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Cardiologie générale

Publié le 05 sep 2006Lecture 10 min

La pathologie cardiovasculaire du sujet très âgé

J. CHAPSAL, Paris

Le Printemps de la cardiologie

Comme convenu, et pour la première fois, le GRRC, la SFC et la FFC ont vu les promesses de leurs présidents se concrétiser avec ce premier congrès fédérateur, qui s’est tenu à Toulouse du 10 au 13 mai derniers. Chercheurs, cliniciens, grand public mais aussi infirmières et paramédicaux se sont retrouvés au cours d’un programme convaincant, préparé par le comité scientifique. À nouveau, le groupe de pharmacologie clinique et thérapeutique a organisé un débat très interactif sur les spécificités de la prise en charge thérapeutique des sujets très âgés, sous la présidence de D. Herpin (Poitiers) et A. Pathak (Toulouse). E. Donal (Rennes), O. Hanon (Paris) et A. Pathak ont fait part de leurs points de vue sur la prise en charge de patients de plus en plus âgés, dont la proportion va croissante dans notre activité.

La pathologie cardiovasculaire du sujet très âgé A nouveau, le groupe de pharmacologie clinique et thérapeutique a organisé un débat très interactif sur les spécificités de la prise en charge thérapeutique des sujets très âgés, sous la présidence de D. Herpin (Poitiers) et A. Pathak (Toulouse). E. Donal (Rennes), O. Hanon (Paris) et A. Pathak ont fait part de leurs points de vue sur la prise en charge de ces patients dont la proportion va croissante dans notre activité.   L’insuffisance cardiaque du sujet très âgé E. Donal, Rennes   Une épidémie L’incidence de l’insuffisance cardiaque dans la population très âgée (> 85 ans) explose : estimée à 26 cas pour mille personnes en 1970/74, elle est passée à 46 cas en 1990/94. Il est essentiel, chez ces patients, d’améliorer la qualité de vie, de prévenir les décompensations et de réduire les hospitalisations, tout ceci sans iatrogénie. C’est une meilleure prise en charge des pathologies cardiovasculaires aiguës qui a conduit à cette augmentation de patients âgés en insuffisance cardiaque. Attention aux comorbidités Le traitement de l’insuffisance cardiaque repose sur une polythérapie et les fréquentes comorbidités doivent être prises en compte. Si le cardiologue connaît bien les interférences entre les diurétiques et les antagonistes du système rénine-angiotensine (notamment l’association avec la spironolactone et son risque d’hyperkaliémie), il doit également penser aux autres médicaments : la polymédication, à l’origine des interactions, conduit souvent à des hospitalisations dont l’issue peut être grave. Souvent sous-estimé, l’état psychologique de la personne âgée peut également interférer avec l’observance du traitement, et on estime qu’environ un tiers des personnes âgées, traitées pour insuffisance cardiaque, reçoivent des benzodiazépines. Contrôler la fonction rénale La fonction rénale doit rester l’un des éléments-clés du suivi de l’insuffisant cardiaque et encore plus de l’insuffisant cardiaque âgé. Certes, la créatininémie peut donner un renseignement, mais on doit tenter d’estimer la filtration glomérulaire, soit par la formule de COCKROFT, soit par le MDRD qui peut être plus fiable car ne prenant pas en compte le poids du patient. L’éducation du patient Le patient doit s’adapter et connaître sa maladie et, il est essentiel de l’éduquer : la prise en charge des malades par des réseaux de soin est à cet égard très bénéfique, permettant une réduction des décès, des admissions et une meilleure qualité de vie. Il faut savoir faire le distinguo entre trouble psychologique et trouble cognitif, et ne pas s’acharner à vouloir donner les posologies maximales chez le sujet âgé.   L’HTA du sujet très âgé O. Hanon L’espérance de vie ne fait qu’augmenter et si en 2006 l’espérance de vie chez l’homme est de 77 ans et chez la femme de 84 ans, ces chiffres seront respectivement de 82 et 90 ans en 2050. Une fille qui naît aujourd’hui a une chance sur deux d’être centenaire. L’HTA reste le facteur principal de mortalité dans le monde avant le tabac, l’hypercholestérolémie, le faible poids corporel et les rapports sexuels non protégés. L’HTA en quelques chiffres Après 65 ans, 78 % des patients sont hypertendus (PA > 140-90 mmHg). Un tiers seulement des hypertendus sont contrôlés. La mortalité cardiovasculaire ischémique double pour chaque tranche de 20 mmHg de PAS et pour 10 mmHg de PAD. Quel que soit l’âge, une baisse de 20 mmHg de la PAS entraîne une diminution de 30 % du risque cardiovasculaire. L’HTA du sujet très âgé (> 80 ans) L’étude de FRAMINGHAM s’est intéressé à 5 296 patients suivis pendant 6 ans : le risque de faire un accident est beaucoup plus grand quand les patients sont âgés, et le bénéfice absolu du traitement est donc plus important chez le sujet âgé. Pour éviter un événement cardiovasculaire, il suffit de traiter pendant 1 an 19 patients lorsqu’ils sont âgés > 70 ans, et 39 s’ils ont entre 60 et 69 ans. Le bénéfice du traitement F. Gueyffier a confirmé que le traitement de l’hypertendu âgé (> 80 ans), avec une PA à 180/84 mmHg tirait un bénéfice du traitement qui entraîne une diminution des AVC, une diminution des accidents cardiovasculaires majeurs, une diminution de l’insuffisance cardiaque au détriment cependant d’une augmentation du risque de mortalité totale. Un deuxième travail, l’étude HYVET-PILOT (HYpertension in the Very Elderly Trial) (1 283 hypertendus âgés de 84 ans en moyenne et suivis pendant 1 an), a comparé trois attitudes : un traitement diurétique, un traitement par les IEC et l’absence de traitement. Les résultats sont les suivants : – un traitement actif entraîne une diminution du risque d’AVC de 53 %, – les diurétiques ont un bénéfice supérieur à celui des IEC. Le message est donc : traiter l’HTA. Qu’en est-il des recommandations ? L’Haute autorité de santé (HAS) en 2005 a confirmé le bénéfice du traitement chez les sujets entre 60 et 80 ans. Chez les sujets > 80 ans, les données actuelles justifient l’intervention thérapeutique en raison du bénéfice observé sur le surrisque d’AVC (grade B). L’HTA blouse blanche est très fréquente Il faut insister sur la discordance entre la mesure clinique et la mesure ambulatoire dans cette population. Les chiffres sont éloquents : l’HTA est permanente dans 63 % des cas et un effet blouse blanche est observé dans 37 % des cas. Cette prévalence de l’effet blouse blanche après 75 ans est essentielle car les données de l’étude SHEAF (Self mesurement of blood pressure at Home in the Elderly Assessment and Follow-up) ont bien montré que le pronostic des normotendus était identique à celui des patients avec effet blouse blanche et chez le sujet âgé, il ne faut pas traiter l’HTA blouse blanche. Conséquences pratiques Avant de débuter un traitement antihypertenseur médicamenteux, si la PA est entre 140-179/90-109 mmHg et en dehors des organes cibles, il faut réaliser une MAPA ou une automesure en respectant la règle des 3. Un patient dont la PAS > 135 mmHg et la PAD > 85 mmHg est considéré comme hypertendu. L’hétéromesure de la pression artérielle par l’accompagnant conduit à objectiver un effet blouse blanche chez 15 % des patients. Quels objectifs tensionnels ? Dans la tranche d’âge entre 60 et 80 ans, la cible est une PA < 140/90 mmHg, mais sans hypotension orthostatique et chez le sujet > 80 ans, la PAS doit être abaissée en dessous de 150 mmHg. Toujours évaluer le rapport bénéfice/risque L’objectif thérapeutique doit être atteint progressivement. Dépistage d’une hypotension orthostatique. Faible dose initiale. Objectifs adaptés à chaque patient. Une diminution de la PAS de 20 à 30 mmHg est un bon résultat. Ne pas associer plus de trois antihypertenseurs à dosage optimal comprenant au moins un diurétique thiazidique. Quels médicaments ? Cinq classes thérapeutiques sont recommandées par l’HAS : dans un premier temps, on préfèrera une monothérapie à faible dose, en particulier chez le sujet > 80 ans. Les alphabloquants et les antihypertenseurs centraux, n’ayant pas démontré leur efficacité sur la morbi-mortalité cardiovasculaire ne sont pas recommandés mais peuvent éventuellement aider à atteindre l’objectif quand une trithérapie est nécessaire. Indications spécifiques HVG : ARA II, thiazidiques. Sujet âgé avec HTA systolique : diurétique, calcium bloqueur. Patient diabétique : antagonistes du système rénine-angiotensine. L’adaptation du traitement médicamenteux sera progressive par paliers de 4 semaines. Nous ne reviendrons pas sur la théorie des paniers et sur les associations médicamenteuses préconisées : si l’association diurétique + anticalcique est logique et intéressante dans l’HTA systolique du sujet âgé, l’association bêtabloquant + IEC n’est, en revanche, pas optimale pour abaisser les chiffres tensionnels. La stratégie des paniers conduit à donner un médicament du panier 2, puis d’associer 1 ou 2, ou bien 2 + 2 et, éventuellement, 1 + 2 + 2. L’étude PANIER 2 Les résultats de cette étude menée sur 146 patients âgés de 74 ans, ayant une HTA systolique ont ainsi permis de démontrer que les patients ayant reçu des diurétiques thiazidiques, puis des anticalciques, étaient mieux contrôlés par l’association panier 1 et 2, permettant une meilleure baisse de la pression pulsée. Savoir surveiller le traitement diurétique chez le sujet âgé La tolérance clinique sera évaluée par la recherche systématique d’une éventuelle hypotension orthostatique, et la tolérance biologique sera évaluée par la créatininémie, le calcul du débit de filtration glomérulaire, la kaliémie et la natrémie. Ces dosages doivent être réguliers à l’initiation du traitement, au minimum 2 fois par an et à l’occasion de pathologies intercurrentes (diarrhée, fièvre…). Il est essentiel d’éduquer nos patients et de leur expliquer qu’ils peuvent arrêter pendant quelques jours leur traitement en cas d’apparition d’un phénomène intercurrent. Évaluer les fonctions cognitives Après 75 ans, l’évaluation des fonctions cognitives est recommandée et l’on sait à présent qu’un traitement antihypertenseur peut diminuer de 50 % le risque de survenue d’une démence et ralentit la progression de la maladie et ce, d’autant qu’on est au stade précoce. Si le Mini Mental State Examination (MMSE) n’est guère pratiqué par les cardiologues, il faut penser à faire le test de l’horloge : on dessine un cadran et on demande aux patients d’y mettre les chiffres, puis les aiguilles à une heure donnée. Ce test très simple permet un dépistage d’une anomalie cognitive et de programmer un bilan spécialisé dans un centre habitué à cette prise en charge. Un traitement antihypertenseur peut diminuer de 50 % le risque de survenue d’une démence. HTA du sujet âgé La décision de traiter repose au cas par cas et non sur l’âge réel. Elle repose sur une analyse individuelle prenant en compte : – l’espérance de vie, – la qualité de vie, – les comorbidités, – l’atteinte des organes cibles, – le risque iatrogène. Interactions médicamenteuses A. Pathak, Toulouse Les personnes âgées consomment un tiers des prescriptions, alors que la population d’âge > 65 ans n’est que de 14,6 %. En moyenne, à 50 ans, les patients prennent 5 médicaments et à 70 ans, 7 médicaments, avec les conséquences directes que sont l’augmentation des effets indésirables. Les effets indésirables et les erreurs de prise des comprimés sont responsables de près de 30 % des hospitalisations : déshydratation avec insuffisance rénale (22 % des cas), hypotension avec chute (20 %), hémorragie digestive (16 %), état confusionnel (14 %). Chez les patients âgés > 65 ans, les effets indésirables sont deux fois plus fréquents. L’âge est responsable de modifications à différents niveaux : pharmacodynamique mais aussi pharmacocinétique ; l’absorption, la distribution, le métabolisme et l’élimination des médicaments sont différents : puisqu’aux États-Unis, les interactions médicamentseuses représentent la 4e cause de décès des patients hospitalisés. Les erreurs de prise des comprimés sont responsables de près de 30 % des hospitalisations. Quelques exemples L’hyponatrémie Fréquente, elle est constatée chez 2,5 % des patients hospitalisés (8 à 20 % en gériatrie), avec une origine médicamenteuse dans 30 à 70 % des cas. Les hyponatrémies sont plus fréquentes chez la femme, peuvent apparaître 15 à 30 jours après l’initiation du traitement, et sont responsables d’une confusion, source d’erreur diagnostique. L’hyperkaliémie Après l’étude RALES (Randomized ALdactone Evaluation Study), une étude rétrospective chez des patients insuffisants cardiaques chroniques a montré une incidence de l’hyperkaliémie de 33,8 %, ce risque augmentant avec l’âge et la valeur de la kaliémie avant traitement. D’après un travail mené entre 2000 et 2004 et rapporté par A. Jacq, une hyperkaliémie > 6 mmol/l a été notée 79 fois chez des patients d’âge moyen 77 ans avec 5 décès et 72 cas graves. L’âge, un diabète ou une insuffisance rénale, sont des facteurs favorisants. Éviter la survenue des hyperkaliémies passe par une surveillance régulière de la kaliémie et de la fonction rénale avant traitement et à chaque changement de posologie ou en cas d’association à des médicaments hyperkaliémants ou en cas de pathologie intercurrente. Le risque hémorragique Les AVK Il s’agit d’accidents graves, parfois prévisibles : antécédents de saignement gastrointestinal, comorbidité (HTA), cardiopathie, insuffisance rénale chronique, cancer. Les AVK en pratique - Débuter le traitement à doses faibles - Surveillance accrue - Réajuster la dose en cas de pathologie intercurrente - Carnet de suivi - Risque d’augmentation de l’INR en cas de décompensation cardiaque - Réévaluer régulièrement le rapport bénéfice/risque Les HBPM Le risque d’hémorragie augmente avec l’âge, l’existence d’une insuffisance rénale et un traitement prolongé. Un conseil : éviter les traitements prolongés. Les AINS Ils sont déconseillés en cas de cardiopathie sous-jacente, d’HTA et s’ils sont nécessaires, la durée de prescription doit être aussi courte que possible, notamment chez des patients déjà traités par IEC, sartans, diurétiques, anticoagulants ou antiagrégants. En conclusion Souligner l’inadéquation fréquente de la prescription chez le sujet âgé : - sous-utilisation des médicaments utiles (ASMR 1 à 3), - surprescription de certains médicaments inutiles de niveau d’ASMR insuffisant, - prescription inappropriée à l’origine d’interactions, de redondances, - posologie ou durée non respectées, - surveillance non conforme, - et absence de réévaluation régulière de la prescription pour optimiser le rapport bénéfice/risque. Avoir le réflexe « iatrogène » pour identifier précocement les effets indésirables et en prévenir les conséquences délétères.

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