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Thérapeutique

Publié le 03 mai 2005Lecture 7 min

Les bêtabloquants au troisième millénaire

M. JOBBÉ DUVAL, Neuilly-sur-Seine

Les bêtabloquants, dont l’intérêt a exhaustivement été démontré dans de nombreux domaines en cardiologie, auront-ils autant de poids dans les années à venir ?
Dans l’insuffisance cardiaque certainement, comme le montrent les essais cliniques et notamment l’étude SENIORS détaillés dans cet article.

HTA : un bêta-bloquant vasodilatateur Il semblerait que les études récentes confèrent à la notion de rigidité artérielle un poids de plus en plus important dans le choix de nos thérapeutiques antihypertensives. Comme le démontre J. Cockcroft (Cardiff, UK), la rigidité artérielle est un facteur de risque indépendant de la morbidité cardio-vasculaire ainsi qu’un élément prédictif indépendant de mortalité chez des patients hypertendus. Parmi les différentes classes thérapeutiques, il évoque la méta-analyse qui a fait dernièrement tant de bruit où l’on démontre que l’aténolol, bêtabloquant de première génération, risque d’avoir des effets délétères au long cours. De même, l’étude LIFE montre la supériorité des antagonistes de l’angiotensine II sur l’aténolol sur les événements cardio-vasculaires, à égalité de baisse de pression. L’orateur évoque, pour expliquer cette différence, le rôle de ces médicaments sur la pression artérielle centrale, mais aussi périphérique, qui peut différer en fonction des classes thérapeutiques. En effet, si l’on prend l’aténolol, on remarque que la baisse des chiffres tensionnels est différente en central et en périphérie, en rapport avec les effets distaux de ce bêtabloquant (ce qui explique aussi les raisons pour lesquelles les tensiomètres au poignet ne permettent pas d’avoir une idée précise des thérapeutiques antihypertensives). À l’inverse de l’aténolol, le nébivolol, bêtabloquant de troisième génération, augmente la vasodilatation périphérique grâce à son action directe sur la No synthase : cette enzyme, nécessaire à la production d’oxyde nitrique, est l’un des éléments majeurs de la fonction endothéliale. La découverte de cette action vasodilatatrice périphérique du nébivolol s’accompagne d’une diminution de la rigidité artérielle et donc d’une action bénéfique dans l’hypertension artérielle, mais aussi dans certaines pathologies telles que l’insuffisance cardiaque.   Des études concordantes A. Cohen Solal (Paris) évoque ainsi le rôle des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque et reprend les essais majeurs dans cette indication(MERIT HF, US Carvedilol Program, CIBIS I et II et COPERNICUS) : - Il existe une différence sensible entre l’âge des patients inclus dans ces essais et celui qu’ont réellement nos patients : en effet, on estime aujourd’hui que les insuffisants cardiaques ont en moyenne 78 ans alors que l’âge moyen dans les essais était de 63 ans. - La différence que l’on observe en fonction de l’âge est la proportion de plus en plus grande d’insuffisance cardiaque diastolique au fur et à mesure du vieillissement, avec des fractions d’éjection moins altérées.   SENIORS L’étude SENIORS (Study of Effects of Nebivolol Intervention on Outcomes and Rehospitalisation in Seniors in Heart Failure) avait pour objectif de lever cette ambiguïté entre ce que nous savions et la réalité de notre pratique quotidienne, comparant chez des patients insuffisants cardiaques âgés, les effets du nébivolol et d’un placebo. Le critère de jugement primaire était la mortalité totale et le délai d’hospitalisation.   Protocole - Les patients devaient être âgés de plus de 70 ans et présenter des signes cliniques d’IC et une FE < 35 % dans les 6 mois précédents l’inclusion et/ou l’hospitalisation au cours des 12 derniers mois pour une IC décompensée. Après 16 semaines de titration de 1,25 à la dose cible 10 mg, la durée moyenne de suivi a été de 21 mois. Les caractéristiques des patients figurent dans le tableau 1. - Deux mille cent vingt-huit patients sont entrés dans l’étude dont 1 067 dans le groupe nébivolol et 1 065 dans le groupe placebo. L’âge moyen était de 76,1 ans avec plus de 95 % des patients en stade II et III de la NYHA ; 82 % étaient sous IEC et 85 % sous diurétiques. La dose moyenne atteinte a été de 7,7 +/- 3,6 mg/j ; 64,5 % des patients sous nébivolol ont atteint la dose cible de 10 mg/j.   Résultats Sur le critère primaire, on observe une diminution du risque relatif de 14 % (RR = 0,86 ; p = 0,039), ce qui correspond au traitement de 24 patients pendant 21 mois pour éviter un événement majeur. Sur la mortalité totale, la réduction est de 12 % (p = 0,214) (figure). Figure. Délai de survenue avant le premier événement (mortalité toutes causes ou admission pour motif CV) (A) et mortalité toutes causes (B). Le traitement par nébivolol est plus efficace chez la femme que chez l’homme quand l’âge est compris entre 70 et 75 ans et si la FE est > 35 %. Un traitement bien toléré La tolérance du nébivolol dans cette étude a été excellente puisque l’on note plus d’arrêts d’étude, à la demande du patient, dans le groupe placebo que dans le groupe traité. A. Cohen Solal compare ces résultats, qui peuvent paraître moins impressionnants que ceux obtenus avec les autres bêtabloquants dans les grands essais dans l’insuffisance cardiaque. Cependant, en reprenant les résultats en fonction des tranches d’âge dans l’étude SENIORS, on observe que la diminution du risque relatif est de 23 % entre 70 et 75 ans, seulement de 9 % entre 75 et 85 ans, avec une surmortalité au-delà de 85 ans (RR = 1,32 %). Il est donc difficile de comparer ces résultats avec ceux obtenus dans les autres études où il y avait peu de patients réellement âgés. Cet essai permet donc d’apporter une pierre nouvelle dans l’élaboration de la stratégie thérapeutique de l’insuffisance cardiaque en utilisant un bêtabloquant qui présente des caractéristiques pharmaceutiques intéressantes avec une efficacité âge dépendante et une excellente tolérance. D’autres études seront nécessaires pour affiner ces résultats chez les patients très âgés. C’est ce que pense P. Lechat (Paris), cardiologue, pharmacologue, et coordinateur de l’étude CIBIS II (Cardiac Insufficiency BIsoprolol Study) pour qui, de nombreuses questions restent à éclaircir pour optimiser le traitement bêtabloquant dans l’insuffisance cardiaque. La sélection des patients. Il apparaît, au regard de toutes les grandes études réalisées, qu’on ne peut faire de différence dans la sélection des patients (diabétiques ou non, ou selon la classe de NYHA). On peut cependant tenir compte, dans un traitement standard, du déficit du gène de l’enzyme de conversion : on remarque alors que les bêtabloquants sont plus efficaces. En revanche, il ne semble pas que le niveau de départ de la fréquence cardiaque intervienne dans l’efficacité du bêtabloquant, comme l’a démontré l’étude CIBIS II. Le choix du bêtabloquant : il ne semble pas que celui-ci entre en ligne de compte comme le montrent les métaanalyses concernant le métoprolol, le carvedilol et le bisoprolol. Plus qu’une différence entre les médicaments, on peut observer une réponse variable à une même drogue selon les patients La bonne dose : il apparaît tout aussi évident qu’il faille préconiser les doses au maximum, bien que la bonne dose pour le bon malade soit réellement une affaire de cas par cas, puisque tout dépend du niveau de stimulation adrénergique de chaque patient.   Un traitement de première intention L’étiologie de l’insuffisance cardiaque ne rentre pas non plus en ligne de compte dans la mesure où le bêtabloquant semble aussi actif dans les cardiopathies ischémiques que non ischémiques, comme l’a démontré CIBIS II. La grande question est de savoir quand démarrer le traitement : en effet, toutes les études avec les bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque ont été réalisées après les essais avec les IEC. Il s’agit donc d’un traitement de deuxième intention. Cependant, il semble logique, pour le pharmacologue, de pouvoir envisager d’inverser l’ordre des médicaments dans la mesure où la stimulation adrénergique est l’élément délétère le plus rapide puisque d’ordre neurohumoral, alors que les effets de l’angiotensine II, d’ordre hormonal, ne surviennent que secondairement. Pour P. Lechat, cette stratégie thérapeutique permettrait d’éviter un certain nombre de morts subites qui surviennent précocement lorsque le patient entre en insuffisance cardiaque. Il préconise la mise en place du traitement par bêtabloquant en premier lieu, et, six mois plus tard, l’introduction des IEC. Cela a été prouvé dans un essai comparant le bisoprolol et l’énalapril. Enfin, faut-il arrêter les bêtabloquants en cas d’aggravation de l’IC ? À cette question, l’orateur répond que les études démontrent un bénéfice supplémentaire en cas de maintien du bêtabloquant. En outre, il remarque que, si le traitement est arrêté, le cardiologue ne le reprendra pas.   En pratique Les questions qui restent en suspens sont donc nombreuses et motivantes pour la recherche clinique. Les bêtabloquants à notre disposition semblent efficaces et l’arrivée du nébivolol dans cette indication thérapeutique prometteuse. Il reste à affiner notre stratégie en s’appuyant sur les métaanalyses des essais passés et les résultats des essais à venir. D'après un symposium sponsorisé par les laboratoires Menarini (CVCT mars 2005).

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