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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 05 avr 2005Lecture 6 min

L'ECG suffit-il à retenir l'indication d'une stimulation biventriculaire ?

Ch. ALONSO, G. JAUVERT, A. LAZARUS, Ph. RITTER et S. CAZEAU, InParys, Saint-Cloud

En resynchronisation cardiaque par stimulation biventriculaire (BIV), l’électrocardiogramme (ECG) a été utilisé dès le début comme outil de sélection des patients, d’aide à l’implantation et d’évaluation des résultats. Actuellement, l’indication d’une stimulation BIV telle qu’elle est définie par les sociétés savantes américaines est : « un patient en classe III ou IV de la NYHA, avec une cardiopathie dilatée primitive ou ischémique de diamètre télédiastolique ventriculaire gauche (VG) ≥ 55 mm, une fraction d’éjection VG ≤ 35 % », et une désynchronisation marquée par un QRS > 130 ms, (REF). Mais après 10 ans de stimulation BIV, il semble que les paramètres électrocardiographiques soient progressivement sur le point de céder la place à des paramètres mécaniques et notamment à l’échographie cardiaque.

Historique Les mécanismes d’action exacts des effets de la stimulation multisite ne sont pas encore totalement établis. L’un des rôles de la stimulation BIV serait de corriger l’asynchronisme mécanique auriculo-ventriculaire, inter- et intraventriculaire, souvent présents dans les cardiopathies dilatées et liés à l’existence de troubles conductifs. Dans les débuts de la stimulation BIV, l’élargissement des QRS était le seul paramètre utilisé pour juger de la présence ou non d’un asynchronisme et donc pour retenir l’indication d’une stimulation BIV. C’est la raison pour laquelle les premières études randomisées de validation du concept de resynchronisation ont utilisé comme critère d’inclusion la durée du QRS > 130 ou 150 ms. Cette démarche prenait en compte des travaux initiaux étudiant l’impact hémodynamique des troubles de conduction et les résultats des études pilotes hémodynamiques temporaires qui avaient constaté une corrélation faible mais positive entre la durée des QRS à l’état basal et la réponse hémodynamique à la stimulation BIV. Des travaux ultérieurs en hémodynamique temporaire ont montré une valeur limite (150 ms) au-delà de laquelle la stimulation BIV n’apporterait pas de bénéfice. Cependant, l’utilisation de l’ECG ne s’est pas limitée aux indications. Depuis les premières expériences de stimulation multisite, le résultat de la resynchronisation a été également jugé par la durée du QRS stimulé. Dès 1999, une analyse rétrospective avait montré une réduction significative de la durée des QRS chez les patients répondeurs comparativement aux non-répondeurs. Dans les travaux de validation de la resynchronisation, la variation de la durée du QRS a été le marqueur du caractère effectif de la thérapie. Néanmoins, plusieurs travaux ont suggéré que la réduction de la durée du QRS pouvait être une condition suffisante mais non nécessaire pour obtenir une amélioration hémodynamique. Avant resynchronisation Figure 1a. En rythme spontané, la durée du QRS n’est que de 130 ms. Figure 2a. À l’état basal, le délai prééjectionnel gauche est de 170 ms et le délai prééjectionnel droit de 80 ms, le délai interventriculaire mécanique est donc de 90 ms. Après resynchronisation Figure 2a. En stimulation biventriculaire la durée du QRS n’est que peu réduite à 120 ms. Figure 2b. La stimulation biventriculaire permet de réduire le délai prééjectionnel gauche à 140 ms, le délai prééjectionnel droit passe à 110 ms, le délai interventriculaire n’est donc plus que de 30 ms. Figures 1 et 2. Exemple : patiente très améliorée par la stimulation biventriculaire malgré des QRS peu élargis à l’état basal. Critiques à l’encontre de l’ECG   Absence de corrélation entre les anomalies électriques et les anomalies mécaniques Les premières études qui ont semé le doute quant à la pertinence de l’ECG dans la sélection des patients sont celles qui ont mis en évidence l’absence de corrélation entre la durée du QRS sur l’ECG de surface et le degré d’asynchronisme mécanique. Garrigue a ainsi montré qu’en présence d’un élargissement des QRS, il existe une corrélation entre la durée des QRS et le degré d’asynchronisme intraventriculaire évalué à l’échographie cardiaque par Doppler tissulaire. Cependant, certains de ces patients, bien que présentant des QRS larges, n’avaient pas d’asynchronisme mécanique significatif. Et en considérant les patients ayant des QRS « fins », c’est-à-dire dont la durée est comprise entre 80 et 140 ms, plus aucune corrélation n’est observée entre l’asynchronisme électrique et l’asynchronisme mécanique toujours évalué à l’échographie cardiaque. Certains patients ont, en effet, un asynchronisme mécanique majeur, suggérant la possibilité bénéficier d’une resynchronisation cardiaque, alors que la durée du QRS n’est que de 80 ms (figures 1 et 2). Yu a rapporté des résultats similaires avec une corrélation, certes, entre la durée des QRS et l’asynchronisme mécanique échocardiographique, mais on observe des patients ayant des QRS fins et un asynchronisme mécanique significatif et, à l’inverse, l’absence de désynchronisation mécanique en présence de QRS larges.   Absence de corrélation entre l’asynchronisme électrique à l’état basal et la réponse à la stimulation BIV Contrairement aux résultats des études hémodynamiques en aigu, celles portant sur la stimulation BIV définitive n’ont pas observé de corrélation entre la durée des QRS avant l’implantation et l’effet de la stimulation BIV. Ainsi, Pitzalis analyse les caractéristiques des patients répondeurs et non-répondeurs à la stimulation BIV. Il n’observe pas de différence en ce qui concerne la durée des QRS à l’état basal, qui est comparable dans les deux groupes. En revanche, l’asynchronisme mécanique avant implantation, évalué en échocardiographie par le délai entre le mouvement maximal des parois postérieure et du septale, est significativement plus important chez les répondeurs que chez les non-répondeurs. Bax, quant à lui, montre que si l’on ne sélectionne les patients que sur la durée des QRS à l’état basal, 20 % ne seront pas répondeurs. En revanche, la recherche d’un asynchronisme mécanique à l’échographie entre les parois septale et latérale VG permet d’identifier les répondeurs. Sogaard constate, pour sa part, que l’amélioration de la fraction d’éjection ventriculaire gauche induite par la stimulation BIV, est d’autant plus importante que l’asynchronisme mécanique était important avant l’implantation. L’ensemble de ces résultats suggère, sans toutefois le démontrer, que l’échographie cardiaque serait une méthode supérieure à l’ECG pour sélectionner les candidats à la stimulation BIV.   Absence de corrélation entre la qualité de la resynchronisation électrique et la réponse à la resynchronisation cardiaque Enfin, certains auteurs suggèrent que la réponse à la resynchronisation cardiaque ne dépend pas des modifications électrocardiographiques induites par la stimulation. Ainsi, dans une étude réalisée chez le chien, Leclercq observe que, malgré des séquences et des temps d’activation électrique différents, les stimulations mono-VG et BIV ont des effets mécaniques similaires et ce, alors même que la stimulation mono-VG augmente le temps total d’activation électrique ventriculaire quand la stimulation BIV le réduit.   La mort de l’ECG ? Avant de condamner définitivement l’ECG dans la sélection des candidats à la stimulation BIV, il faut souligner la simplicité de cette technique. Il faut par ailleurs retenir que s’il n’existe pas de parallélisme strict entre l’ECG et les paramètres échocardiographiques, il existe quand même une corrélation entre ces deux méthodes, en particulier lorsque la durée du QRS est > à 140 ms. Une autre méthode d’analyse de l’asynchronisme mécanique est l’angioscintigraphie cavitaire avec analyse de phase, et là encore, on observe une corrélation entre la durée du QRS et l’asynchronisme mécanique inter- et intraventriculaires. Rappelons également que l’ECG a fait ses preuves alors que la valeur de l’échocardiographie reste à démontrer. Dans ce but, une étude multicentrique est en cours, dont l’objectif est de valider l’analyse de la désynchronisation à travers un modèle en trois dimensions dans la sélection des patients candidats et dans la vérification des résultats de l’implantation. Il s’agit de l’étude DESIRE qui inclut des patients ayant des QRS « fins », dont la durée est < 150 ms.   L’échographie oui, mais laquelle ? On voit, en effet, s’opposer des approches radicalement différentes. Certains tentent d’utiliser des critères standardisés disponibles sur toutes les machines dans un souci d’internationalisation. D’autres proposent des critères probablement plus fins (Doppler tissulaire, strain rate, color kinesis). Malheureusement ces technologies ne sont souvent disponibles que sur un seul type de machine, souvent onéreuse, ce qui rend difficile leur généralisation. Ces multiples techniques pour l’évaluation de l’asynchronisme mécanique, souffrent, enfin, d’une méthodologie encore sujette à discussions dans cette indication et n’ont pas encore été évaluées cliniquement au cours d’études contrôlées.   Conclusion   Dans l’état actuel de nos connaissances, le rôle de la resynchronisation cardiaque est de corriger les anomalies mécaniques cardiaques fréquemment observées dans les cardiopathies dilatées. Il paraît donc logique qu’une méthode permettant d’évaluer le synchronisme mécanique cardiaque devienne supérieure à l’ECG pour la sélection des candidats, l’évaluation et l’optimisation des résultats. S’il est maintenant clair qu’il n’existe pas de parallélisme entre échographie et ECG, la corrélation entre ces deux paramètres n’est pas nulle et mériterait peut-être une recherche spécifique dans ce domaine. La valeur de l’ECG en trois dimensions, telle que la vectocardiographie mérit-erait certainement d’être revisitée.

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