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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 15 mar 2005Lecture 5 min

Le défibrillateur : à quel prix et pour quels bénéfices ?

T. LAVERGNE, J.-Y. LE HEUZEY, J. OLLITRAULT et L. GUIZE, HEGP, Paris

L’intégration du défibrillateur automatique implantable (DAI) dans la panoplie thérapeutique de l’insuffisance cardiaque systolique se justifie par sa double fonctionnalité. D’une part, il constitue une thérapeutique palliative efficace contre les arythmies ventriculaires malignes qui sont à l’origine de la mort subite rythmique dont l’incidence est élevée dans cette pathologie (tableau 1). D’autre part, il permet, chez les patients qui ont un asynchronisme électrique, d’améliorer l’état fonctionnel et hémodynamique, et de diminuer le remodelage ventriculaire grâce à une stimulation biventriculaire caractérisant certains modèles. Les indications du DAI dans la prévention secondaire sont actuellement bien définies. En revanche, sa place exacte en prévention primaire dans l’insuffisance cardiaque, notamment dans le cadre de la cardiomyopathie dilatée primitive, fait encore l’objet de discussions.

    Les données de plusieurs études randomisées récentes (MADIT II, COMPANION, DEFINITE, SCD-HeFT, CAT et AMIOVIRT), qui ont évalué le DAI dans la prophylaxie de la mortalité chez l’insuffisant cardiaque systolique (tableau 2) devraient permettre de mieux codifier ses indications chez ces patients. Les grandes études   Trois études (MADIT II, COMPANION, SCD-HeFT) (tableau 3), incluant chacune plus de 1 000 patients ayant une insuffisance cardiaque avec une FEVG < 30 à 35 %, ont ainsi comparé les effets du DAI (simple, double ou biventriculaire) à ceux du traitement médical optimisé (avec ou sans amiodarone) sur la mortalité globale. Dans MADIT II (Multicenter Automatic Defibrillator Implantation Trial), tous les patients avaient un infarctus datant de plus d’un mois, alors que dans les deux autres études, les étiologies ischémique et primitive étaient à part identiques. Ces trois études ont montré que le DAI (biventriculaire dans COMPANION [Comparison of Medical Therapy, Pacing, and Defibrillation in Chronic Heart Failure]) entraîne une réduction significative du risque relatif de mortalité de 24 à 36 %, comparativement au traitement pharmacologique optimisé, qu’il soit ou non associé à l’amiodarone (SCD-HeFT [Sudden Cardiac Death - Heart Failure Trial]). Les trois autres études (DEFINITE, CAT, AMIOVIRT) (tableau 3) ont inclus un nombre plus faible de patients, mais qui avaient tous une cardiomyopathie dilatée avec dysfonction VG (FEVG < 30 à 36 %), associée pour certains à une hyperexcitabilité ventriculaire modérée (DEFINITE [Prophylactic implantation of a defibrillator in patients with non-ischemic dilated cardiomyopathy], AMIOVIRT [Amiodarone and Implantable Cardiac Defibrillator in patients with Nonischemic dilated cardiomyopathie and Nonsustained Ventricular Tachycardia]). Elles ont comparé les effets du DAI à celui du traitement médical, comportant parfois de l’amiodarone (AMIOVIRT), sur la mortalité totale. Dans deux de ces trois études (CAT [CArdiomyopathy pilot Trial], AMIOVIRT), le DAI n’a pas démontré de supériorité nette comparativement au traitement médical pour la réduction de la mortalité totale, mais cela peut s’expliquer par le faible nombre de patients inclus et par une mortalité plus faible que prévue dans le groupe témoin. En revanche, dans la troisième étude (DEFINITE), bien que la réduction du risque relatif de mortalité conférée par le DAI n’atteigne pas le seuil de significativité (p < 0,06), elle n’en est pas moins nette (41 %) et semble pouvoir s’expliquer par une diminution très significative de la mortalité rythmique.   Quel est le bénéfice du DAI ? Malgré certaines critiques (études terminées prématurément avec des suivis courts, absence de comparaison entre les groupes stimulateur et défibrillateurs biventriculaires, etc.) et certaines discordances entre les analyses par sous-groupes, l’analyse globalisée de ces différentes études de prévention primaire telle que l’ont réalisé K. Nanthagumar et coll. (figure 1) objective un bénéfice du DAI chez l’insuffisant cardiaque avec dysfonction VG marquée. Ainsi, l’implantation d’un DAI permet de réduire le risque relatif de mortalité de 26 % (24,1 vs 17,5 %) et le risque absolu de 6,6 % comparativement au traitement pharmacologique, même optimisé. En fait, le DAI ne remplace pas le traitement pharmacologique mais il le complète en diminuant, notamment, le risque de décès rythmique. Figure 1. Comparaison de la réduction du risque relatif de mortalité pour les 7 études de prévention primaire dans l’insuffisance cardiaque. La réduction de mortalité que procure le DAI s’ajoute ainsi aux 6,1 % de réduction dus aux IEC, aux 4,4 % dus au bêtabloquants et aux 2,3 % dus à la spironolactone. En raison des critères d’inclusion assez larges de ces différentes études, essentiellement fondés sur une FEVG altérée, et afin d’identifier les patients qui seraient le plus à même de bénéficier du DAI, certaines analyses par sous-groupes ont été réalisées. Leur résultats parfois discordants (les patients qui bénéficient du DAI sont ceux de la classe NYHA III dans DEFINITE mais ceux de la classe II dans SCD-HeFT) et leur variabilité en fonction de la valeur seuil choisie (largeur du QRS dans SCD-HeFT) n’ont pas permis d’identifier un groupe à haut risque et cela en limite pour le moment l’intérêt.   Quelle est sa rentabilité ? Cette vision purement médicale ne peut s’affranchir d’une réflexion économique sur la rentabilité financière de cette thérapeutique et sur les conséquences budgétaires de l’extension de ses indications. Si l’on considère la rentabilité clinique du DAI, jugée sur le nombre de patients qu’il convient d’implanter pour sauver une année de vie, elle semble bien être supérieure à celle de certaines thérapeutiques pharmacologiques largement prescrites ainsi que l’illustre la figure 2. Figure 2. Nombre de patients à traiter pour sauver une vie. Selon l’étude considérée, le nombre de patients devant être « traités » varie de 4 à 15 pour le DAI alors qu’il doit atteindre 20 à 37 pour les médicaments. En termes économiques, la rentabilité se juge sur le coût de cette année de vie sauvée. En l’absence de données précises pour la France, on doit se référer aux analyses réalisées pour le système américain (figure 3) où le DAI, dans ses indications prophylactiques, est considéré comme rentable, puisque le prix d’une année de vie sauvée avec cette thérapeutique est inférieur à la valeur seuil de 50 000 $, correspondant au prix observé avec l’hémodialyse chronique. Figure 3. Coûts comparatifs du DAI et d'autres thérapeutiques cardio-vasculaires. Il est difficile d’évaluer de façon précise le retentissement économique de l’extension des indications prophylactiques du DAI à l’insuffisance cardiaque systolique en France, même si l’on connaît l’incidence de cette pathologie estimée à 60 000 cas par an. En fait, l’augmentation du nombre d’implantations devrait se faire progressivement et, même si le nombre de candidats potentiels relevant d’un DAI biventriculaire dans le cadre des indications découlant de COMPANION qui vient d’être reconnue par l’ESC (classe IIA, niveau B) est estimé à 8 000, seule une partie d’entre eux seront réellement implantés. Ainsi, le pourcentage d’implantations prophylactiques qui, selon le registre EVADEF correspond à 15 à 20 % des 3 400 implantations en France pour l’année 2004, ne devrait augmenter que progressivement pour atteindre 30 % des 5 500 implantations prévues en 2006. Si l’on s’en tient à la Médecine basée sur le preuves, il convient d’implanter un DAI biventriculaire (prix unitaire de 19 100 euros) chez les patients ayant un asynchronisme électrique et un DAI monochambre (prix unitaire de 13 500 euros) (ou double chambre avec un algorithme permettant de réduire la stimulation ventriculaire).   En conclusion Les études récemment publiées tendent à confirmer l’intérêt du DAI en prévention primaire chez les patients en insuffisance cardiaque avec altération de la fonction systolique du VG. En complément du traitement pharmacologique optimisé, le DAI permet une réduction moyenne du risque relatif de mortalité de l’ordre de 25 à 30 %. Le choix du modèle du DAI devra se faire en fonction de l’existence ou non d’un asynchronisme électrique pour la réduction de la mortalité globale. Cette efficacité clinique est considérée comme économiquement acceptable aux États-Unis, mais se doit d’être confirmée dans notre système de santé.

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