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Thérapeutique

Publié le 06 sep 2005Lecture 6 min

Les IEC sont-ils des anti-ischémiques ?

M. BERTRAND, Université de Lille

Identifiés et préparés depuis plus de 40 ans, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) occupent une place prépondérante en médecine cardiovasculaire et plus particulièrement en pathologie coronaire. Quelles sont les preuves de l’effet anti-ischémique de ces agents ?

Rappels Initialement, ces médicaments ont démontré des propriétés antihypertensives et sont depuis largement utilisés dans le traitement de l’hypertension artérielle. Ultérieurement, ils ont fait la preuve d’une action prévenant le remodelage négatif du ventricule au décours d’un infarctus du myocarde aigu. Ils sont en outre les médicaments principaux et de base du traitement de l’insuffisance cardiaque. Plus récemment leurs propriétés antiathérogènes ont été démontrées, ce qui a conduit à des essais de prévention secondaire importants. Rappelons que l’ischémie myocardique est créée par un déséquilibre au niveau du myocarde entre les besoins et les apports en oxygène à ce muscle.   Mécanismes de l’ischémie   Un déséquilibre : deux origines possibles l’excès de besoins en oxygène du cœur, créé par exemple par l’exercice physique (qui normalement augmente la fréquence cardiaque et la pression artérielle) tandis que ces besoins ne peuvent être satisfaits par un flux coronaire limité par des sténoses coronaires athéroscléreuses. C’est la forme la plus commune de l’ischémie d’effort, génératrice d’angine de poitrine d’effort liée à l’excès des besoins en oxygène du cœur. les besoins en oxygène du cœur sont inchangés et c’est brutalement un effondrement du débit coronaire qui se produit. À l’inverse, dans cette autre variété d’ischémie myocardique, cet effondrement du débit coronaire est dû, soit à une occlusion transitoire par un spasme artériel coronaire appliqué au niveau d’une sténose minime ou serrée (angor de Prinzmetal), soit à l’occlusion totale d’un vaisseau provoquée par une thrombose.   Sur le plan physiopathologique En fonction de ces données, on voit immédiatement que les IEC ont certainement sur le plan physiopathologique une action ischémique. En effet, en agissant sur la pression artérielle et sur le remodelage ventriculaire, ils agissent sur la tension pariétale, c'est-à-dire sur un déterminant important des besoins en oxygène et sont par conséquent susceptibles de rétablir l’équilibre qui a été perdu, par exemple lors de l’effort. Les IEC agissent également au niveau de la circulation coronaire et sont par conséquent susceptibles d’améliorer le flux artériel coronaire. En effet, il est parfaitement démontré que les IEC rétablissent une fonction endothéliale normale qui est perturbée chez l’athéroscléreux coronarien ; l’amélioration ou la suppression de ce dysfonctionnement endothélial améliore le flux coronaire et la vasomotricité. En outre, les IEC diminuent la dégradation de la bradykinine, une substance vasodilatatrice, et augmentent indiscutablement le flux coronaire. En d’autres termes, sur le plan physiopathologique il existe deux actions : • une action de diminution des besoins en oxygène du cœur, • une action augmentant au contraire les apports en oxygène au  cœur, c’est-à-dire une action sur les deux paramètres importants et déterminants de l’ischémie myocardique.   A-t-on des preuves de l’action des IEC sur l’ischémie myocardique ? Les auteurs de pas moins de 23 études se sont penchés sur la question de l’action anti-ischémique des IEC. Ces études ont inclus un total de 861 patients ; 21 sont des études randomisées, 20 en double aveugle, 21 contre placebo. Elles ont été réalisées avec les divers IEC : le captopril, le quinapril, le perindopril, le cilazapril, l’énalapril et le benazepril. Toutes ces études ont montré un bénéfice et se sont montrées positives ; une seule a été négative.   Les études randomisées • Une étude importante menée avec le perindopril à la dose de 8 mg chez les patients coronariens montre une diminution nette de 42 % du sous-décalage de ST à l’effort tandis que la dysfonction systolique d’effort observée chez ces patients est également améliorée et disparaît dans 39 % des cas. • L’étude QUO VADIS, concernant 149 patients pontés et traités par 40 mg par jour de quinapril versus placebo pendant 1 an, montre un bénéfice, modeste et non significatif, sur les paramètres de l’épreuve d’effort, du Holter, tandis qu’il existe un bénéfice extrêmement net sur l’expression clinique de la maladie coronaire et l’angine de poitrine en particulier. • La seule étude négative est l’étude QUASAR qui comparait, chez des patients non hypertendus sans dysfonction ventriculaire gauche ou sans infarctus récent, porteurs d’un simple angor d’effort stable avec une épreuve d’effort positive, la dose de 80 mg par semaine au placebo. Cette étude s’est montrée négative, à la fois sur les paramètres d’épreuve d’effort et les paramètres cliniques.   On peut donc conclure les points suivants Il existe indiscutablement des effets anti-ischémiques qui sont prouvés dans les études expérimentales, et en particulier les modèles expérimentaux d’ischémie et reperfusion. On sait que les IEC agissent sur la pré- et la postcharge ; on sait aussi qu’ils préviennent les effets vasoconstricteurs inotropes positifs et délétères de l’angiotensine II, qu’ils libèrent la bradykinine vasodilatatrice, et améliorent donc le flux coronaire et la dysfonction endothéliale. Il existe donc une série de preuves démontrant que les IEC ont une action anti-ischémique. En clinique humaine, la certitude est moindre car il y a des réponses variables ; il y a beaucoup de petites études, de nombreux facteurs confondants et nous manquons de grandes études randomisées prospectives, concernant l’ischémie proprement dite. Toutefois, il existe un fort niveau de preuve concernant l’action antiathérogène des IEC qui est maintenant prouvée ; cette action antiathérogène doit ultimement contribuer à une action anti-ischémique. Cette action antiathérogène a été prouvée expérimentalement mais aussi en clinique humaine avec une action très importante de prévention secondaire des événements coronariens majeurs, en particulier avec le ramipril et le perindopril. Quatre essais cliniques visant à établir l’action de prévention secondaire des IEC sur la récurrence des événements ischémiques ont d’ailleurs été menés, par ordre d’apparition en scène : HOPE, QUIET, EUROPA et PEACE.   Les études de prévention secondaire Les deux études HOPE (ramipril) et EUROPA (perindopril), ont été franchement positives, tandis que QUIET (quinapril) et PEACE (trandolapril) n’ont pas montré de bénéfice. La métaanalyse de ces quatre essais montre indiscutablement un bénéfice avec des réductions : • de mortalité cardiovasculaire (réduction significative de 18 %), • de la récurrence d’infarctus du myocarde (17 %), • de l’objectif combiné mortalité et infarctus (15 %), • de la mortalité totale (13 %), • de la survenue d’insuffisance cardiaque (réduction relative de 26 %). On note encore une diminution de 8 % de la nécessité de revascularisation myocardique, de même qu’une diminution du risque d’accidents vasculaires cérébraux (diminution de 26 %). Il est plus difficile de comprendre pourquoi deux études se sont montrées négatives ; cela résulte possiblement du fait que l’une d’entre elles avait une taille trop limitée et une puissance insuffisante et concernait des patients à très faible risque (tous revascularisés, normotendus, normocholestérolémiques avec une fonction ventriculaire gauche normale). Pour l’essai PEACE, il apparaît surtout qu’un petit nombre de patients seulement dans l’étude ont reçu la dose cible de trandolapril et l’on sait qu’il est nécessaire d’utiliser de fortes doses d’IEC pour avoir une action antiathérogène.   En pratique Les IEC ont certainement, par leur mécanisme physiopathologique, une action anti-ischémique sur l’ischémie d’effort que les essais cliniques n’ont pas bien démontrée, en raison, pour nombre d’entre eux, de leur taille limitée et de leur puissance statistique suffisante. L’effet anti-ischémique est cependant confirmé par les grands essais de prévention secondaire tels que HOPE et EUROPA qui ont montré le bénéfice de ces médicaments pour prévenir les complications de la maladie ischémique coronaire.

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