractérisés par la libération de grandes quantités de sérotonine). Il existe une argumentation pharmacologique très convaincante en faveur de l’implication d’un type particulier de récepteurs sérotoninergiques, les récepteurs 5-HT2b dont le pergolide, la cabergoline et la norfenfluramine, métabolite des fenfluramines sont des agonistes. Certains agonistes dopaminergiques ergotés sans effet agoniste significatif sur les récepteurs 5-HT2b comme le lisuride semblent ne pas induire de valvulopathie. Le rôle « facilitant » de la phentermine comparativement aux anorexigènes de type fenfluramine pourrait s’expliquer par un effet d’inhibition de la clairance pulmonaire de la sérotonine qui s’ajouterait à l’effet agoniste 5-HT2b. Les récepteurs 5-HT2b sont fortement exprimés sur les valves cardiaques. Leur stimulation induit la prolifération des fibroblastes et augmente la synthèse de collagène et de glycosaminoglycanes. Récemment a été décrit un modèle de valvulopathie chez le rat. Un traitement prolongé (5 mois) par le pergolide comme par la sérotonine induit des lésions valvulaires très proches de celles observées en pathologie humaine tant sur le plan échographique qu’histologique. Des lésions peuvent aussi apparaître chez le rat traité par placebo mais à un degré bien moindre. Un tel modèle pourrait permettre de prédire le risque de valvulopathies avec de nouveaux médicaments susceptibles d’interférer avec le système sérotoninergique. Le potentiel du risque de valvulopathie pourrait être dépisté à un stade précoce du développement de médicaments potentiellement à risque.

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