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Coronaires

Publié le 29 mai 2007Lecture 10 min

La maladie coronaire «non athéromateuse » : on ne trouve que ce que l'on cherche...

S. WEBER, hôpital Cochin, Paris

Cet adage, globalement exact concernant toute démarche déductive, et donc la démarche diagnostique, s’applique parfaitement à la prise en charge des syndromes douloureux thoraciques. En dehors du cas particulier de l’infarctus coronarographié en phase aiguë où le caractère systématique de l’opacification coronaire permet d’avoir une estimation précise de la prévalence de l’infarctus à coronaires saines, les diagnostics des formes « atypiques » de maladie coronaire sont directement liés au niveau « d’approfondissement » de la démarche diagnostique retenue par chaque équipe.

Angor d'effort Lorsqu’il s’agit d’un angor d’effort strictement lié à l’effort, l’électrocardiogramme d’effort isolé ou couplé à une technique scintigraphique représente presque toujours la première étape du diagnostic (figure 1). Figure 1. Stratégie d’exploration d’un angor d’effort. Éliminer certaines étiologies Elle aura été accompagnée, bien sûr, de la recherche d’une valvulopathie aortique, plus souvent sténosante que fuyante, et par la recherche électrocardiographique et surtout échographique d’une cardiopathie hypertrophique, toutes étiologies susceptibles d’expliquer à elles seules, en l’absence de toute coronaropathie, un authentique angor d’effort.   L’épreuve d’effort Lorsque l’épreuve d’effort est authentiquement négative, à un niveau de fréquence cardiaque et de charge de travail suffisant par rapport à l’âge et à la condition physique du patient, ce résultat doit amener à reprendre l’interrogatoire, à rechercher des étiologies extracardiaques, voire anorganiques à la symptomatologie. Lorsque l’épreuve d’effort est positive, qu’il n’y a ni valvulopathie aortique ni cardiopathie hypertrophique, la pratique d’une coronarographie est généralement indiquée, objectivant dans la grande majorité des cas la présence d’une maladie athéromateuse coronaire significative, c’est-à-dire l’existence d’au moins une sténose > 70 % de réduction du calibre luminal (50 % pour le tronc commun de la coronaire gauche).   La coronarographie Savoir évaluer le caractère fonctionnel d’une sténose Ce seuil de 70 % doit cependant être appréhendé de façon critique ; la perte de charge liée à une sténose coronaire ne dépend pas seulement de la réduction du calibre luminal, mais aussi de la longueur de la sténose, de la compliance des parois artérielles, de la fonction endothéliale du tronc coronaire épicardique concernée pour ne citer que quelques-uns des paramètres individualisés. Si la sténose n’atteint « que » 40 %, mesurée à l’œil nu ou en angiographie quantitative (ce qui n’apporte qu’une amélioration toute relative de la précision) et si, à l’effort ou lors du stress pharmacologique, le malade souffre cliniquement, électriquement, et s’il existe de surcroît un défect de perfusion scintigraphique ou un défect de contractilité échographique, il est très vraisemblable qu’il existe un lien de cause à effet entre la sténose, même réputée < 50 %, et le syndrome électroclinique. Si le traitement pharmacologique ne suffit pas à maîtriser douleur et ischémie, une revascularisation par angioplastie, éventuellement précédée d’une échographie endocoronaire, représente généralement la solution au problème… et le malade rejoint le cadre banal de la maladie coronaire athéromateuse ! Authentifier l’ischémie. Parfois, l’angor d’effort est caricatural, le sous-décalage ischémique du segment ST tout à fait patent, survenant et disparaissant de façon synchrone à la douleur alors même que les coronaires sont strictement normales ou n’objectivent que quelques plaques athéromateuses très largement < 50 %. Compte tenu de l’existence de faux positifs de l’électrocardiogramme de stress, l’authenticité de l’ischémie peut être confirmée par une preuve métabolique, notamment l’échantillonnage de lactates au niveau du sinus coronaire mais il s’agit d’une technique lourde, d’utilisation rare, appartenant plus au domaine de la recherche clinique qu’à celui de la pratique quotidienne. Une telle situation évoque un syndrome X coronaire traité plus en détail dans un chapitre suivant. Cette entité, dont la physiopathologie reste encore mystérieuse, correspond à une authentique ischémie ; le risque de complications évolutives graves, tels l’infarctus ou la mort subite, est quasi nul mais la symptomatologie est bien réelle nécessitant le plus souvent une prise en charge pharmacologique.   En cas d’angor post-effort : penser au spasme coronaire Dans l’angor strictement lié à l’effort, il ne s’agit jamais, ou presque, d’un spasme coronaire des gros troncs épicardiques. La réalisation d’un test de provocation du spasme n’est donc, dans ce cas précis, généralement pas retenue. En revanche, si l’ischémie survient dans les premières dizaines de secondes ou les premières minutes de récupération post-effort, la vraisemblance d’un angor vasospastique est élevée, de mécanisme généralement cholinergique. Dans ce cas précis, la réalisation d’un test de provocation du spasme, habituellement par le méthergin, s’impose lorsque la coronarographie est normale.   Angor instable   Suspecter une forme « atypique » En cas d’angor instable, la responsabilité d’une forme « atypique » de maladie coronaire sera d’autant plus volontiers suspectée : - que le patient est plus jeune et notamment de sexe féminin, - qu’il n’existe pas d’antécédents familiaux de dyslipidémie, d’hypertension artérielle ou de diabète (figure 2). En revanche, l’existence d’une intoxication tabagique représente un facteur favorisant aussi bien de l’athérome coronaire classique que de nombreuses étiologies « atypiques ». Figure 2. Stratégie d’exploration d’une douleur thoracique de repos. La recherche d’antécédents de radiothérapie médiastinale, de connectivite comme, d’autres maladies inflammatoires représente autant d’éléments d’orientation. Les caractéristiques cliniques de l’angor instable n’ont rien de spécifique ; tout au plus peut-on noter une plus forte prévalence de l’angor nocturne, notamment de deuxième partie de nuit, lorsqu’il s’agit d’un angor vasospatique à coronaires saines.   La coronarographie : l’étape cruciale du diagnostic Elle objective le plus souvent des lésions athéromateuses d’allure parfaitement banale : chez le sujet jeune sans facteur de risque classique évident (en dehors du tabagisme), l’hypothèse d’une maladie inflammatoire doit être raisonnablement évoquée. Le terme de « raisonnablement » est, bien sûr, subjectif. Il ne s’agit pas, chaque fois que l’on retrouve des lésions athéromateuses chez un patient < 40 ans, de demander, en l’absence de tout signe clinique d’orientation, un bilan immunologique complexe, exhaustif et coûteux ! En revanche, la reprise de l’interrogatoire, de l’examen physique et la relecture des examens biologiques « de première ligne » déjà prescrits pour cet angor instable (notamment numération, CRP, recherche de protéinuries, créatininémie) s’imposent. Parfois, il existe des lésions sténosantes des coronaires mais d’aspect inhabituel, particulièrement diffuses et pseudo-anévrismales. De tels aspects correspondent même, chez le patient jeune, le plus souvent à de l’athérome banal mais une telle constatation mériterait de s’avancer un peu plus loin dans le domaine des maladies inflammatoires et d’envisager un avis en médecine interne. Enfin, le réseau coronaire peut être normal : devant une douleur de repos, le diagnostic d’angor vasospastique doit être envisagé et la réalisation d’un test de provocation devient incontournable. Il faut éviter la tentation de reprendre l’interrogatoire avec un regard inévitablement biaisé, après avoir pris connaissance du résultat de la coronarographie. Rien ne devient alors plus facile que de suggestionner le patient et de s’autosuggestionner pour trouver que, finalement, ce syndrome douloureux thoracique n’était pas si évocateur que cela… Restons cohérents avec nous-mêmes. Si nous avons jugé avant la coronarographie que les douleurs étaient suffisamment évocatrices pour justifier la pratique d’une angiographie coronaire, il convient d’aller au bout de la démarche diagnostique et, en l’absence de sténose significative, d’effectuer un test de provocation. Dans ce cas de figure, si l’interrogatoire a été raisonnablement fiable et les indications de coronarographie raisonnablement bien posées, ce test de provocation sera positif dans 10 à 15 % des cas, ce qui en justifie largement la pratique. En effet, la méconnaissance d’un diagnostic d’angor spastique — et donc la non-prescription du traitement pharmacologique adapté — peut avoir pour conséquence un infarctus myocardique ou une mort subite.   Infarctus myocardique avec sus-décalage de ST   L’occlusion d’un tronc coronaire Si l’on adopte une stratégie d’angioplastie primaire et donc de coronarographie de première intention (figure 3), on retrouvera une occlusion ou subocclusion d’un gros tronc coronaire dans plus de 90 % des cas si toutefois la coronarographie a été réalisée dans les premières heures. Figure 3. A. Infarctus antérieur : occlusion de l’IVA. Présence de lésions athéromateuses sur le reste du réseau dans le cadre d’une maladie coronaire « classique » ; B. Traitement par angioplastie. Un cas particulier mérite d’être individualisé, il s’agit, notamment chez le sujet jeune, d’une occlusion isolée d’un gros tronc coronaire, les deux autres vaisseaux principaux étant indemnes de lésions athéromateuses. Dans ce cas, une angioplastie primaire est immédiatement effectuée, couronnée de succès dans plus de 90 % des cas. L’objectif thérapeutique, la limitation de la nécrose aura été obtenue, ce qui est essentiel, mais dans ce cas de figure, fréquent chez les sujets < 40 ans, le diagnostic étiologique n’aura pas été fait. En effet, il est très difficile de dire, si l’on a dilaté une plaque d’athérome rompue, éventualité la plus fréquente, ou si l’on a dilaté une thrombose sans lésion athéromateuse significative sous-jacente. Les conséquences pratiques de ces réflexions sont facilement standardisables. Il ne s’agit pas de préconiser un bilan d’hémostase approfondi, la pratique ultérieure d’un test de provocation ou la recherche d’une cardiopathie emboligène de façon systématique, chez tous les patients présentant une occlusion monotronculaire isolée. Néanmoins, le clinicien doit rester vigilant si le patient est particulièrement jeune et s’il n’y a pas de facteur de risque classique d’athérome. Les éléments cliniques d’orientation vers un angor vasopastique (phénomène de Raynaud, migraines…), une cardiopathie emboligène, plus rarement une pathologie inflammatoire doivent être envisagés au cas par cas. Figure 4. Stratégie d’exploration d’une nécrose myocardique Les coronaires sont angiographiquement normales Le réseau coronaire peut être normal, indemne de toute sténose athéromateuse alors que le diagnostic d’infarctus est patent avec sus-décalage de ST, élévation des marqueurs biologiques et présence d’un territoire hypo- ou akinétique à la ventriculographie ou à l’échographie cardiaque (figure 5). Une telle éventualité n’est pas rare, représentant 5 à 6 % des malades dans les séries de coronarographies. Deux diagnostics différentiels et deux diagnostics étiologiques doivent être évoqués prioritairement car lourds en retombées thérapeutiques. Figure 5. Ventriculographie : infarctus avec séquelle antérieure : diastole (A) et systole (B). Éliminer 2 diagnostics Le diagnostic de myocardite aiguë focale : cette entité relativement fréquente peut mimer en tous points un infarctus myocardique transmural habituel. Parfois, la scène clinique d’infarctus a été précédée de quelques jours d’un syndrome pseudo-grippal, mais il s’agit là d’une constatation très peu spécifique. Ce diagnostic différentiel est actuellement le plus solidement établi par l’IRM cardiaque, différenciant aisément myocardite aiguë et infarctus transmural (figure 6) ; Le diagnostic de Tako-Tsubo. Figure 6. IRM : myocardite. Évoquer 2 étiologies S’il s’agit bien d’un infarctus à coronaires saines, les deux principales causes sont le spasme coronaire et les cardiopathies emboligènes. Le spasme coronaire est un diagnostic difficile au décours d’un infarctus. En dehors de certaines formes très évocatrices, lorsque l’infarctus a été précédé par un angor de Prinzmetal typique avec documentation d’épisodes de sus-décalage transitoire du segment ST, le diagnostic est difficile. Si les coronaires sont normales en phase aiguë d’infarctus, il n’est alors pas raisonnable d’effectuer, sur un myocarde en phase aiguë de nécrose, un test de provocation du spasme. Celui-ci pourra, en revanche, être effectué à distance de quelques semaines, si le reste du bilan étiologique a été négatif et si le contexte clinique est évocateur. Effectués à distance de l’événement clinique, la sensibilité et donc la valeur prédictive négative des tests de provocation du spasme ne sont pas optimales mais leur spécificité reste bonne. Si le test de provocation est positif, l’indication d’un traitement par inhibiteurs calciques devient impérative alors qu’elle n’aurait d’intérêt dans le postinfarctus ; l’embolie coronaire : ces embolies sont relativement rares (figure 7), bien plus rares que les accidents vasculaires cérébraux, compte tenu de l’orientation anatomique de la partie proximale des artères coronaires par rapport au flux éjectionnel aortique. Cette éventualité n’est cependant pas exceptionnelle et conduit à effectuer un bilan « classique » de cardiopathie emboligène comportant échographie transthoracique et le plus souvent transœsophagienne, enregistrement Holter et éventuellement recherche d’une vulnérabilité auriculaire. Ces examens peuvent être complétés par une imagerie cérébrale à la recherche de petits embols parenchymateux cérébraux passés cliniquement inaperçus. Ce bilan étiologique des infarctus à coronaires normales est lourd de conséquences thérapeutiques : - surveillance adaptée, souvent traitement anti-inflammatoire s’il s’agit d’une myocardite aiguë focale ; - traitement inhibiteur calcique s’il s’agit d’un infarctus vasospatique ; - traitement étiologique et le plus souvent traitement anticoagulant oral s’il s’agit d’une embolie coronaire. Figure 7. A. Fibrillation auriculaire avec thrombose de l’auricule gauche. Infarctus inférieur. Occlusion thrombotique de la coronaire droite par probable embole coronaire ; B. Traitement par thromboaspiration. D’autres causes exceptionnelles Les autres causes plus rares d’IDM peuvent être : - des anomalies congénitales des coronaires, - une dissection coronaire, - un traumatisme, - des maladies métaboliques (Hürler, Fabry, Kearns, etc.), - une intoxication CO, - un spasme « toxique » (cocaïne, Parlodel®, prostaglandines, ergots), - une polyglobuline, une thrombocytose.   Garder « l’esprit clinique »   La qualité de cette démarche diagnostique, pour l’angor d’effort, pour l’angor instable comme pour l’infarctus transmural est une question de juste équilibre. Si l’on ne se pose aucune question, on observera une prévalence particulièrement basse de maladie coronaire « non athéromateuse » et on méconnaîtra de nombreux diagnostics, dont certains lourds de conséquences thérapeutiques. À l’inverse, il n’est pas question de plaider pour la réalisation systématique d’examens complémentaires nombreux, coûteux et parfois même semi-agressifs chez tous les patients pour lesquels la coronarographie simple ne fournit pas une explication indiscutable. Il s’agit tout simplement de se souvenir que la cardiologie fait partie intégrante de la médecine… et qu’il faut savoir se poser des questions lorsque les résultats de la coronarographie ne sont pas en totale harmonie avec le reste du tableau clinique.

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