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Cardiologie générale

Publié le 22 nov 2005Lecture 10 min

Le dopage peut-il provoquer des complications cardiovasculaires ?

J. GAUTHIER, Groupe cardiologie du sport SFC, Club des cardiologues du sport

Les substances dopantes les plus utilisées sont responsables d’effets secondaires cardiovasculaires parfois sévères ; ils concernent essentiellement le contrôle tensionnel, la coagulation du sang, les coronaires et le myocarde.
Il est important pour tout médecin d’en connaître les mécanismes et les conséquences cliniques. La conduite à tenir face à une pratique dopante est maintenant parfaitement codifiée.

La liste des substances et procédés interdits au cours de la pratique sportive est unifiée par l’Agence mondiale antidopage et s’impose aux états et aux fédérations. Les produits étant identifiés, on peut en prévoir les complications. Les incidents cliniques, chaque jour plus nombreux, enregistrés dans le monde sportif confirment cette réalité d’un dopage universellement répandu dans les milieux professionnels et amateurs. Il est indispensable à chaque médecin d’en connaître les effets afin de ne pas être surpris au cours de sa consultation quotidienne. On citera les produits incriminés, leurs mécanismes d’action et leurs effets cardiovasculaires.   Principales substances dopantes Amphétamines, stéroïdes anabolisants, érythropoïétine (EPO) et substituts du sang, corticostéroïdes, b2-agonistes, bêtabloquants, stupéfiants sont les produits les plus utilisés ; les associations sont fréquentes. On redoute l’utilisation de manipulations génétiques. Les effets des substances dopantes s’adressent à toutes les fonctions de l’organisme. Les mécanismes de leurs complications cardiovasculaires sont multiples : rétention hydrosaline ; vasoconstriction ; hyperviscosité sanguine ; stimulation sympathique ; troubles lipidiques ; lésions myocardiques, etc.   Le dopage hormonal   Les anabolisants Ils augmentent la synthèse des protéines, l’assimilation des protéines alimentaires et la masse musculaire en association avec l’entraînement. Ils ont des effets secondaires hydro-ioniques, hématologiques, métaboliques et myocardiques. Effets hydro-ioniques : diminution de l’élimination urinaire de l’eau, du sodium, potassium, chlore, azote. Effets hématologiques : augmentation de la sensibilité au collagène, de l’antithrombine III, de la protéine S, diminution de l’activité fibrinolytique, inhibition de l’activation du plasminogène. Effets métaboliques : - activation du métabolisme lipidique : augmentation du cholestérol total, du LDL, des triglycérides ; diminution du HDL ; - plus grande disponibilité des graisses de réserve ; - augmentation de l’insulinorésistance. Effets myocardiques. On connaît maintenant des effets myocardiques directs : désorganisation des myofibrilles, gonflement mitochondrial, lésions structurelles focalisées de nécrose et de fibrose. L’effet d’hypertrophie myocardique est encore controversé. Il est important de noter que les récepteurs myocardiques à la testostérone sont nombreux.   Les corticostéroïdes Ce sont des hormones du cortex surrénalien qui possèdent un effet anti-inflammatoire et antalgique, accessoirement un léger effet psychostimulant sans modification des réflexes. Elles sont responsables du syndrome d’hypercorticisme : rétention hydrosaline, hypertension artérielle, hyperglycémie, hypokaliémie, acidose. Les prises répétées per os et en injections locales peuvent provoquer à l’effort une insuffisance surrénalienne aiguë.   Le dopage sanguin   Il comprend les facteurs de croissance hématopoïétiques (érythropoïétine, interleukine, etc.) ; les substituts de sang (hémoglobines modifiées) ; les auto- et allotransfusions.   L’érythropoïétine (EPO) Cette hormone glycoprotéique rénale stimule la formation de globules rouges à partir des cellules souches de la moelle osseuse, dont 80 % sont disponibles. Les éléments suivants sont importants : – production en fonction du niveau d’oxygène cellulaire ; – production facilitée par l’hormone de croissance ; – efficacité augmentée par l’apport de fer. La relation avec la performance est impressionnante : – augmentation de la VO2 max quel qu’en soit le niveau initial, – recul du seuil ventilatoire, – diminution de production des lactates, – épargne glycogénique, – mobilisation de la masse grasse. Effets secondaires - augmentation de l’hématocrite, donc des résistances artérielles périphériques ; - augmentation du calcium libre, donc activation du tonus vasculaire ; - augmentation de la viscosité sanguine et activation de l’agrégation plaquettaire. Le problème du fer Le fer est indispensable pour optimiser la production de globules rouges par l’EPO, au niveau de la synthèse de l’hémoglobine ; des injections répétitives sont nécessaires, environ 50 par an pour les utilisateurs réguliers ; la ferritinémie est parfois très élevée (> 500 ng/ml ; limite supérieure de la normale : 300 ng/ml).   L’hormone de croissance Cette hormone anabolisante protéique, qui stimule le métabolisme énergétique et osseux, augmente la quantité de globules rouges, le volume circulant et le transport d’oxygène, renforçant l’effet de l’EPO à laquelle elle est souvent associée. Elle diminue la masse grasse et les lipides sanguins. Elle est psychostimulante, vasoconstrictrice et procoagulante.   Hémoglobines modifiées L’hémoglobine réticulée est une hémoglobine reconstituée pouvant agir comme un substitut du sang ; on en connaît cinq types différents au moins. Elle a une forte activité procoagulante et peut provoquer une vasoconstriction aiguë. Elle est aussi pro-oxydante.   Auto- et allotransfusions L’autotransfusion consiste à réinjecter sur un sujet une quantité donnée de son propre sang préalablement prélevé, de préférence en altitude, et conservé ; elle provoque une polyglobulie. On constate actuellement la reprise des allotransfusions, avec les mêmes résultats. Elles provoquent une hypervolémie. Leurs modes d’injection peuvent entraîner des complications infectieuses.   Les stimulants Ils ont des effets sympathomimétiques avec pour conséquences : – une augmentation de la fréquence cardiaque et de la contractilité myocardique, – une diminution du seuil d’excitabilité, – une augmentation des résistances artérielles périphériques. Les complications les plus fréquentes sont les troubles du rythme supraventriculaires et ventriculaires, avec risque de mort subite, et l’hypertension artérielle.   Les stimulants respiratoires – Les sympathomimétiques : bronchodilatateurs et stimulants du système nerveux central ; – La théophylline et dérivés : bronchodilatateurs, accélérateurs cardiaques et vasodilatateurs ; ils augmentent les besoins en oxygène du cœur et peuvent provoquer une crise angineuse chez les sujets à risque ; – Les b2-mimétiques : bronchodilatateurs à action brève (terbutaline, salbutamol) ou lente (salmétérol) ; – Le clenbutérol : b2-mimétique, bronchodilatateur, avec effets anabolisants ; il agit par stimulation sympathique des b2 récepteurs, avec hypertrophie de la cellule musculaire squelettique et cardiaque, augmentation de la synthèse des protéines, stimulation de la lipolyse, augmentation des dépenses énergétiques.   Les stimulants cérébraux • Les amphétamines : psychostimulants actifs sur la vigilance, la fatigue, la douleur, le désir de vaincre. Elles ont un effet stimulant sur le système nerveux autonome, entraînant une augmentation des résistances artérielles périphériques, responsable d’une vasoconstriction. • Les stupéfiants : il n’y a pas d’effet de classe ; les conséquences sont polymorphes : - morphiniques ; héroïne et son édulcorant, la quinine : • inhibition sympathique, • stimulation vagale, • bradycardie ; hypotension ; risque syncopal, • endocardite, en relation avec le mode d’administration ; – cannabis ; solvants (colles) : • dopaminergiques, • tachycardisants, – cocaïne : • stimulation sympathique, • élévation des résistances coronaires, • tachycardies, • pics hypertensifs, • infarctus.   Le dopage génique Les thérapies cellulaires et géniques se développent rapidement ; la possibilité de stimuler localement la production d’érythropoïétine et le développement musculaire afin d’améliorer la performance pourrait intéresser certains milieux sportifs. Pour l’érythropoïétine : au niveau musculaire, on peut introduire localement un virus modifié, porteur du gêne codant de l’érythropoïétine ; les cellules du muscle injecté se mettent alors à la produire localement, mais de façon anarchique, incontrôlable, avec un risque réel à terme de thrombose par hyperviscosité. Pour le développement musculaire, on peut transférer localement par adénovirus le gêne codant de la somatomédine (insulin-like growth factor, IGF 1), très puissant facteur de croissance musculaire, récupéré au préalable sur un muscle lésé ; cette technique est déjà utilisée en thérapeutique. La somatomédine, facteur de croissance insulino-semblable, est produite par les récepteurs hépatiques de l’hormone de croissance ; elle est particulièrement abondante au niveau des lésions musculaires pour faciliter leur réparation. Sur le plan général, elle a les mêmes effets stimulants du métabolisme énergétique et osseux et les effets hématologiques que cette hormone, mais aussi les mêmes effets secondaires, vasoconstricteurs et procoagulants.   Conséquences cardiovasculaires Ce sont essentiellement l’hypertension artérielle, les accidents thromboemboliques, les coronaropathies, les troubles du rythme et les cardiomyopathies.   L’hypertension artérielle Sans doute la principale conséquence cardiovasculaire du dopage, c’est soit une poussée aiguë, découverte en urgence à l’occasion d’un trouble fonctionnel (céphalée, vertige), soit une hypertension chronique révélée à la consultation. L’apparition d’une hypertension artérielle inexpliquée chez un sportif jusque-là sans antécédent évoque l’utilisation d’une substance dopante. L’effet hypertensif des produits dopants, parfois controversé en raison d’une élévation systolique diurne pas toujours significative, est attesté par : – l’augmentation du profil tensionnel d’effort par rapport à un examen de référence ; – une absence de relâchement nocturne à la MAPA. Les principaux responsables sont : – les anabolisants (nandrolone) : rétention hydrosaline ; – les corticoïdes : rétention hydrosaline et vasoconstriction artérielle rénale d’origine catécholergique ; – l’érythropoïétine (ainsi que la caféine et quelques stimulants comme la cocaïne) : effet vasoconstricteur direct sur la paroi artérielle par altération du métabolisme calcique ; – les amphétamines : vasoconstriction par augmentation rapide des résistances artérielles périphériques.   Les accidents thromboemboliques L’effet thrombogène des produits dopants est important. Il est responsable de thromboses et thromboembolies, favorisées chez le sportif par la bradycardie, en particulier nocturne, et la déshydratation liée à l’effort. À court terme, on relève des thromboses artério-veineuses périphériques, des embolies pulmonaires, des thromboses endocavitaires. Les coronaires sont parfois intéressées. Les produits en cause : – l’érythropoïétine : hyperviscosité de la polyglobulie (augmentation de l’hématocrite ) ; – l’autotransfusion (et l’allotransfusion) : hyperviscosité de la polyglobulie – l’hormone de croissance : hyperviscosité de la polyglobulie ; – l’hémoglobine réticulée : forte activité procoagulante ; – l’interleukine 3 : glycoprotéine agissant sur la chaîne de fabrication des globules rouges en potentialisant l’érythropoïétine ; elle provoque une augmentation brutale dose-dépendante de la viscosité sanguine et une thrombopénie ; – les anabolisants : activité procoagulante – la cocaïne : augmentation de l’agrégation plaquettaire, dose-dépendante, mal expliquée .   Les coronaropathies Elles sont la conséquence de deux mécanismes : – phénomènes thromboemboliques et hypercoagulabilité pour des atteintes survenant pendant la pratique sportive, favorisées chez certains par la poursuite du tabagisme ; les anabolisants et les dopants hématologiques sont en cause ; – lésions athéromateuses secondaires à l’hypertension artérielle, aux troubles lipidiques ; et sans doute effet athérogène direct de type inflammatoire pour des atteintes pouvant survenir parfois très à distance de la pratique sportive ; les anabolisants sont les premiers responsables, ainsi que les dopants vasoconstricteurs. Les troubles du métabolisme glucido-lipidique en rapport avec les anabolisants constituent un élément favorisant. Chez le dopé, une dissection coronaire à l’effort ou une rupture de plaque due à la fragilité de la paroi vasculaire peuvent aussi expliquer la survenue de l’infarctus. La mort subite est fréquente en cas d’accident coronarien aigu et de trouble du rythme associé, comme avec la cocaïne.   Les troubles du rythme Certains dopants ont des effets sympathomimétiques : les stimulants respiratoires et cérébraux. Les effets secondaires cardiovasculaires les plus fréquents sont les troubles du rythme supraventriculaires et ventriculaires, avec risque de mort subite. Stimulants respiratoires : sympathomimétiques, théophylline et dérivés, b2-mimétiques, clenbutérol. Les stimulants cérébraux : les amphétamines : l’accélération des cycles cardiaques peut aboutir à un épuisement rapide des réserves énergétiques. Les stupéfiants - morphiniques, héroïne et son édulcorant, la quinine : bradycardie ; hypotension ; endocardite, en relation avec le mode d’administration ; - cannabis et solvants (colles) : tachycardies ; - cocaïne : tachycardies.   Les cardiomyopathies Une atteinte myocardique directe de type fibrose ou nécrose a été notée avec les anabolisants et l’érythropoïétine. Anabolisants On en connaît aujourd’hui les effets myocardiques : fragmentation des myofibrilles, gonflement mitochondrial, lésions structurelles focalisées de nécrose et de fibrose. L’effet d’hypertrophie myocardique est encore controversé. Une évolution à terme vers l’insuffisance cardiaque est possible. Il est important de noter que les récepteurs myocardiques à la testostérone sont nombreux. Clenbutérol Il est responsable d’une hypertrophie cellulaire myocardique. Erythropoïétine On signale des hypertrophies ventriculaires, et des lésions focalisées de nécrose et de fibrose. Le fer Il est responsable d’hémosidéroses iatrogènes, de cardiomyopathies avec insuffisance cardiaque. Pour toutes ces lésions myocardiques, l’évolution vers l’insuffisance cardiaque est possible.   En pratique Chaque médecin est con-cerné par le dopage ; à tout moment de sa pratique, il peut être confronté à l’effet secondaire d’un produit dopant dont la prise ne sera pas forcément avouée. En cas de doute sur la conduite à tenir, il peut demander conseil à l’antenne médicale régionale de prévention du dopage (coordonnées à la Direction Régionale Jeunesse et Sports). Il existe pour tous un devoir d’information, avec mise à jour régulière des connaissances. Les institutions mises en place au niveau national et international permettront au cours des prochaines années de combattre plus efficacement les procédés interdits, mais donneront aussi, grâce à l’autorisation d’usage thérapeutique (AUT), l’accès aux soins aux sportifs de haut niveau.   En bref   Les substances les plus souvent détectées sont : - Corticoïdes 40 % - Stupéfiants 22 % (forte prévalence de la cocaïne) - Stimulants 18 % - Stéroïdes anabolisants 8 % - Diurétiques 5 % - EPO 2 % - Autres 5 % En pratique, doivent faire évoquer une pratique dopante : - l’apparition d’une hypertension artérielle chez un jeune sportif ; - la survenue d’un accident thromboembolique au cours de la pratique sportive ; - la découverte d’un hématocrite élevé (> 51 %) en dehors de toute pathologie. En France, c’est le Code de santé publique qui définit le dopage. La Loi française Lamour 2005 prévoit lorsqu’un médecin décèle des signes évoquant une pratique du dopage : - qu’il refuse le certificat médical ; - qu’il informe le patient des risques qu’il court ; - qu’il le dirige vers une antenne médicale de prévention du dopage agréée par le Ministère de la Jeunesse et des Sports. Dans tous les cas, il a obligation de transmettre ses constatations au médecin responsable de l’antenne, sous couvert du secret médical.

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